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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Glyphosate : la Royal en manœuvres, l'Europe en rade ?

21 Juin 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Glyphosate (Roundup), #Politique, #Union européenne

Glyphosate : la Royal en manœuvres, l'Europe en rade ?

 

 

 

Comme on le sait, la Commission européenne n'a pas obtenu, le 7 juin 2016, une majorité sur sa proposition de réautoriser le glyphosate pour 18 mois, le temps que soient produites des pièces complémentaires sur un dossier qui, sur le plan scientifique, est déjà bouclé en faveur du produit. La France – comme six autres États membres – s'était abstenue, ce qui avait eu le même effet qu'un vote contre : la majorité requise des 65 % de la population n'avait pas été obtenue.

 

Il faut croire que cette abstention n'a pas fait le bonheur des chimiophobes et autres Monsantophobes. Ni, surtout, celui de Mme Ségolène Royal, Ministre de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer, chargée des relations internationales sur le climat (et présidente de la COP21 – on se demande ce qu'attendent les services de l'État pour compléter son titre).

 

On rappellera qu'en prélude à la deuxième tentative de la Commission (qui avait alors réduit sa proposition de 15 à 9 années d'homologation et l'avait assortie de quelques limitations), elle avait annoncé que la France allait s'opposer au renouvellement du glyphosate.

 

 

 

 

Plus près de nous, le 1er juin, c'était : « ...la France ne changera pas d'avis et ne votera pas la proposition de Bruxelles ».

 

 

 

 

La France, effectivement, n'avait pas voté la proposition... elle s'est abstenue.

 

Les « amis » n'ont pas apprécié.

 

Ainsi, pour M. Jean-Luc Mélenchon, « Le gouvernement français nous ment ! » Connaissant sa disposition d'esprit, c'est presque un compliment.

 

Glyphosate : la Royal en manœuvres, l'Europe en rade ?

Mme Michèle Rivasi fit preuve d'une remarquable « solidarité » : « Comment les ministres français comme Ségolène Royal et Marisol Touraine osent-elles affirmer dans les médias que la France s’opposera à la réautorisation du glyphosate alors qu’il semble […] que les experts du comité envoyé par la France se soient abstenus ? » Bien évidemment, Mme Rivasi savait très bien qu'une abstention, dans un vote où la grande majorité des États membres (vingt sur vingt-huit) ont voté pour, avait le même effet qu'un vote contre. Mais entre amies fondamentalement du même bord politique...

 

La mouvance activiste, à l'instar du Générations Futures de M. François Veillerette, a été plus mesurée : on n'agresse pas une ministre qui rend de si distingués services, qui se montre si prévenante, et à qui on offre des fleurs. Donc, « [l]es trois organisations s’inquiètent de l’abstention de la France alors même que Ségolène Royal, ministre de l’Environnement, s’était récemment engagée à voter "non". » Les trois organisations étant une nouvelle alliance : Foodwatch, la Ligue contre le cancer et Générations Futures.

 

"Retweeter" Gary Ruskin, est-ce bien raisonnable ?

"Retweeter" Gary Ruskin, est-ce bien raisonnable ?

"Retweeter" Joseph Mercola...

"Retweeter" Joseph Mercola...

 

Mme la ministre avait « justifié » : « Il était plus difficile de rassembler sur un vote contre plutôt que sur une abstention, répond la ministre française de l’environnement. » C'est tout aussi puéril ! Comme si la position de la France allait déterminer celle des pays connus pour leur chimiophobie ou leurs tergiversations électoralistes, et faire flancher ceux qui, au moins dans cette affaire, ont le respect de la rationalité.

 

Elle avait ajouté dans son zèle explicatif : « En outre, il fallait aussi prendre acte des avancées de la Commission, qui ne propose plus qu’une ré-autorisation de douze à dix-huit mois, alors qu’elle proposait quinze ans il y a quelques mois ! » C'est tout aussi nul ! Quand on a claironné un 2 mai 2016 : « La France s'opposera le 18 mai au renouvellement du glyphosate, substance cancérigène », on ne saurait faire la concession d'une abstention contre la concession d'une durée de réhomologation limitée à 18 mois.

 

Glyphosate : la Royal en manœuvres, l'Europe en rade ?

