Comment prévaloir dans une discussion sans la science : l'argumentum ad hominem
Risk-monger*
L'« argumentum ad hominem » est un mode de réponse à un argument consistant en une attaque contre la personne de l'adversaire. Ce fut par le passé un sophisme ; il semble être maintenant le mode opératoire des militants écologistes et anti-industrie pour marquer des points lorsque leur science, leurs éléments de preuves et leurs données ne valent pas grand chose ou, comme c'est souvent le cas, lorsque les activistes ne comprennent pas la science (mais en saisissent les conséquences).
Ces jours derniers, les ONG environnementales et les anarchistes anti-industrie des deux rives de l'Atlantique se sont démenés pour réfuter les constats scientifiques en montrant que certains chercheurs impliqués dans ces travaux ont des liens avec l'industrie – ou en avaient il y a de nombreuses années. D'une certaine manière, ces néophytes intellectuels considèrent que lorsque la baguette de sorcière de l'industrie touche un(e) scientifique, il ou elle devient incapable de faire une observation scientifique claire. Les antis s'entourent de gens qui pensent comme eux, les retweetent et les rejoignent dans leurs campagnes de diffamation ; mais, autant que je sache, ces gens n'ont jamais réellement rencontré des scientifiques de l'industrie.
Cette semaine, il y a eu plusieurs cas d'attaques ad hominem qui démontrent la faiblesse de la position des activistes de l'environnement et le niveau auquel ils sont tombés par rapport aux résultats de la science traditionnelle, des organismes de réglementation et des groupes d'experts. Ils ne tentent plus de formuler une alternative scientifique claire ; ce ne sont qu'attaques personnelles, tout simplement pathétiques.
Aujourd'hui (17 mai 2016), lorsque l'Académie Nationale Américaine des Sciences (NAS) a publié un rapport de consensus qui a conclu que les OGM ne posaient pas de problèmes de sécurité sanitaire, plusieurs ONG sont passées à l'offensive pour montrer que quelques scientifiques du panel d'auteurs avaient, à un moment donné, reçu un financement de l'industrie. Dès lors, elles n'avaient pas besoin de regarder les résultats et d'essayer de comprendre la science, ces choses un peu compliquées, ou de modifier leur vision du monde pour se confronter aux preuves claires.
Ce rapport de la NAS est tout à fait remarquable : il a conclu que les OGM ne présentent pas de risques par rapport aux techniques conventionnelles d'amélioration des plantes, que les avantages pour les agriculteurs sont importants et qu'il n'y a aucune preuve de risque pour la santé humaine ; mais des groupes d'activistes comme Food and Water Watch ont condamné le rapport pour cause d'influence de l'industrie dès la veille de sa sortie. Ils l'ont donc attaqué avant même de l'avoir lu. C'est là le pire exemple de fanatisme (« nous ne voulons pas de votre science si elle perturbe nos croyances ! ») ; mais, apparemment, les médias aiment.
Hier (16 mai 2016), l'OMS et la FAO ont publié un rapport résumé qui a conclu que le glyphosate n'était probablement pas cancérogène, ce qui remet l'OMS en ligne avec le consensus scientifique dominant sur la nature bénigne de cet important herbicide. L'OMS est même allée jusqu'à expliquer la différence entre une évaluation fondée sur le danger (CIRC) et une évaluation fondée sur le risque telle que celle qu'elle venait de publier. Mais les ONG et le lobby de l'industrie des produits bio – celui-ci a pris un important essor, acquis des financements et conquis des parts de marché en diabolisant le glyphosate et en suscitant la panique des masses sur des traces infinitésimales de la substance chimique dans la chaîne alimentaire – n'allaient pas rester inactifs devant une telle une décision. Ils ont donc cherché quelqu'un qu'ils pourraient discréditer afin de détourner l'attention de leurs propres données discréditées.
