EFSA bashing : Le Monde s'emploie à détruire son capital de crédibilité...
...enfin ce qui lui en reste
Le Monde, ci-devant journal de référence pour la qualité de l'information, s'est encore fait le relais de la désinformation et du dénigrement de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). La nouvelle ignominie, c'est, sous la plume de M. Stéphane Foucart, « l’expertise européenne des risques sanitaires s’emploie à détruire son capital de crédibilité », publié le 28 mars 2016 (derrière un péage).
C'est une chronique – a priori donc une opinion sans réelle obligation d'impartialité – qui vient avec « Roundup : le pesticide divise l’Union européenne et l’OMS », du même auteur, lequel se veut informatif et impartial... et qui dérape dès le titre ! Car s'il y a une division, ce n'est pas entre l'UE et l'OMS, mais entre l'UE et l'OMS, d'une part, et le CIRC, d'autre part. Nous reviendrons sur celui-ci avec l'opinion de Risk-monger. Et peut-être la nôtre ; car la dénonciation des manipulations médiatiques est fatigante.
M. Foucart note que, dans le contexte d'un régime de libre circulation des marchandises, « [l]’EFSA est donc une pièce cardinale de l’édifice européen. » C'est exact, et c'est bien pour cela, en partie, qu'elle fait régulièrement l'objet d'un lynchage médiatique. Mais il ajoute :
« Hélas, sa crédibilité est désormais à un niveau historiquement bas. »
On peut à juste titre mettre l'opinion en doute. Qui a mesuré la crédibilité de l'EFSA ?
Il y a cependant une certitude : M. Foucart – et le Monde de M. Foucart et plus spécialement de la rubrique Planète – ne manque pas une occasion de faire de l'EFSA-bashing. De se faire le relais de ces organisations qui se prévalent de la qualité d'« ONG », dont la transparence n'est pas la vertu première, et dont le fond de commerce inclut la contestation des institutions, notamment en matière sanitaire et environnementale.
Quel est le motif du nouveau courroux et de la nouvelle attaque deux décimètres au-dessous de la ceinture ? C'est plié en deux phrases :
« Seulement voilà : depuis près d’une décennie, l’EFSA s’emploie avec méthode et persévérance à détruire son capital de crédibilité, en cultivant une trop grande proximité avec les industries qu’elle est censée réguler. Dernier épisode en date : fin janvier, alors que son conflit avec le CIRC la plaçait au centre de l’attention, l’agence européenne annonçait la nomination, à la tête de sa communication, d’une lobbyiste fraîchement débarquée de l’industrie agroalimentaire.
Tout d'abord le mantra – exprimé ici avec une emphase grotesque – de la mouvance anti, dont une figure de proue est le Corporate Europe Observatory. Une « trop grande proximité » ? Les industries doivent être considérés comme ennemis ! C'est, pour se livrer à une comparaison, à se demander comment l'Église a pu tolérer la proximité des confesseurs avec les pauvres pécheurs...
L'objet du délit – ou plutôt du délire – est l'engagement de Mme Barbara Gallani à compter du 1er mai 2016. Mme Gallani est actuellement directrice des politiques et de la durabilité, et scientifique en chef de la Food and Drink Federation, la fédération britannique des aliments et des boissons. Horreur ! Elle vient de chez l'ennemi et, plutôt que d'être une transfuge, elle en sera le sous-marin ! Foi de CEO et de Foucart ! Notez bien qu'elle a aussi travaillé dans le service public, à la Food Standards Agency (avec un détachement à la DG Santé) et dans la défense des consommateurs au Bureau Européen des Unions de Consommateurs (BEUC). Mais rien n'y fait pour les talibans verts : elle a travaillé pour l'industrie... condamnée ; et l'EFSA dans le même mouvement ! Elle a une expérience diversifiée... condamnée !
Food Policy Adviser
European Consumers' Organisation BEUC
juillet 2005 – février 2007 (1 an 8 mois)Région de Bruxelles , Belgique
I was responsible for preparing and agreeing BEUC’s position papers on all food issues and worked closely with the food officers in the 40 member organisations across 27 member states. I represented BEUC at meetings and conferences in Brussels and around Europe. As part of my everyday job I was in contact with journalists and was often interviewed for radio and tv programmes to provide the consumer perspective on food issues.
Un consortium d'entités a protesté : Corporate Europe Observatory, Fondation Sciences Citoyennes, GMWatch, Groupe international d’études transdisciplinaires (GIET), Health & Environment Alliance (HEAL), Pesticides Action Network Europe, Testbiotech. C'est ce que M. Foucart appelle : « ...une demi-douzaine d’ONG européennes »... On est ébloui !
