« Cash Investigation » : Mme Élise Lucet présentera-t-elle ses excuses ?
Mardi 13 septembre 2016, France 2, prime time : les téléspectateurs auront droit, une fois de plus à une de ces émissions prétendument d'investigation... enfin attendons de voir. Mais le titre – « Industrie agroalimentaire : business contre santé » n'augure rien de bon.
Quoique... nous en avons un avant-goût avec une tribune libre publiée par Mme Catherine Chapalain, Directrice Générale de l’Association Nationale des Industries Alimentaires (ANIA), sur son interview avec Mme Élise Lucet. C'est malheureusement sur le site de l'ANIA, donc peu visible.
Mais c'est un coup : Mme Chapalain dévoile avant l'émission la teneur de ses propos et ce qu'elle a retenu de l'interview. Nous pourrons comparer avec ce que Mme Lucet en aura retenu !
On a déjà un petit aperçu.
Voici la version de Mme Chatalain :
« A l’ANIA, nous sommes convaincus que l’information nutritionnelle des produits doit évoluer, doit progresser, doit se simplifier. Nous faisons le constat que l’information actuelle, notamment réglementaire (ex. tableau des valeurs nutritionnelles), n’est plus suffisante pour bien informer le consommateur. Les études auprès des consommateurs et la consultation citoyenne que nous avons menées nous le confirment. Il est donc utile de mettre en place une information complémentaire simplifiée sous forme de logos.
C’est pourquoi, nous nous sommes engagés aux côtés du ministère de la santé, des pouvoirs publics, des associations de consommateurs, des scientifiques, des enseignes de la grande distribution dans la mise en place d’une concertation puis d’une expérimentation de différents logos. L’enjeu est de permettre aux consommateurs eux-mêmes, en conditions réelles d’achat, d’évaluer le logo qui leur semblera le plus adapté. Quatre nouveaux systèmes d’information leur seront alors proposés : le Nutri-Score, le SENS, le Nutri-Repère et le Nutri-Couleurs. »
Et la version FranceTVInfo, « "Cash Investigation". Industrie agroalimentaire : business contre santé » :
« Pour lutter contre le fléau de l’obésité, le gouvernement français veut par exemple simplifier et rendre plus lisibles les étiquettes des produits alimentaires. "Cash Investigation" met au jour les méthodes des industriels pour torpiller ce projet. Cette guerre, où tous les coups sont permis, se livre partout dans le monde. Dans le viseur de l’industrie : les politiques mais aussi les chercheurs. Les géants de l’agroalimentaire n’hésitent pas à payer des scientifiques pour défendre leurs intérêts.
Et si vous voulez un avant-goût du persiflage, c'est ici.
Il est un autre événement qui est passé sous notre radar : le 29 juillet 2016, le Conseil Supérieur de l'Audiovisuel (CSA) a publié un communiqué de presse sur l'ignoble Cash investigation intitulé « Produits chimiques : nos enfants en danger », diffusé le 2 février 2016 (et que nous avons longuement analysé sur ce site). Le plus simple est encore de reproduire ce communiqué :
« Le CSA a été saisi, notamment par des parlementaires, au sujet de l’émission Cash investigation intitulée "Produits chimiques : nos enfants en danger", diffusée sur France 2 le 2 février 2016. Il a également pris connaissance d’un rapport établi sur ce sujet par l’Association française pour une information scientifique qui lui a été remis.
Après un examen de l’émission litigieuse, le Conseil a regretté que les journalistes aient indiqué de manière erronée qu’une étude de l’Autorité européenne de sécurité alimentaire avait révélé que 97 % des denrées alimentaires contenaient des résidus de pesticides, alors que l’étude fait état, en réalité, de 97 % de ces denrées qui contiendraient des résidus dans les limites légales.
En conséquence, le CSA a demandé aux responsables de France Télévisions de veiller à respecter, à l’avenir, leurs obligations en matière de rigueur dans la présentation et le traitement de l’information, telles que prévues à l’article 35 du cahier des charges.
Par ailleurs, deux parlementaires déploraient que, dans une séquence au cours de laquelle la journaliste a interrompu un dîner co-organisé par une entreprise qui commercialise des produits phytosanitaires, seuls les parlementaires qui y assistaient aient été identifiés. Ils considéraient que cette présentation ait pu "alimenter l’antiparlementarisme".
Le CSA a considéré que si cette présentation ne caractérisait pas un manquement de la chaîne à ses obligations en matière de droits et libertés, les parlementaires nommément visés n’avaient pas été mis en situation de pouvoir expliquer les raisons de leur présence. Il a fait part de cette observation aux responsables de France Télévision. »
L'émission de demain, 13 septembre 2016, offrira à Mme Élise Lucet l'occasion de « rectifier le tir » sur l'énorme contre-vérité des 97 %. Et, si le « débat » qui suit l'émission est en direct, de faire ce qu'il faut, le cas échéant, au sujet de la position de l'ANIA.
Le fera-t-elle ?
Posons le problème autrement : la direction de France 2 imposera-t-elle un début de repentance et, surtout, de respect des téléspectateurs et, comme cette affaire a très largement débordé la sphère télévisuelle, les citoyens ?