 

En tout cas, c'est vexant, surtout pour un égo aux opulentes dimensions, de ne pas paraître comme la Jeanne d'Arc sauvant la France – et même l'Europe – d'une catastrophe sanitaire et environnementale. Mme la ministre a donc pris les devants, le 20 juin 2016 :

 

« J'ai annoncé au Conseil Eu de l'Environnement que la France s'opposerait à l'approbation du glyphosate ».

 

L'annonce a été tellement remarquée qu'elle ne figure pas dans les conclusions du Conseil.

 

Par cette annonce, gazouillée et reprise par Reuters, Mme la ministre aura peut-être forcé la décision française. Encore que... « ...la France s'opposerait... » peut aussi se faire par une abstention. En tout cas, si la France devait voter contre, après s'être abstenue le 7 juin 2016, elle aura – encore une fois – l'air...

 

Glyphosate : la Royal en manœuvres, l'Europe en rade ?

 

On ne saurait quitter ce sujet sans évoquer un autre gazouillis de Mme la ministre

 

« A LuxembourgJe viens de demander à la commission europ de revoir sa copie sur les perturb.endocriniens. Suède, Dan., Suède, Belg.remercient. »

 

On ne peut qu'être atterré !

 

Selon les conclusions du Conseil Environnement (en anglais) la Commission a présenté sa proposition et « quelques ministres » ont exprimé de fortes préoccupations devant le fait que la Commission a fondé sa proposition uniquement sur les preuves, et demandé à la Commission de respecter le principe de précaution et de considérer également les perturbateurs endocriniens suspectés pour lesquels il n'y a pas encore de preuves.

 

 

!

The Commission presented its proposal for criteria to identify endocrine disruptors, based on the World Health Organisation's (WHO) criteria, following a recent court case. Some ministers expressed strong concerns about the Commission's approach, based only on evidence, and asked the Commission to respect the precautionary principle and address also the suspected endocrine disruptors for which no evidence is yet available.

 

Que signifie ce gazouillis en pratique et en forçant un peu le trait ? Que Mme la Ministre française, première de la classe, a osé prendre la parole et défier la Commission au grand soulagement de quelques autres ministres terrorisés, qui l'ont donc remerciée pour son courage et son franc-parler...

 

Le gazouillis est un art délicat. Avoir mentionné deux fois la Suède a déclenché quelques quolibets. Ce serait amusant s'ils n'illustraient pas une indigence politique, celle qui n'a pas conscience de la nécessité du decorum.

Glyphosate : la Royal en manœuvres, l'Europe en rade ?

 

On ne peut pas non plus quitter ce sujet sans évoquer la « décision » de l'ANSES de retirer 132 autorisations de produits associant la substance active glyphosate au co-formulant POE-Tallowamine. Le timing est parfait !

 

Enfin, l'ANSES a répondu à la demande de Mme la ministre. Sur quelle base ?

 

« Dans son avis publié le 12 février 2016 sur les dangers du glyphosate pour la santé humaine, l’Anses avait identifié un point de préoccupation concernant l’association des co-formulants à la substance active dans les préparations à base de glyphosate, en particulier la POE-Tallowamine. Suite à cet avis, elle a engagé une évaluation sur les risques liés aux co-formulants présents dans les préparations phytopharmaceutiques, en particulier dans celles à base de glyphosate. Elle a également immédiatement procédé au réexamen des autorisations de mise sur le marché des préparations associant glyphosate à de la POE-Tallowamine.

 

L’absence d’effet nocif pour la santé et l’environnement est une des conditions prévues au titre du règlement européen (article 29) pour l’autorisation de produits phytopharmaceutiques. Des risques inacceptables, notamment pour la santé humaine, ne pouvant être exclus pour ces produits, les conditions prévues à l’article 29 du règlement européen ne sont pas vérifiées. »

 

Lisez bien le deuxième paragraphe ! L'ANSES ne sait fichtrement rien de la nocivité des tallowamines – c'est ce que signifie « [d]es risques inacceptables[...] ne pouvant être exclus » et c'est ce qu'elle prétend – et donc elle retire des autorisations pour des produits qui ont été sur le marché pendant des décennies.

 

Interdisons les cacahuètes, et même le pain... Des risques inacceptables ne pouvant être exclus... dans ce cas pour la simple raison qu'ils sont connus...

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