Greenpeace : une communication bien puante
Version « officielle » :
« Mercredi 22 juin, les activistes de Greenpeace ont mené dans une enseigne E. Leclerc une opération de sensibilisation des consommateurs sur les dangers des pesticides dans les fruits et légumes vendus par la grande distribution. »
Version réelle, nous ne le répéterons jamais assez :
Leclerc reste sourd aux « avances » de la campagne de Greenpeace, sobrement intitulée « Course zéro pesticide », qui consiste à obtenir quelques « engagements » de façade de la part des grands distributeurs dans un jeu de dupes à bénéfices réciproques. Greenpeace, d'une part, engrange des « succès ». Ils lui permettent de faire tinter la piécette dans la sébile devant des gogos qu'il faut convaincre de contribuer au sauvetage de la planète – bien sûr en versant un écot à Greenpeace. D'autre part, il se trouve un souffre-douleur sur qui concentrer ses escarmouches complaisamment médiatisées. Les « bons élèves » reçoivent un bon point, se payent la tranquillité... et comptent les coups décochés à leur concurrent.
Engagements de façade ? Voici un compte rendu de la France agricole :
« Dans le communiqué du 24 mars [2016] toujours, Greenpeace procédait au classement des enseignes dans la course. Carrefour et U étaient en tête, avec "des efforts pour réduire les pesticides de certaines de ses productions de marques distributeurs, comme le kiwi, le brocoli ou la tomate" pour le premier et une exploration "des alternatives aux pesticides sur [...] la pomme et la pomme de terre", précisait Anaïs Fourest, chargée de la campagne sur l’agriculture chez Greenpeace France.
Intermarché, Casino et Auchan "se contentent du minimum syndical ; respect de la réglementation, des bonnes pratiques standards, une transparence a minima et pas de nouveauté du côté de la relation avec les producteurs". Quant à Leclerc, il "ignore nos demandes", ajoute-t-elle. »
Dans la « course zéro pesticide », les bons élèves font « des efforts pour réduire... » Quelle arnaque !
Et quel est le motif du harcèlement de Leclerc, qui comme d'autres se contente du minimum syndical et du respect de la réglementation et des bonnes pratiques standards ? Il snobe Greenpeace... C'est un outrage et, surtout, un motif de gesticulation.
L'impact médiatique de la mascarade, avec pantins déguisés (la plupart sans nul doute bénévoles), n'a semble-t-il pas été à la hauteur des attentes. Le Parisien et l'Express semblent être les premiers, parmi la presse disposant d'une certaine audience, à poster un article sur la toile sur la base d'une dépêche d'une AFP qui se trouvait sans nul doute par hasard sur les lieux. Le premier avec une vidéo (réalisée par qui?).
Les communicants de Greenpeace ont donc eu une idée digne des Pieds nickelés – non, ce serait dénigrer Croquignol, Filochard et Ribouldingue : envoyer leur « jus multipesticides » aux rédactions.
Petite vue sur gros dégâts chez Allodocteurs
Hélas ! Durant le week-end, les petites bouteilles ont explosé, le jus ayant fermenté, ce qui a provoqué quelques dégâts plus ou moins importants. La rédaction d'Allodocteurs dit ainsi avoir perdu plusieurs semaines de travail d'un de ses journalistes. Leur texte a été repris par FranceTVInfo. Brandissant un carton rouge, ils se sont fait sarcastiques et pédagogiques :
« Il faut saluer Greenpeace et son agence de communication pour leur nouvelle campagne destinée à dénoncer la présence de résidus de produits phytosanitaires dans les fruits et les légumes.
Si notre coup de chapeau ne concerne pas le fond du message de Greenpeace, il faut tout de même en dire quelques mots. Car avec les progrès de l’analyse spectrochimique, on peut désormais détecter la plus infime trace de pesticide sur un concombre ou une tomate achetée sur un étal de supermarché (à des concentrations des milliers de fois inférieures aux seuils de toxicité avérés). »
Et d'ajouter :
« Certes, objecte Greenpeace, mais il y a le spectre de "l’effet cocktail". »
Dans ce cas précis, ce fut – sans jus de grenade aux dernières nouvelles – un cocktail « Melon'tov ».