On est surtout ébloui par le fait que le Monde puisse relayer cette protestation sans la moindre vérification quant à la crédibilité des protestataires et le sérieux de la protestation. Celle-ci est une lettre aux membres de la Commission de Contrôle Budgétaire du Parlement européen. On voit tout de suite que ces gens font de la politique...
Ces entités ont annexé à leur lettre une « liste, comique à force d’être interminable, des scandales ayant émaillé l’histoire récente de l’EFSA ». C'est M. Foucart qui l'écrit... à juste titre s'agissant du comique.
Car elle commence avec le cas d'une agente de l'EFSA, Mme Suzie Renckens, qui a quitté l'EFSA pour Syngenta. Moyennant quoi l'EFSA cultive « une trop grande proximité »... Le CEO avait aussi trouvé en 2011 que quatre membres du conseil d'administration de l'EFSA avaient des liens avec l'industrie... Scandale... Mais deux d'entre eux ont été nommés précisément comme représentants des milieux industriels conformément aux règles !
Le cas de Mme Diana Bánáti (qui a fini par démissionner du conseil d'administration de l'EFSA) fait évidemment partie de l'acte d'accusation. Mais, au fait... ce conseil est maintenant présidé par Mme Sue Davies, conseillère principale en politique de l’organisation de consommateurs britannique « Which? »... Elle siège certes au conseil en qualité de membre issu du cercle des consommateurs. Cela laisse le CEO et ce GIET de M. Frédéric Jacquemart, une figure de l'anti-OGMisme, indifférents...
Ce catalogue à la Prévert cite même un article du Monde de 2012, dont un des auteurs est... M. Stéphane Foucart. La boucle est bouclée... Mais les lecteurs de Monde ne doivent pas savoir que ce catalogue, c'est plutôt une liste à la Joseph McCarthy ; tout comme la lettre de protestation.
Tout cela s'inscrit évidemment dans le cadre de la formidable offensive contre le renouvellement de l'autorisation du glyphosate – dont M. Foucart n'omet pas de signaler que c'est le « principe actif du Roundup, le célèbre désherbant de Monsanto », alors que le brevet de Monsanto sur la molécule a expiré depuis longtemps et que Monsanto n'en est plus le principal producteur. Mais ne faut-il pas, en matière de désinformation et de gesticulation politique, se rallier tous les alliés objectifs ?
Il y a donc une différence d'opinion entre le CIRC – qui a classé le glyphosate « probablement cancérigène » – et l'EFSA – qui « conclut qu’il est improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l'homme ». Du coup :
« Les États membres sont assez mal à l’aise avec cette controverse. Le 8 mars, un vote en comité, destiné à ré-autoriser pour quinze ans en Europe le glyphosate, a dû être reporté, plusieurs pays (dont la France, les Pays-Bas…) s’étant brusquement montrés réticents à remettre en selle le fameux produit… »
« ...le fameux produit » ? On voit la disposition d'esprit de l'auteur...
Un auteur qui omet consciencieusement de signaler ici que l'opinion « de l'EFSA » a été préparée par le Bundesamt für Risikobewertung (BfR) allemand ; ici et ailleurs qu'elle a été produite par un « groupe d'examen par les pairs composé de scientifiques de l’EFSA et de représentants des organes d'évaluation des risques des États membres » ; et ici et ailleurs qu'elle a été approuvée par tous les représentants nationaux à une exception près.
Oui, le processus politique a bégayé. Quelle leçon en tirer ? Rien sur le fond scientifique, tout sur le processus politique. À savoir que celui-ci est sensible à la désinformation et à la démagogie. S'illustre ici l'infernale spirale qui menace notre avenir : la désinformation de M. Foucart et de ses amis produit son effet... et la pusillanimité (sinon l'alliance objective de certains ministres) renforce la désinformation...
Mais tout n'est pas perdu :
« Bien sûr, de nombreux travaux de l’institution – sur les pollinisateurs, sur la santé animale, sur la surveillance des pathogènes naturels – ont été salués par les communautés scientifiques compétentes. »
Commentaire sur le Monde :
« En résumé, l'EFSA est veule, corrompue et incompétente quand ses conclusions n'ont pas l'heur de plaire à Stéphane Foucart (le glyphosate) mais elle est courageuse et compétente lorsqu'elle est du même avis que lui (les néonicotinoides). Pour s'améliorer, l'EFSA voit donc tout de suite ce qu'il lui reste à faire. »
Un consortium d'entités a protesté : Corporate Europe Observatory, Fondation Sciences Citoyennes, GMWatch, Groupe international d’études transdisciplinaires (GIET), Health & Environment Alliance (HEAL), Pesticides Action Network Europe, Testbiotech. C'est ce que M. Foucart appelle : « ..une demi-douzaine d’ONG européennes »... On est ébloui !
