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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Semences, néonicotinoïdes : le Conseil Constitutionnel a décidé

7 Août 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Néonicotinoïdes, #Semences, #Politique

Semences, néonicotinoïdes : le Conseil Constitutionnel a décidé

 

 

Le Conseil Constitutionnel a rendu sa décision le 4 août 2016 sur la Loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages par des députés et sénateurs LR.

 

Deux dispositions contestées sont d'intérêt dans le cadre de ce site :

 

 

Les nouvelles dispositions sur les semences en partie retoquées

 

Ce qui est maintenant l'article 11 de la loi entendait compléter l'article L. 661-8 du code rural et de la pêche maritime par un alinéa ainsi rédigé :

 

« La cession, la fourniture ou le transfert, réalisé à titre gratuit ou, s’il est réalisé par une association régie par la loi du 1er janvier 1901 relative au contrat d’association, à titre onéreux de semences ou de matériels de reproduction des végétaux d’espèces cultivées de variétés appartenant au domaine public à des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale de la variété n’est pas soumis aux dispositions du présent article, à l’exception des règles sanitaires relatives à la sélection et à la production. » ;

 

Le Conseil Constitutionnel n'a pas admis la partie que nous avons mise en gras – le traitement de faveur de ces marchands de semences qui se sont constitués sous forme d'association mais se livrent à un commerce en tous points semblable à celui des entreprises constituées en sociétés. De la décision :

 

« 21. En instaurant une exemption au profit des associations régies par la loi du 1er juillet 1901, pour la vente et l'échange de semences ou de matériels de reproduction des végétaux appartenant au domaine public, le législateur a, en vue de la préservation de la biodiversité, entendu favoriser la circulation de ces semences ou matériels de reproduction auprès des utilisateurs finaux non professionnels ne visant pas une exploitation commerciale.

 

22. Toutefois, les associations ne sont pas placées, au regard de cet objectif, dans une situation différente de celles d'autres personnes morales ou physiques susceptibles, par la vente ou l'échange de ces mêmes semences ou matériels de reproduction, à titre commercial ou non, de favoriser également cette circulation des variétés végétales auprès des mêmes utilisateurs. La différence de traitement ainsi établie étant sans rapport avec l'objet de la loi, elle méconnaît le principe d'égalité devant la loi.

 

23. Par conséquent, au 1° de l'article 11, les mots « ou, s'il est réalisé par une association régie par la loi du 1er janvier 1901 relative aux contrats d'association, à titre onéreux » sont contraires à la Constitution. »

 

 

Néonicotinoïdes : les dispositions passent le test de constitutionnalité

 

L'article 125 – dont nous avons abondamment parlé sur ce site sous son ancien numéro, 51 quaterdecies – introduit la disposition suivante dans l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime :

 

« II. – L’utilisation de produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et de semences traitées avec ces produits est interdite à compter du 1er septembre 2018.

 

Des dérogations à l’interdiction mentionnée au premier alinéa du présent II peuvent être accordées jusqu’au 1er juillet 2020 par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’environnement et de la santé.

 

L’arrêté mentionné au deuxième alinéa du présent II est pris sur la base d’un bilan établi par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail qui compare les bénéfices et les risques liés aux usages des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes autorisés en France avec ceux liés aux usages de produits de substitution ou aux méthodes alternatives disponibles.

 

Ce bilan porte sur les impacts sur l’environnement, notamment sur les pollinisateurs, sur la santé publique et sur l’activité agricole. Il est rendu public dans les conditions prévues au dernier alinéa de l’article L. 1313-3 du code de la santé publique. »

 

Le Conseil Constitutionnel a écarté tous les griefs. Nous retiendrons en particulier que le Conseil pose que le législateur peut apporter des limitations justifiées par l'intérêt général à la liberté d'entreprendre, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi, mais que lui, Conseil, ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation. Pourtant, le Conseil use de ce pouvoir d'appréciation pour considérer que la restriction apportée à la liberté d'entreprendre n'est pas disproportionnée au regard des délais de mise en œuvre.

 

Prochain arrêt au Conseil d'État (si la nouvelle majorité ne revient pas sur cette disposition – mais ne rêvons pas...) ? De la décision :

 

« 34. Les députés requérants font valoir que l'interdiction édictée par le paragraphe I de l'article 125 viole manifestement les dispositions du règlement du 21 octobre 2009 mentionné ci-dessus, lequel n'autoriserait pas les États membres à édicter une mesure générale et indifférenciée d'interdiction de mise sur le marché et d'utilisation de produits phytopharmaceutiques. Il en résulterait une méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution. Les députés requérants font valoir que les dispositions contestées portent également une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté d'entreprendre des personnes commercialisant ces produits et de leurs utilisateurs, dans la mesure où l'interdiction qu'elles édictent concerne des produits chimiques dont les effets dommageables sur l'environnement ne sont pas suffisamment démontrés.

 

35. En premier lieu, selon l'article 88-1 de la Constitution : « La République participe à l'Union européenne constituée d'États qui ont choisi librement d'exercer en commun certaines de leurs compétences en vertu du traité sur l'Union européenne et du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007 ». Ainsi, il en résulte une exigence constitutionnelle de transposition en droit interne d'une directive de l'Union européenne.

 

36. En l'espèce, le paragraphe I de l'article 125 de la loi déférée n'a pas pour objet de transposer une directive de l'Union européenne. Dès lors, le grief tiré de la méconnaissance de l'article 88-1 de la Constitution doit être écarté.

 

37. En second lieu, il est loisible au législateur d'apporter à la liberté d'entreprendre qui découle de l'article 4 de la Déclaration de 1789, des limitations liées à des exigences constitutionnelles ou justifiées par l'intérêt général, à la condition qu'il n'en résulte pas d'atteintes disproportionnées au regard de l'objectif poursuivi.

 

38. D'une part, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu prévenir les risques susceptibles de résulter pour l'environnement ainsi que pour la santé publique de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives de la famille des néonicotinoïdes. Il n'appartient pas au Conseil constitutionnel, qui ne dispose pas d'un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, de remettre en cause, au regard de l'état des connaissances, l'appréciation par le législateur des conséquences susceptibles de résulter pour l'environnement et pour la santé publique de l'utilisation de ces produits.

 

39. D'autre part, si le législateur a interdit l'usage de ces produits et des semences traitées avec ces produits, il n'a en revanche interdit ni leur fabrication ni leur exportation. Par ailleurs, s'il a fixé la date d'interdiction de l'usage de ces produits et des semences traitées avec ces produits au 1er septembre 2018, il a toutefois aménagé des possibilités de dérogation à l'interdiction pendant une durée de vingt-deux mois à compter de cette date. Dans ces conditions, il a porté à la liberté d'entreprendre des personnes commercialisant ces produits et ces semences et à celle de leurs usagers une atteinte qui n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général de protection de l'environnement et de l'objectif à valeur constitutionnelle de protection de la santé publique poursuivis.

 

40. Il résulte de tout ce qui précède que le paragraphe I de l'article 125, qui ne méconnaît aucune exigence constitutionnelle, est conforme à la Constitution. »

 

 

 

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