Le Monde de Foucart informe
L'affaire a été rapportée dans le Monde (du 28 juin sur la toile) avec « Une campagne explosive et ratée de Greenpeace contre les pesticides ».
Mais était-ce bien de l'information sur la bévue de Greenpeace, ou un artifice pour parler de l'opération commando contre le Leclerc de Bois d'Arcy ? Peut-être sommes-nous trop critiques...
Toujours est-il que l'article est illustré par une photo d'un militant de Greenpeace à terre, en tenue de combat jaune, censé avoir été bousculé par un agent de sécurité du magasin...
Il fallait aussi bien préciser d'où venait la matière première explosive :
« Au siège de l’organisation écologiste, on explique avoir simplement acheté des fruits dans un magasin E. Leclerc de Toulouse – pommes, pêches, fraises –, les avoir mixés et avoir embouteillé le résultat, dans de petites bouteilles en plastique. »
Un petit effort, ou plutôt un petit relâchement intellectuel, et hop ! On en déduit que « si ça a pété », c'est que ça vient de chez Leclerc...
Remarquez... acheter des fruits et légumes à Toulouse pour en faire des bouillies infectes et explosives pour distribution à Paris... question empreinte carbone...
Et quel dommage pour Greenpeace :
« En termes de communication, l’affaire a tous les traits d’un fiasco, le risque explosif dû à la fermentation naturelle de fruits étant largement passé au premier plan, devant les risques présumés présentés par les pesticides présents dans les fruits. »
On ne peut qu'apprécier la comparaison : le « risque explosif », bien réel et avéré, et les « risques présumés » ! Et le premier a en quelque sorte l'audace de préempter le second...
Greenpeace avait pourtant pris soin d’agrémenter sa campagne d’une série de mesures donnant la teneur des résidus de pesticides de fruits achetés chez E. Leclerc : deltaméthrine, fenhexamide, fludioxonile, et autres molécules au nom barbare. Sur chaque type de fruits, plusieurs substances différentes sont retrouvées, cependant toujours assez largement inférieures aux limites maximales de résidus autorisés. Limites qui ne tiennent pas compte, souligne toutefois l’ONG, de l’effet cocktail, ainsi que d’effets potentiels de perturbation endocrinienne sur certaines catégories de population (femmes enceintes, jeunes enfants, etc.). »
Notez bien, si vous l'avez déjà oublié, que les fruits ont été achetés « chez E. Leclerc ». Et ils ont dû battre des records de célérité pour les analyses...
Bien sûr, la rhétorique de Greenpeace est soigneusement déroulée :molécules au nom barbare, effet cocktail, effets « potentiels » de perturbation endocrinienne, femmes enceintes, jeunes enfants...
Verra-t-on un jour, dans le journal qui fut de référence, une information équilibrée ? Une information qui mette en perspective les gesticulations de Greenpeace et d'autres « organisations » de même obédience, par exemple en rappelant que, selon les analyses officielles colligées par l'EFSA, 97 % des échantillons analysés en 2013 se situaient dans les limites légales et 55 % ne contenaient aucun résidu détectable ?
Au final :
« L’un des militants suspendu sur la façade a vu la corde qui le retenait, coupée par un employé du magasin. La chute n’a pas occasionné de blessures graves, mais l’affaire aurait pu mal finir. Bien plus mal qu’une bouteille de plastique qui explose, un week-end, sur le bureau d’un journaliste. »
C'est un joli sophisme de la double faute et, pour un rationaliste, une chute bien dure à avaler... Mais il s'agit du Monde de M. ...
Le premier billet, du 22 juin 2016, sur le monôme du Bois d'Arcy, « Lancement du nouveau jus multi-pesticides de #LeclercObscur », sur le site de Greenpeace dédié à la collecte de dons sur le thème de l'agriculture n'a visiblement pas eu d'impact. Quatorze commentaires assez disparates dont une interpellation de Greenpeace sur ses contradictions et une bordée d'insultes névrotiques auxquelles le gestionnaire du site ne trouve rien à redire... C'est Greenpeace...
Il est illustré d'une photo bien « paisible ». On y voit deux « activistes » en déguisement rouge déployer paisiblement leur banderole au-dessus de l'entrée, et un autre discutant devant l'entrée.
