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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La choquante empreinte carbone du compost

2 Avril 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Agriculture biologique, #Steve Savage

La choquante empreinte carbone du compost

 

Steve Savage*

 

Retourneur d'andain de compostage

 

La plupart des gens pensent que le compostage est très « écologique », mais peu se rendent compte qu'il produit en fait une quantité importante de puissants gaz à effet de serre (GES), du méthane et de l'oxyde nitreux. Les règlements actuels sur l'enfouissement des déchets [aux États-Unis d'Amérique] exigent de limiter les arrivées d'eau pour minimiser la décomposition de la matière organique et de capturer et brûler le méthane ; il en résulte que même cette option a un meilleur bilan carbone que le compostage (merci à Fred Krieger d'avoir attiré mon attention sur cette avancée dans le domaine de la mise en décharge). Une solution encore meilleure est la digestion anaérobie que je décrirai à la fin de cet article.

 

 

Ces émissions ne sont pas une surprise sur le plan scientifique

 

Pour un microbiologiste, il est peu surprenant que ces gaz soient produits au cours du compostage. Le méthane et l'oxyde nitreux sont formés par certains microbes quand il n'y a pas suffisamment d'oxygène disponible (en conditions anaérobies). Au milieu d'un grand tas de compost, il y a des micro-sites sans oxygène. Cela se produit même dans un tas fréquemment retourné pour l'aération. C'est particulièrement vrai lors de la phase « chaude » du processus de compostage qui tue les pathogènes et les graines de mauvaises herbes. Au cours de la période de très forte demande d'oxygène, certaines parties de la pile en manquent et les organismes anaérobies produiront le méthane et l'oxyde nitreux.

 

 

Un exemple

 

Attention : "Mton" = tonne métrique

 

 

Le graphique ci-dessus est fondé sur une étude typique des émissions de GES au cours du compostage (Hao et al. 2001). Il porte sur un compostage actif de fumier de bovins – une technique commune dans laquelle le tas est aéré en le retournant souvent avec un tracteur (ses émissions de CO2 issu du combustible fossile sont indiquées en vert ci-dessus).

 

La première colonne représente la quantité de carbone et d'azote émis sous diverses formes par tonne métrique (t) de fumier. Nous ne pouvons pas voir les 0,19 kg d'azote sous forme d'oxyde nitreux à cette échelle. Le méthane se monte à 8,1 kg de C et le carburant à 4,4 kg de C.

 

La deuxième colonne montre la contribution nette des émissions à l'augmentation de l'effet de serre dans l'atmosphère. Le dioxyde de carbone issu de la matière organique est « neutre en carbone », car il a été extrait récemment de l'atmosphère par des plantes – donc aucune contribution nette de GES. Le méthane et l'oxyde nitreux sont multipliés par 21 et 310, respectivement, en raison de leur potentiel de forçage radiatif.

 

La troisième colonne montre la contribution de GES par tonne de compost fini (après 21% de perte de masse – essentiellement sous forme d'eau). L'« empreinte carbone » totale du compost est maintenant de 233,4 kg CO2-C/tonne. Pour ceux qui sont plus familiers avec les unités anglaises et l'expression sous forme de CO2, ce serait 2.167 livres de CO2/ton.

 

 

Combien de compost utilise-t-on généralement ?

 

Lorsqu'on utilise du compost en agriculture, il est normalement appliqué en grandes quantités. Selon les études de coûts/bénéfices de l'Université de Californie, Davis, une culture biologique typique recevrait entre 4,5 et 22,4 tonnes de compost par hectare. Ainsi, une utilisation moyenne de 11,2 t/ha (5 tons/acre) représenterait une empreinte carbone de 12.142 kilogrammes (équivalents CO2). Ceci sans inclure l'empreinte du carburant utilisé pour le transport du compost sur le terrain et son épandage.

 

 

Que représente cette empreinte carbone ?

 

Pour mettre cela en perspective, l'empreinte carbone de cette quantité de compost utilisé sur un hectare de culture serait égale aux empreintes carbone décrites ci-dessous :

 

 

En d'autres termes, l'empreinte carbone du compost appliqué est étonnamment grande. Ce n'est certainement pas une pratique qu'on voudrait voir utilisée sur une grande échelle.

 

 

Les déchets, c'est terrible de les gaspiller

 

Pourquoi parler de cela ? Parce qu'il y a moyen de mieux valoriser les fumiers et autres déchets organiques. Lorsque les déchets sont traités dans un digesteur anaérobie (méthaniseur), la majeure partie du carbone est intentionnellement convertie en méthane, et celui-ci est brûlé comme une forme d'énergie renouvelable. Les émissions sont neutres en carbone et l'énergie produite compense l'utilisation du carbone fossile. Comme pour le compost, le digestat peut être utilisé pour l'amélioration des sols et d'autres utilisations.

