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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Chasse aux mythes : les pesticides de synthèse, utilisés avec certains OGM, sont-ils plus dangereux que les naturels ?

19 Juillet 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Pesticides

Chasse aux mythes : les pesticides de synthèse, utilisés avec certains OGM, sont-ils plus dangereux que les naturels ?

 

Layla Katiraee*

 

 

Les plantes et les animaux ont développé des mécanismes pour lutter contre leurs prédateurs. Certains d'entre eux sont mécaniques, comme les épines du poisson-globe, et d'autres sont de nature chimique. En conséquence, notre nourriture est pleine de pesticides naturels et de toxines.

 

Il est important de ne pas se laisser abuser par le terme « pesticide ». Nous sommes habitués à penser que les pesticides sont ces produits dont nous arrosons nos plantes d'intérieur et de jardin pour les débarrasser des petites bêtes. Mais le terme « pesticide » a un sens beaucoup plus large : il s'agit d'une substance qui élimine ou repousse un ravageur. Le terme englobe de nombreux « -ides » différents : herbicide (pour se débarrasser des plantes), fongicide (pour se débarrasser des champignons), insecticide (pour se débarrasser des insectes), etc. Un pesticide naturel peut avoir évolué pour être toxique pour un ravageur devenu sa cible ; j'utilise donc aussi le terme «toxine » dans cet article. 

 

Vert = toxicité !

 

Un des pesticides naturels les plus courants que nous ingérons est la solanine. Ce composé est présent dans différentes parties de la plante de pomme de terre, un membre de la famille des solanacées. Cet article de Lancet publié en 1979 indique que la solanine est présente dans la peau des pommes de terre en petite quantité, mais pas dans la chair ; toutefois, quand la pomme de terre commence à verdir ou à germer (lorsque les « yeux » commencent à se développer), la teneur augmente de manière significative. La teneur en solanine augmente également quand les pommes de terre sont atteintes par une maladie, comme le mildiou, et cela fait probablement partie du système de défense de la plante.

 

L'article de Lancet relate des cas d'intoxication à la solanine du fait de la consommation de pommes de terre, mais ce ne sont pas des cas typiques (par exemple, les individus ont pu être sous-alimentés). Les lignes directrices actuelles du NIH (National Institute of Health – Institut National de la Santé) précisent qu'absorber de la solanine en très petites quantités peut être toxique et recommandent de jeter les pommes de terre avariées ou celles qui ont verdi sous la peau.

 

Mais la solanine n'est que la pointe de l'iceberg en ce qui concerne les pesticides naturels. En voici quelques autres :

 

  •  

http://www.capsicums.fr/mise-en-garde-piments-extra-forts/

http://www.capsicums.fr/mise-en-garde-piments-extra-forts/

 

La liste est très longue. En 1990, Bruce Ames a publié un article intitulé « Dietary pesticides (99.99 percent all natural) » (pesticides alimentaires (99,99 pour cent sont naturels)). Dans cet article, lui et ses co-auteurs annoncent que nous mangeons environ 1,5 grammes de pesticides naturels par jour, « ce qui est environ 10.000 fois plus que ce que nous consommons comme résidus de pesticides synthétiques ». Cette quantité serait nettement plus élevée chez les végétariens et les végétaliens. A titre d'exemple, les auteurs fournissent une liste de 49 pesticides différents que l'on trouve dans le seul chou. Ces pesticides s'y trouvent en parties par mille ou parties par million, alors que les pesticides de synthèse que nous trouvons dans nos aliments sont dans les parties par milliard.

 

(Source)

 

Malgré la grande quantité de toxines dans notre alimentation, seule une poignée d'entre elles ont déjà été testées (à noter que l'article a été écrit en 1990, mais l'argument est toujours valable). De toutes les substances chimiques testées pour le cancer sur des animaux, seulement 5 pour cent ont été des pesticides naturels et la moitié d'entre eux se sont révélés cancérigènes.

 

Réfléchissez un peu ! Alors qu'il y a un tollé sur les parties par milliard de résidus de pesticides de synthèse dans notre alimentation, il y a des substances présentes à plus fortes doses dans les fruits et les légumes, effectivement connues pour causer le cancer. En outre, certains des pesticides les plus couramment utilisés dans l'agriculture ont des mécanismes d'action qui sont spécifiques aux ravageurs cibles, ce qui les rend beaucoup plus sûrs que de nombreux pesticides naturels, ce qui est du reste la raison pour laquelle ils ont gagné en popularité au cours du dernier demi-siècle.

 

Haricots crus = danger !

 

Par exemple, le glyphosate, qui est souvent associé à des OGM résistant à cet herbicide, bloque une voie biochimique dans les plantes qui n'existe tout simplement pas chez les mammifères. En revanche, la plupart des toxines naturelles présentes dans les plantes peuvent être nocives pour les mammifères. Pourtant, nous sommes beaucoup plus préoccupés par les résidus de glyphosate que nous le sommes par le formaldéhyde naturel des poires. Consultez le graphique qui met ce point en évidence à la fin de cet article : nous craignons tout ce qui est synthétique parce que nous supposons que c'est « mauvais pour nous », mais il y a plein de choses qui sont « naturelles » qui peuvent être nocives à une certaine dose.