Le texte commence par une sorte de cri de victoire :
« Malgré une réaction violente de la sécurité du magasin et de la Direction, nos militants ont continué à informer et sensibiliser les consommateurs sur les impacts des pesticides sur l’environnement et la santé. »
C'est évidemment bourré de lieux communs, d'approximations et de contre-vérités, tel :
« L’enseigne E.Leclerc occupe une place hégémonique sur le secteur de la grande distribution. »
Source : http://www.lineaires.com/LA-DISTRIBUTION/Les-actus/Un-nouveau-record-de-part-de-marche-pour-Leclerc-47291
Prenant acte du fiasco, Greenpeace publie une mise en cause en règle de Leclerc le 24 en fin d'après-midi. En bref, les gentils activistes de Greenpeace « sont intervenus de façon pacifique et non-violente » et ont dû faire « face à un déferlement de violence des équipes de sécurité de Leclerc. » Les propos sont d'une extrême violence.
L'intertitre : « Quand les équipes de sécurité E. Leclerc font fi des vies humaines » est une accusation qui relève d'une incrimination en droit pénal. Il y a aussi une accusation lancée contre la direction :
« Face à nos activistes pacifiques, la direction de ce magasin E. Leclerc n’a pas mobilisé que ses forces de sécurité privée. Elle a aussi “invité” ses salariés (étaient-ils chefs de rayon, poissonniers, boulangers, caissiers?) à grimper sur le toit, en prenant des risques totalement inconsidérés, pour encercler les activistes en les menaçant d’user la violence s’ils bougeaient. »
Nous n'y étions pas... nous ne pouvons rien en dire. Mais peut-être est-ce trop demander aux communicants de Greenpeace de penser – si tant est que du personnel de vente se soit trouvé sur les toits (comment ont-ils fait?) – que ces personnels ont pris l'initiative de défendre leur outil de travail.
Nous vous ferons grâce des autres propos outranciers.
Il y a donc la photo reprise par le Monde pour illustrer son article sur les jus de pesticides explosifs et, en fin de texte, un agrandissement.
Il y a certes un activiste en battle dress GP jaune le cul par terre et un employé de sécurité qui tient le drapeau de l'activiste. « ...déferlement de violence... » ? Un ou une activiste discute paisiblement avec, apparemment, deux clientes à quelques mètres. Un autre activiste avec ce qui semble être deux employés contemple la scène. Au fond, un personnage employé par le magasin, avec un gilet fluo, n'est manifestement pas alerté. Scène de violence ou mise en scène ?
Les équipes de sécurité auraient aussi coupé la corde d'un « activiste en rappel ». Le site reproduit une vidéo siglée le Parisien qui fait la part belle à la harangue de la porte-parole de Greenpeace. Ça, c'est de l'information !
« Je suis très surprise qu'il y ait une réaction si violente de la part du magasin » dit-elle. Que voit-on en arrière-plan ? Des activistes libres de leurs mouvements en train de déployer leur banderole...
Il y a bien, au début de la vidéo, des employés qui balancent une corde dans le vide. Sur un nouveau plan, un grimpeur descend en vitesse, toujours attaché à sa corde. Qui trouve-t-on au sommet du mur ? Deux activistes grimpeurs qui se détournent. Scène de violence ou mise en scène ?
Il y a bien, au début de la vidéo, des employés qui balancent une corde dans le vide. Sur un nouveau plan, un grimpeur descend en vitesse, toujours attaché à sa corde. Qui trouve-t-on au sommet du mur ? Deux activistes grimpeurs qui se détournent. Scène de violence ou mise en scène ?
Selon l'AFP, par exemple relayée par Sciences&Avenir – sans états d'âme et encore moins fact checking –, les « responsables du magasin et agents de sécurité sont intervenus de façon musclée pour enlever les banderoles et couper les cordes assurant la sécurité des militants, entraînant la chute de quelques mètres de l'un d'entre eux. » C'est curieux : il y a ces photos avec les banderoles... Il y a cette vidéo...
Nous n'étions pas sur les lieux. Nous ne sommes pas experts en cordes et en escalade de façade... Mais tout cela pue, sinon la manipulation, du moins l'exagération.
L'image de départ de la vidéo sur S&A (idem sur le Parisien) est aussi intéressante : on y voit une dizaine de costumés avec des... échelles !