 

 

Les digesteurs anaérobies nécessitent un investissement en capital important et ne sont pas faciles à faire fonctionner, mais ils sont clairement la meilleure solution pour traiter la plupart des flux de déchets organiques. Ils se rentabilisent aussi avec le temps. Les installations municipales modernes de traitement des eaux usées ont de plus en plus recours à ces digesteurs, tout comme certaines grandes laiteries et les parcs d'engraissement d'animaux (CAFOs (confined animal feed operations)).

 

Le plus grand processeur d'oignons en Californie (Gills Onions) a installé un digesteur pour traiter son flux important de déchets. Gills a éliminé une odeur incommodante et résolu la question délicate des déchets ; ils produisent désormais une grande partie de leurs besoins en énergie, et ils sont en meilleure situation financière après avoir amorti l'investissement initial. C'est là un bel exemple du fait que « faire la bonne chose » sous l'angle des gaz à effet de serre peut aussi être une bonne option économique.

 

Vous pouvez déposer un commentaire sur le site source ou contacter l'auteur à savage.sd@gmail.com. Pour les notifications de billets futurs, vous pouvez suivre l'auteur sur twitter (@grapedoc)

 

Références sur les émissions de GES au cours du compostage :

 

Hao, X., Chang, C., Larney, J., Travis, G. 2001Greenhouse gas emissions during cattle feedlot manure composting. Journal of Environmental Quality 30:376-386.

 

Osada, T., Kuroda, K., Yonaga, M. 2000 Determination of nitrous oxide, methane, and ammonia emissions from swine waste composting process.  Journal of material cycles and waste management 1:51-56

 

Hellebrand, H.1998. Emission of nitrous oxide and other trace gases during composting of grass and green waste. Agric. Engng Res. 69:365-375

 

Sommer, S., Holler, H.2000. Emission of greenhouse gases during composting of deep litter from pig production – effect of straw content. The Journal of Agricultural Science 134_327-335

 

Hao, X., Chang, C., Larney, F. 2004. Carbon, nitrogen balances and greenhouse gas emission during cattle feedlot manure composting.  Journal of Environmental Quality 33:37-44

 

Jackel, U., Thummes, K, Kampfer, P. 2005. Thermophilic methane production and oxidation in compost. FEMS Microbiology Ecology 52:175-184. (looking for microbes which might help reduce the methane emissions from composting)

 

Hellmann, B., Zelles, L., Palojarvi,A, Bai, Q. 1997.  Emission of climate-relevant trace gases and succession of microbial communities during open-windrow composting.  Applied and Environmental Microbiol63:1011-1018

 

_________________

 

*  Steve Savage est un scientifique agricole (phytopathologie) qui a travaillé pour la Colorado State University, DuPont (développement de fongicides), Mycogen (développement de solutions de biocontrôle), et a exercé ces 13 dernières années l'activité de consultant indépendant. Son site blogging est Applied Mythology. Vous pouvez le suivre sur Twitter@grapedoc.

 

Source : http://appliedmythology.blogspot.fr/2013/01/the-shocking-carbon-footprint-of-compost.html

 

 

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B
Article tres juste MAIS vous appelez compost ce qui n'en est pas. Le compost, c'est la digestion microbienne aerobie de la matiere organique. Si il y a degagement de methan ou d'oxyde nitreux ou d'autres oxydes gazeux, c'est que c'est anaerobie, et donc ce n'est pas du compost !<br /> <br /> Ceci etant dit, oui, du compost mal fait peu polluer ! Il est donc important de bien le faire !<br /> Et enfin, le terme compost est utilise a mauvais escient, comme quand on parle de ces agriculteurs qui font des tas de fumier et qui les retourne : ce n'est pas du compost. C'est une tentative de retraitement des dechets, qui tourne forcement mal vu la methode et par consequent pollue !<br /> <br /> Donc le probleme n'est pas le compost, dire que le compost pollue est faux, c'est les mauvaises methodes de compostage qui pollue. Au mieux un compost degage le CO2 de la respiration microbienne mais ca c'est normal, ce n'est pas une pollution supplementaire par rapport a une degradation de matiere oranique naturelle en foret par exemple, ca fait partie des cycles du carbone normaux de la planete.
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Il me semble que cela est expliqué dans le texte que j'ai traduit ;<br /> <br /> "Pour un microbiologiste, il est peu surprenant que ces gaz soient produits au cours du compostage. Le méthane et l'oxyde nitreux sont formés par certains microbes quand il n'y a pas suffisamment d'oxygène disponible (en conditions anaérobies). Au milieu d'un grand tas de compost, il y a des micro-sites sans oxygène. Cela se produit même dans un tas fréquemment retourné pour l'aération.
T
Très bon article, mais c'est reconnu par les tenants sérieux et scientifiques de l'agroécologie, la litière de l'agriculture de conservation permet de compenser cela en sélectionnant les bons microorganismes https://www.youtube.com/watch?v=x1rZuqKp4e0
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour le commentaire et le lien.