Ils semblent s'être concentrés sur le Professeur Alan Boobis, un toxicologue très estimé de l'Imperial College au Royaume-Uni. Les militants (et leurs relais des médias comme Le Monde et le Guardian) ont découvert qu'il est le vice-président du Conseil d'administration de l'Institut international des sciences de la vie (ILSI – International Life Sciences Institute), une association de recherche bénéficiant d'un financement de l'industrie (y compris Monsanto). Le Professeur Boobis était très transparent à ce sujet. Maintenant, cela peut vous sembler choquant, mais seulement jusqu'à ce que vous compreniez le rôle du Conseil d'administration de l'ILSI :
« Approuver le contenu scientifique du programme, suivre les avis du Comité consultatif scientifique, en assurer l'exécution, et faire rapport sur l'état d'avancement du programme à l'Assemblée générale. »
En d'autres termes, le Professeur Boobis fait exactement ce que fait un professeur : superviser les recherches effectuées par les autres, les corriger et prodiguer des conseils. Supposez que vous êtes un organisme à vocation scientifique : ne voudriez-vous pas obtenir les meilleurs scientifiques pour regarder par-dessus votre épaule, vous conseiller et veiller à ce que vous suiviez les procédures scientifiques appropriées ? Qui ne veut pas apprendre des meilleurs ?
Apparemment, Greenpeace et le Corporate Europe Observatory ne le veulent pas. Ne peuvent-ils pas voir que les organisations devraient bénéficier des conseils des meilleurs scientifiques ? Ils se sont rués sur l'éminent toxicologue comme s'ils étaient à la chasse d'une proie en voie d'extinction. Ils ont fait comme si le Professeur Boobis venait de quitter le siège de Monsanto poussant devant lui une brouette pleine d'argent. C'est trompeur, pathétique et immensément insultant.
Greenpeace et le CEO considèrent en quelque sorte que les seuls scientifiques de valeur sont ces ermites dans les laboratoires au-dessus des falaises. Tout scientifique qui s'engage dans le dialogue ou des partenariats public-privé est considéré comme un contaminant qui devrait être automatiquement disqualifié en tant que source d'expertise. Je suppose que c'est parce que ni Greenpeace, ni le CEO ne connaissent réellement beaucoup de scientifiques (et certainement pas des scientifiques de l'expérience et de la capacité du Professeur Boobis).
Ainsi, plutôt que de permettre à l'OMS ou l'UE de bénéficier des avis des meilleurs toxicologues disponibles pour faire face à des décisions importantes et urgentes comme l'exposition aux pesticides ou la perturbation endocrinienne, les activistes ne veulent voir que leurs scientifiques, qui bien souvent ne sont même pas toxicologues (Christopher Portier et Andreas Kortenkamp sont des statisticiens !). Ils se démènent pour exclure quiconque a bénéficié d'un financement de l'industrie mais s'assoient sur les conflits d'intérêts de ceux qui soutiennent leur dogme. C'est une manipulation pathétique du processus de décision.
Où est la science dans tout cela ? Voilà la question. Mais il n'y en a pas. L'argumentum ad hominem est l'outil qu'on utilise quand on n'a pas de science à ses côtés.
Comment traitez-vous les hordes ignorantes qui répondent à des faits et des preuves par la tromperie, des campagnes de dénigrement de personnes et des insinuations sans fondement ? Après avoir enduré une très désagréable attaque en meute sur twitter la semaine dernière, menée par un groupe d'activistes qui n'utilisent aucune autre approche que l'argumentum ad hominem, je peux concevoir le mal-être dont le Professeur Boobis doit souffrir en ce moment. Il a besoin qu'on le soutienne, pour résister à ces provocateurs – comme ceux du Guardian qui pensent que 15 retweets signifient que vous êtes « impliqués dans une âpre querelle ».
J'ai beaucoup appris sur la façon dont ces mécontents attaquent la personne avec leurs fourches, leurs railleries et leur bile. C'est conçu pour être si désagréable que la victime va se détourner et se cacher, se dissocier de toutes les organisations et plier devant la domination de l'intimidateur... Les harceleurs me mettent en rogne ; alors, la semaine dernière, j'ai répondu, et j'envisage de les attaquer en justice. J'encourage le Professeur Boobis à résister à ces mécontents anarchistes qui ne font preuve d'aucune connaissance scientifique, d'aucune crédibilité et d'aucune dignité, et je le soutiendrai.
Si nous nous enfuyons et nous cachons tous, où sera la science ?
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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur la page Facebook de Risk-Monger : www.facebook.com/riskmonger.
Source : https://risk-monger.com/2016/05/18/how-to-win-without-science-argumentum-ad-hominem/