On est surtout ébloui par le fait que le Monde puisse relayer cette protestation sans la moindre vérification quant à la crédibilité des protestataires et le sérieux de la protestation. Celle-ci est une lettre aux membres de la Commission de Contrôle Budgétaire du Parlement européen. On voit tout de suite que ces gens font de la politique...
Ces entités ont annexé à leur lettre une « liste, comique à force d’être interminable, des scandales ayant émaillé l’histoire récente de l’EFSA ». C'est M. Foucart qui l'écrit... à juste titre s'agissant du comique.
Car elle commence avec le cas d'une agente de l'EFSA, Mme Suzie Renckens, qui a quitté l'EFSA pour Syngenta. Moyennant quoi l'EFSA cultive « une trop grande proximité »... Le CEO avait aussi trouvé en 2011 que quatre membres du conseil d'administration de l'EFSA avaient des liens avec l'industrie... Scandale... Mais deux d'entre eux ont été nommés précisément comme représentants des milieux industriels conformément aux règles !
Le cas de Mme Diana Bánáti (qui a fini par démissionner du conseil d'administration de l'EFSA) fait évidemment partie de l'acte d'accusation. Mais, au fait... ce conseil est maintenant présidé par Mme Sue Davies, conseillère principale en politique de l’organisation de consommateurs britannique « Which? »... Elle siège certes au conseil en qualité de membre issu du cercle des consommateurs. Cela laisse le CEO et ce GIET de M. Frédéric Jacquemart, une figure de l'anti-OGMisme, indifférents...
Ce catalogue à la Prévert cite même un article du Monde de 2012, dont un des auteurs est... M. Stéphane Foucart. La boucle est bouclée... Mais les lecteurs de Monde ne doivent pas savoir que ce catalogue, c'est plutôt une liste à la Joseph McCarthy ; tout comme la lettre de protestation.
Tout cela s'inscrit évidemment dans le cadre de la formidable offensive contre le renouvellement de l'autorisation du glyphosate – dont M. Foucart n'omet pas de signaler que c'est le « principe actif du Roundup, le célèbre désherbant de Monsanto », alors que le brevet de Monsanto sur la molécule a expiré depuis longtemps et que Monsanto n'en est plus le principal producteur. Mais ne faut-il pas, en matière de désinformation et de gesticulation politique, se rallier tous les alliés objectifs ?
Il y a donc une différence d'opinion entre le CIRC – qui a classé le glyphosate « probablement cancérigène » – et l'EFSA – qui « conclut qu’il est improbable que le glyphosate présente un danger cancérogène pour l'homme ». Du coup :
« Les États membres sont assez mal à l’aise avec cette controverse. Le 8 mars, un vote en comité, destiné à ré-autoriser pour quinze ans en Europe le glyphosate, a dû être reporté, plusieurs pays (dont la France, les Pays-Bas…) s’étant brusquement montrés réticents à remettre en selle le fameux produit… »
« ...le fameux produit » ? On voit la disposition d'esprit de l'auteur...
Un auteur qui omet consciencieusement de signaler ici que l'opinion « de l'EFSA » a été préparée par le Bundesamt für Risikobewertung (BfR) allemand ; ici et ailleurs qu'elle a été produite par un « groupe d'examen par les pairs composé de scientifiques de l’EFSA et de représentants des organes d'évaluation des risques des États membres » ; et ici et ailleurs qu'elle a été approuvée par tous les représentants nationaux à une exception près.
Oui, le processus politique a bégayé. Quelle leçon en tirer ? Rien sur le fond scientifique, tout sur le processus politique. À savoir que celui-ci est sensible à la désinformation et à la démagogie. S'illustre ici l'infernale spirale qui menace notre avenir : la désinformation de M. Foucart et de ses amis produit son effet... et la pusillanimité (sinon l'alliance objective de certains ministres) renforce la désinformation...
Mais tout n'est pas perdu :
« Bien sûr, de nombreux travaux de l’institution – sur les pollinisateurs, sur la santé animale, sur la surveillance des pathogènes naturels – ont été salués par les communautés scientifiques compétentes. »
Commentaire sur le Monde :
« En résumé, l'EFSA est veule, corrompue et incompétente quand ses conclusions n'ont pas l'heur de plaire à Stéphane Foucart (le glyphosate) mais elle est courageuse et compétente lorsqu'elle est du même avis que lui (les néonicotinoides). Pour s'améliorer, l'EFSA voit donc tout de suite ce qu'il lui reste à faire. »