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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate : la saga de l'irresponsabilité continue

12 Juillet 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Union européenne

Glyphosate : la saga de l'irresponsabilité continue

 

 

Le 29 juin 2016, la Commission européenne a annoncé qu'elle prolongeait l'autorisation de mise sur le marché du glyphosate jusqu'à ce que l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) publie son opinion.

 

 

La chimiophobie gagne du terrain à Bruxelles

 

Le communiqué de presse de la Commission européenne comportait la précision suivante :

 

« La Commission a également proposé aux États membres de restreindre les conditions d'utilisation du glyphosate dans l'UE. Ces conditions comprennent l'interdiction d'un coformulant (POE-tallowamine) dans les produits à base de glyphosate, l'obligation de renforcer le contrôle des utilisations du glyphosate avant récolte, ainsi que la réduction au minimum de son utilisation dans des zones spécifiques (parcs publics et terrains de jeux). Des discussions ont eu lieu avec les États membres cette semaine, mais elles n'ont pas abouti. La Commission regrette que les États membres n'ont pas encore été en mesure d'accepter ces conditions restrictives et fera les efforts nécessaires pour les faire adopter le plus rapidement possible. »

 

11 juillet 2016 : c'est fait !

 

Il reste à voir la mesure d'application dans le détail. Comme nous l'avons noté dans un billet précédent, il n'y a rien de concret à reprocher à la POE-tallowamine si ce n'est, d'une part, une toxicité supérieure à celle du glyphosate – ce n'est là qu'une constatation relative qui ne dit encore rien de la toxicité en valeur absolue, ni des risques – et, d'autre part, une absence de données toxicologiques et écotoxicologiques pertinentes. En particulier, il n'y a pas de données sur les résidus susceptibles d'être présents dans les plantes et les animaux, selon l'EFSA et aussi l'EPA états-unienne.

 

Ajout du 21 mai 2017 : Il s'agit du règlement d'exécution (UE) 2016/1313 de la Commission du 1er août 2016 modifiant le règlement d'exécution (UE) no 540/2011 en ce qui concerne les conditions d'approbation de la substance active « glyphosate ».

 

 

Glyphosate : la saga de l'irresponsabilité continue

La POE-tallowamine est un surfactant, un mélange complexe dérivé du suif qui a pour rôle d'augmenter la mouillabilité de la surface des plantes et d'aider à la pénétration de la matière active dans la plante. Elle est utilisée depuis des décennies sans que l'on ait constaté de problèmes particuliers. A priori, elle a toutes les chances de ne pas laisser de résidus dans les produits agricoles. Une rapide recherche dans la littérature scientifique montre que la littérature à ce sujet est très pauvre... le résultat, semble-t-il, du fait que ce n'est pas un sujet.

 

Il n'est bien sûr pas exclu que l'on trouve des motifs sérieux de retrait du produit. Mais après 40 ans et un extraordinaire acharnement de la mouvance militante contre le glyphosate ?

 

Cette décision européenne est à l'intersection de la manœuvre et de la gesticulation politiciennes, et de l'application irraisonnée du « principe de précaution ».

 

On interdit un co-formulant, mais quid des denrées alimentaires importées produites selon un itinéraire technique incluent l'usage de glyphosate et de POE-tallowamine co-formulés ? A-t-on fait le bilan toxicologique et écotoxicologique comparé de la POE-tallowamine et des produits de substitution ?

 

Ce précédent signifie aussi, à notre sens, qu'il faudra s'attaquer avec vigueur à quasiment tous les détergents ménagers, à commencer par ceux utilisés pour la vaisselle.

 

 

 

Je vote..., je m'abstiens...

 

Euractiv nous apprend que 22 États membres, dont le Royaume-Uni, l’Italie et la France, ont voté en faveur de la proposition de la Commission et six se sont abstenus, incluant l’Allemagne et Malte.

 

Les Britanniques votent pour une mesure qui ne leur sera probablement pas applicable, mais qui risque d'éroder la compétitivité de l'agriculture continentale...

 

L'Allemagne s'est abstenue... mais les POE-tallowamines ont été éliminées des produits de protection des plantes dans ce pays à partir de 2008 à l'initiative de l'Office fédéral de la protection des consommateurs et de la sécurité alimentaire. C'est aussi l'Allemagne qui a demandé en 2012 à la Commission européenne d'inscrire les POE-tallowamines à l'annexe III du Règlement (CE) No 1107/2009 (la liste de coformulants ne pouvant pas entrer dans la composition des produits phytopharmaceutiques)...

 

Malte avait voté contre le renouvellement de l'autorisation de mise sur la marché du glyphosate, mais s'abstient sur l'interdiction d'un co-formulant jugé plus toxique.

 

Où est la rationalité ?

 

 

La tactique du salami...

 

 

Tout est permis quand on quitte les rives de la rationalité !

 

Il est difficile de savoir quels sont précisément les intentions en Wallonie. Selon RTL.be, s'agissant du glyphosate, on pourra « en acheter mais plus en utiliser dans les jardins ». Autrement dit : « dès l’an prochain en Wallonie, l’usage des pesticides à base de glyphosate est interdit pour les particuliers et pour les professionnels qui travaillent chez les particuliers. » Logique imparable !

