Pourquoi les vitamines et les nutriments disparaissent-ils des produits alimentaires non GM aux USA
Andrew Porterfield*
Il y a aussi du sel "bio" en France...
Cet article décrit une évolution que l'on peut considérer comme inquiétante, aux États-Unis d'Amérique. La situation n'est pas directement transposable à la France (où il n'y a pas, ou quasiment pas, de produits alimentaires contenant des ingrédients issus de plantes génétiquement modifiées). Ce qui est transposable, en revanche, c'est la pression de l'obsession orthorexique et ses conséquences. Cet article a pour intérêt de susciter la réflexion sur les dérives.
La santé est une raison importante pour laquelle les gens choisissent, selon leurs dires, des produits alimentaires biologiques ou non GM plutôt que leurs équivalents conventionnels. Mais est-ce vraiment judicieux ? Souvent, les activistes affirment que des études montrent que les OGM ont des effets dangereux sur la santé humaine, comme l'augmentation des allergies ou des cancers (voir les travaux discrédités de Gilles-Éric Séralini). Les groupes anti-OGM prétendent depuis longtemps que la modification génétique dans l'alimentation comporte des risques pour la santé. D'autres croient simplement que, muni d'un label biologique, un produit alimentaire est intrinsèquement plus nutritif que le produit issu d'une culture conventionnelle – c'est ce qu'affirme une étude de février 2016 qui a déclaré que le lait et la viande bio étaient plus riches en certains nutriments importants comme le fer et la vitamine E.
Mais d'autre part, de nombreux militants pro-OGM affirment que les OGM ont été soigneusement testés et jugés équivalents du point de vue nutritionnel et sanitaire à l'alimentation biologique. L'Organisation Mondiale de la Santé l'a déclaré, tout en reconnaissant que les préoccupations quant aux effets possibles sur la santé des produits GM ont conduit à un processus d'évaluation de la sécurité tout à fait inédit par rapport à ce qui se passe pour les aliments conventionnels, non GM.
Pourtant, regardez autour de vous dans un supermarché, et comparez les produits bio, non OGM, et conventionnels, et vous trouverez peut-être quelque chose de différent : les produits bio et non OGM sont moins sains et nutritifs que les produits conventionnels. Comment cela se fait-il ?
Le National Organic Program (NOP) de l'USDA et le Non-GMO Project, privé et sans but lucratif, font de la publicité sur le fait que les produits portant leurs étiquettes sont exempts de modification génétique. Et un certain nombre de sociétés, dont General Mills, titulaire de la marque Cheerios de céréales, incluent le « pas d'ingrédients génétiquement modifiés » dans leur argumentaire sur la « qualité » de leurs produits. Sur le site web de Cheerios, l'entreprise déclare :
*** Des traces de matériel génétiquement modifié (aussi connu comme « issu de l'ingénierie génétique ») peuvent être présentes en raison de contacts croisée potentiels lors de la production et de l'expédition.
Mais un regard sur les étiquettes de certains produits (y compris les Cheerios) avant et après leur inclusion dans le Non-GMO Project ou le NOP montre un net changement dans les caractéristiques nutritionnelles. Pour un grand nombre de produits, les teneurs en vitamines ont baissé, et certains éléments nutritifs ont complètement disparu.
Les nouveaux Cheerios non GM ne mentionnent que la riboflavine comme offrant 2 pour cent des besoins nutritionnels quotidiens minimums (RDA) fixés par la Food and Drug Administration, tandis que l'ancienne version conventionnelle donnait la riboflavine comme satisfaisant 28 pour cent du minimum RDA. Il faut également garder à l'esprit, à cet égard, que, actuellement, il n'y a pas d'avoine génétiquement modifiée sur le marché.
Source : Food Navigator : à gauche, le produit d'avant, à droite, la nouvelle version sans OGM.
Post, le fabricant de Grape-Nuts, « n'ajoute plus de vitamine A, de vitamine D, de riboflavine et de vitamine B12 », a dit un porte-parole à Food-Navigator USA.
Certaines marques de sel (de chlorure de sodium) apposent maintenant l'étiquette du Non-GMO Project. Bien qu'il ne soit pas produit par un processus faisant appel à un enzyme, une protéine ou un procédé génétique, et ne puisse donc pas être génétiquement modifié, le sel non OGM ne contient pas un ingrédient : l'iode. Cet ion a été ajouté dans le sel « normal » pour prévenir le goitre et d'autres troubles métaboliques. Bien que ce ne soient pas les seules sources d'iodure, les algues et le soja sont des sources populaires de l'ion, qui peut donc aussi être produit par des organismes génétiquement modifiés. [Mon addition : Donc, pour être sûr d'avoir un produit « sans OGM », on supprime l'iode...]
Les bons nutriments sont difficiles à trouver
Les raisons pour lesquelles les vitamines et oligo-éléments disparaissent sont une énigme au premier abord : pourquoi le passage au bio ou au non-OGM devrait-il entraîner la réduction de leur teneur ?
La réponse est dans la chaîne d'approvisionnement. La plupart des vitamines sont le fruit d'un enrichissement dans les céréales et d'autres produits alimentaires : elles sont ajoutées à partir d'autres sources dans le cadre du processus de production. Et ces vitamines peuvent souvent provenir de cultures génétiquement modifiées.
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La vitamine C est exprimée par la modification génétique du maïs, qui a lui-même été modifié par des procédés de génie transgénique pour résister à des herbicides ou produire la protéine Bt. Donc, elle est en grande partie hors-jeu.
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La vitamine A est produite à partir de soja, dont la quasi-totalité est génétiquement modifié aux États-Unis.
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La riboflavine, la gomme de xanthane, l'acide citrique et les enzymes utilisés dans la fabrication des fromages (90 pour cent de toute la présure utilisée pour produire du fromage provient de levures GM), le pain et les viennoiseries, les boissons alcoolisées et les jus sont tous fabriqués en utilisant des cultures ou des micro-organismes génétiquement modifiés.
Dans le cadre du National Organic Program, ces fortifications sont autorisées pour les produits alimentaires bio. Mais d'autres programmes plus stricts comme le Non-GMO Project, et même certains marchands de produits bio, n'acceptent pas les ingrédients qui proviennent de sources génétiquement modifiées. Même le NOP doit faire face à la critique parce qu'il autorise certains micronutriments et fortifications GM.
Les producteurs bio font face à des défis en matière d'OGM pour les vitamines, dit Brian Baker, directeur de recherche, Organic Materials Review Institute (OMRI). Selon l'Organic and Non-GMO Report, Baker a mis en garde le National Organic Standards Board (NOSB – Conseil national des normes biologiques) à propos de l'utilisation croissante de vitamines produites par des OGM :
« Le NOSB doit être conscient du fait qu'un nombre croissant de vitamines sont produites à partir d'organismes génétiquement modifiés, ce qui rend encore plus nécessaire le développement de produits naturels, à partir de sources bio, et non synthétiques. »
Les chaînes d'approvisionnement ne sont pas faciles à changer. Mais comme l'a demandé un intervenant sur le web : « Que vaut le label "non OGM" ? »
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* Andrew Porterfield est un auteur, éditeur et consultant en communication pour des institutions universitaires, des entreprises et des organismes sans but lucratif du domaine des sciences de la vie. Il est basé à Camarillo, Californie. On peut le suivre sur Twitter @AMPorterfield.
Source : https://www.geneticliteracyproject.org/2016/05/03/vitamins-nutrients-disappearing-non-gmo-food