 

J'ai lu beaucoup d'arguments des groupes anti-OGM sur la façon dont les cultures transgéniques qui contiennent la toxine Bt vont nous tuer tous, parce que c'est un pesticide homologué par l'EPA. « Voulez-vous manger quelque chose qui est un pesticide ? », est ce que je l'ai lu maintes et maintes fois. Mais comme je l'ai mentionné ci-dessus, il y a beaucoup de « substances chimiques naturelles » qui sont des pesticides enregistrés, mais personne ne semble s'inquiéter du basilic et des graines de moutarde.

 

 

!

Certaines épices contiennent des substances toxiques. Là aussi, le même principe reste valable: c’est la dose qui fait le poison. La cannelle par exemple contient de la coumarine. Absorbée en grande quantité, cette substance aromatique peut provoquer des vertiges, des vomissements ou des inflammations du foie. La cannelle de Chine, une des deux sortes de cannelle commercialisées, contient davantage de coumarine que celle de Ceylan. La cannelle de Chine est essentiellement utilisée dans les produits de fabrication industrielle. Pour la consommation privée, le marché suisse offre principalement de la cannelle de Ceylan qui ne pose pas de problème. L’Office fédéral de la santé publique recommande comme mesure de précaution de consommer avec modération les aliments contenant de la cannelle fabriqués de manière industrielle. Les enfants devraient en manger une seule portion par jour. Cela veut dire par exemple 4 étoiles à la cannelle, 2 barres de céréales à la cannelle ou une assiette de müesli à la cannelle (75 g).

 

http://akia.eklablog.fr/pourquoi-les-parties-vertes-de-la-pomme-de-terre-sont-dangereuses-autr-a119758440

Le dernier point que je voudrais souligner est que les hybridations « naturelles » et les croisements que nous avons faits pendant des siècles ont sans aucun doute eu des répercussions sur les teneurs en certains de ces pesticides naturels par des ordres de grandeur inconnus parce que personne ne les examine. Pour en revenir à la solanine, dans les années 1960, une nouvelle variété de pomme de terre connue sous le nom de 'Lenape' a été développée grâce à des méthodes « naturelles », mais on a établi qu'elle était toxique en raison de l'augmentation des teneurs en solanine : il y avait environ deux à quatre fois plus de solanine que dans d'autres variétés de pommes de terre et il a fallu la retirer du marché. Mais, semble-t-il, personne ne fait du bruit sur les « conséquences involontaires » des croisements traditionnels.

 

Nous devrions avoir une discussion nuancée. Ce n'est pas parce qu'un pesticide agricole a un profil toxique bénin qu'il ne faut pas essayer de minimiser son utilisation lorsque cela est possible. Ce n'est pas parce qu'un transgène codant pour un pesticide naturel qui n'a pas d'impact sur les mammifères a été ajouté à une culture qu'il ne faut pas étudier son impact sur l'environnement. Mais nous ne devrions pas considérer que notre alimentation est « dangereuse », ou renoncer aux pratiques agricoles conventionnelles, en raison de l'utilisation de pesticides de synthèse.

 

Rappelez-vous : tout est dans la dose.

 

 Voir le commentaire de Vigneron ci-dessous.

On peut voir aussi:

http://www.cfs.gov.hk/english/whatsnew/whatsnew_fa/files/formaldehyde.pdf

 

__________________

 

* Layla Parker-Katiraee contribue au Genetic Literacy Project. Elle est titulaire d'un doctorat en génétique moléculaire de l'Université de Toronto. Elle est chercheuse principale dans le développement de produits dans une société de biotechnologie et de génétique de Californie. Tous les points de vue et opinions exprimés sont les siens. Vous pouvez la suivre sur @BioChicaGMO

 

Source : https://www.geneticliteracyproject.org/2016/07/15/myth-busting-are-synthetic-pesticides-used-with-some-gmos-more-dangerous-than-natural-ones/

 

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N
Point de vue intéressant. Y a-t-il des études sur la co-évolution entre notre espèce et les aliments qu'elle consomme ? Par exemple, notre organisme a-t-il subi la sélection naturelle pour métaboliser les "pesticides" naturels qu'il consomme depuis des milliers d'années, contrairement aux pesticides et leurs métabolites, dont certains ne sont là que depuis une génération ?<br /> Par ailleurs, les résidus (en sommes totales) sont davantage présents en quelques ppm et non en seulement quelques ppb. Je suis étonné que les pesticides naturels soient consommés à hauteur de 1.5 grammes par jour. Sur la base de quel repas-type ? Et ces pesticides résistent-ils à la cuisson ?<br /> Enfin, l'article manque quand même d'une approche équilibrée. De nombreux fongicides, par exemple, ont un mode d'action qui dégomme aussi bien les champignons que les mécanismes endocrines chez l'Homme. Et ça n'empêche pas les industriels d'en vendre et les agriculteurs d'en épandre des kilotonnes par an rien qu'en France. ça, c'est pour ce qui est connu. Et de plus, ce n'est pas parce que le glyphosate attaque un mécanisme spécifique aux plantes qu'il ne peut pas attaquer autre chose chez l'Homme.
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V
Aïe, faudra dire à Sense about Science de rectifier leur image à la fin de l'article (et de réviser les décimales...). C'est, par exemple, 60 mg/kg le taux de formaldéhyde max dans les poires, soit 0,06 g et pas 0,6 g... <br /> Rappelons que le taux moyen naturel du formaldéhyde dans le sang d'un enfant est de 2,75 mg par litre.
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S
Bonjour et merci !<br /> <br /> J'ai ajouté un avertissement sous l'image.
O
Très bon article qui rappelle des principes de bon sens.<br /> à corriger :<br /> "Rappelez-vous : tout est dans lE dose."
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S
Merci !