 

La libre Belgique du 18 mai 2016 nous offre une interview très intéressante du ministre wallon de l’environnement Carlo Di Antonio (CDH – Centre démocrate humaniste). « Je veux que dans dix ans, la Wallonie soit 100 % bio » déclare-t-il avec autorité...

 

 

...ou du salami tout entier !

 

En France, l'entité incorporée sous forme d'association Générations Futures a – fort logiquement – rappelé le gouvernement français à ses déclarations – qui sont pour nous des rodomontades, du moins à ce stade car le pire n'est jamais certain. Dans trois lettres adressées aux ministres Le Foll, Royal et Touraine, les signataires écrivent :

 

« Nous attendons donc de la France qu’elle se mette en cohérence avec les déclarations faites et les votes pris sur ce dossier et qu’elle décide clairement d’interdire l’ensemble des formulations de pesticides à base de glyphosate en France dès à présent. Nous comptons sur vous. »

 

À Mme Royal il est rappelé :

 

« Vos propos sont également en cohérence avec ceux de Mme Marisol Touraine, qui a déclaré sur France Info le 18 mai que la France n’autoriserait par le glyphosate. »

 

 

Mme Touraine a évidemment droit à un rappel similaire. M. Le Foll n'a droit à rien, lui qui, ministre de l'agriculture et porte-parole du gouvernement, s'était fait extraordinairement discret sur le dossier...

 

 

Mais tous se voient dire :

 

« Cette détermination répondant à l’attente forte de vos concitoyens qui se sont déclarés contre l’autorisation de cette substance à près de 70% ! »

 

Ah ? C'est une déclaration péremptoire sur la base d'un... sondage... Décidément, ils ne manquent pas d'air !

 

Et c'est signé – de gauche à droite – François Veillerette, Directeur de Générations Futures, et Maria Pelletier, Présidente de Générations Futures (et, accessoirement, actrice influente de l'agriculture biologique).

 

Toutes nos félicitations au premier pour sa promotion...

 

D'autres, comme France Nature Environnement sont aussi de la partie. Avec au final un argument qui se défend quand on a dépassé les bornes et constaté qu'il n'y a plus de limite :

 

« En sursis pour 18 mois, le glyphosate est de toute façon sur la sellette. La France doit anticiper dès à présent la suppression de cet herbicide, qui interviendra tôt ou tard. Autant l’interdire tout de suite et accompagner les agriculteurs pour qu’ils s’adaptent au mieux à une nouvelle agriculture moins dépendante des pesticides : l’agro-écologie. »

 

 

« Glyphosate : 18 mois pour trancher définitivement ? »

 

Public Sénat a organisé un mini-débat entre deux députées européennes, Mmes Françoise Grossetête (LR) et Michèle Rivasi (EELV). Pour Mme Grossetête, il importe de mettre ces 18 mois à profit pour clarifier la situation. Nous ne serons pas aussi optimistes : ils seront utilisés par la mouvance alter et anti pour accentuer la pression, y compris par toutes sortes de moyens déloyaux, avec la complicité de médias idéologiquement proches et le concours de médias naïfs.

 

Ainsi, Euronews a tendu le micro à M. Kurt Straif, chef de la Section des Monographies du CIRC. Qu'en a retenu la chaîne ?

 

« Notre évaluation |du CIRC] a été faite par les meilleurs spécialistes au monde qui de plus, n'ont pas de conflit d'intérêt. »

 

En bref, aucune intention de recentrer le débat sur les faits et de sortir des polémiques...

 

 

Glyphosate : la saga de l'irresponsabilité continue

Pour Mme Rivasi ce fut :

 

« Comment peut-on rendre un avis sur des études qui ne peuvent pas être publiques ? On ne peut pas accepter les études de l’EFSA (l’autorité européenne de sécurité des aliments) car on n’a pas accès aux données. »

 

On peut rétorquer : comment peut-on donner un avis aussi stupide ! D'autant plus que, dans la lancée, elle admettait qu'on pouvait avoir accès à ces données, à condition de se rendre dans une salle de lecture à Parme ou dans une agence allemande... Et qu'elle sait parfaitement que l'évaluation européenne du glyphosate a été faite selon les règles juridiques en vigueur. Mais pour certains politiques, qu'importe les moyens...

 

 

« Adieu au glyphosate ? »

 

C'est le titre d'un excellent billet de M. Jean-François Proust, ingénieur agronome, ex INRA, animateur du Forum Phyto forumphyto.fr dans le Nouvel Économiste. En résumé :

 

« Sans glyphosate, on peut donc produire, certes ! Mais en moins grandes quantités, plus cher, de moins bonne qualité, de façon plus aléatoire et avec plus d’impact sur l’environnement. »

 

Mais il y a une autre conclusion, bien plus importante :

 

« Il est encore temps pour nos politiques de réagir, et de refuser cette logique suicidaire. Il est temps qu’ils refassent un peu plus confiance à la science, aux experts, aux agences indépendantes et au fonctionnement institutionnel. La critique et le droit à l’information sont légitimes. Mais en matière d’agriculture et d’alimentation, les décisions doivent être basées sur la science et les faits, pas sur une idéologie régressive. »

 

Il est aussi encore temps pour les professions concernées de faire un effort d'information.

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