La génération pré-glyphosate : j'ai été un enfant travailleur
Risk-monger*
Voici la troisième et dernière partie d'une série sur la Semaine d'action sur les pesticides (en France : Semaine sans pesticides) et sur les raisons pour lesquelles le glyphosate ne doit pas être interdit. J'ai présenté 10 raisons pour lesquelles le glyphosate est l'herbicide du siècle dans la partie 1 et analysé dans la partie 2 le comportement du CIRC caractérisé par un manque de transparence et de professionnalisme et par des conflits d'intérêts lorsqu'il a imposé la mauvaise science dans sa monographie sur le glyphosate. Dans cet article, j'examinerai comment les herbicides ont changé non seulement l'agriculture, mais l'ensemble de la société occidentale et j'envisagerai les conséquences très probables d'une éventuelle interdiction du glyphosate.
Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi les écoles ferment en juillet et août ? Historiquement, le travail des enfants était une nécessité dans les fermes, notamment pour arracher les mauvaises herbes. Avant la mise au point des herbicides, ce travail éreintant de désherbage des cultures revenait aux mains plus petites. Ayant grandi sur une ferme mixte produisant des fruits et des légumes dans le sud de l'Ontario, je faisais partie des enfants travailleurs. Dans les années 1960-70, les Zaruk exploitaient une ferme familiale normale, comme la plupart des fermes d'aujourd'hui encore (même si leur image a été ternie par le lobby du bio).
Mes amis d'enfance m'appelaient « le zèbre », pas seulement à cause de mon nom, mais aussi parce que, après l'été, j'avais une bande claire sur mes flancs. Mon dos était bien bronzé et ma poitrine bien blanche parce que je me penchais toujours en avant, torse nu, le dos au soleil, en arrachant les mauvaises herbes ou en binant. Je ne souffrais pas tellement du dos (bien que j'aie maintenant un dos en mauvais état), mais je me souviens de la chaleur et de la saleté dans mes pores. 40° C dans un champ de tomates ou d'oignons ne m'ont pas donné beaucoup d'occasions de me mettre à l'ombre. J'étais jeune et donc je m'en accommodais mieux que la plupart.
Le désherbage était un travail sans fin – le temps de finir un champ d'un demi-hectare, et les mauvaises herbes avaient échappé au contrôle dans un autre. Au début de l'été, j'étais heureux quand mon père pouvait passer entre les rangs avec un motoculteur, mais une fois que les melons avaient commencé à s'étendre, c'était mon tour. Je devais extraire les racines, alors il fallait agripper les mauvaises herbes par la base tout en ameublissant le sol avec une binette à manche court. Je me souviens que, âgé douze ans, je devais toujours panser les cloques sur ma main droite pour éviter les infections.
Ces tortues peuvent arracher le bras d'un jeune garçon... et elles l'ont fait.
Aujourd'hui encore, je suis terrifié par les tortues. Les tortues serpentines montaient depuis notre ruisseau pour pondre dans notre verger, mais, travaillant tête baissée, je ne les remarquais souvent que lorsque j'étais pratiquement au-dessus d'elles. Une fois, mon frère a essayé d'en déplacer une avec sa binette et elle en a cassé le manche. Imaginez ce qu'elle aurait pu faire avec le bras d'un enfant de douze ans essayant d'atteindre une mauvaise herbe...
Être un enfant travailleur n'a pas été pour moi une jeunesse perdue et je n'ai aucune amertume. Je ne savais pas ce qu'est une enfance normale et cela m'a façonné comme je suis aujourd'hui. J'ai grandi au grand air et nous avions des motos pour nos loisirs. J'ai aussi appris comment faire entrer un tracteur et une remorque dans un espace étroit à 13 ans. Mais je ne voudrais pas que mes enfants aient à faire un tel travail tout un été, et encore moins pendant les 21 premières années de leur vie. Pourtant, je sais ce que l'on ressent en entrer dans un champ au lever du soleil et en revenant avec une fatigue gratifiante au coucher du soleil – l'odeur de l'air, la sensation de la terre. C'est quelque chose que la plupart des militants contre l'agriculture à Bruxelles ignorent complètement (alors même qu'ils semblent avoir des réponses à tout).
S'il est une chose que l'agriculteur cherche, c'est d'avoir à travailler moins dur et d'être plus à l'aise. Il n'y a rien de facile ou de confortable dans le binage. Il est essentiel d'éliminer les prédateurs de nutriments invasifs pour protéger et améliorer les cultures, mais c'est coûteux, long et sans fin. Dans les années 1960, l'introduction des premiers herbicides a rendu l'agriculture plus facile, moins chère et plus productive. Les agriculteurs ont pu contrôler les mauvaises herbes pour quelques centimes, accroître les rendements et permettre à leurs enfants de profiter des vacances d'été. Voir quelques tableaux sur l'augmentation des rendements aux États-Unis au cours de cette période révolutionnaire pour l'agriculture.
Les mêmes augmentations de rendement ont eu lieu dans un large éventail de cultures – le maïs dans le Wisconsin est pris ici comme un exemple.
L'augmentation spectaculaire du rendement du maïs aux États-Unis reflète l'introduction des herbicides, ce qui a rendu l'agriculture plus facile et moins dure pour les enfants.
Ajoutez à cela la capacité de produire beaucoup plus avec beaucoup moins d'agriculteurs et je conclus que le rôle des herbicides sur l'amélioration de la qualité de vie, le dynamisme économique et la sécurité alimentaire a été largement sous-estimé.
Au moment où le glyphosate a été développé, avec sa faible toxicité et son efficacité, les enfants avaient oublié pourquoi les vacances d'été avaient été fixées à juillet et août. Les herbicides ont été si efficaces que l'État de Californie a interdit, en 1972, l'utilisation de la binette à manche court en raison des douleurs et des souffrances cruelles qu'elle avait causées aux ouvriers agricoles. Grâce à la technologie en constante amélioration et à l'introduction de variétés résistantes au glyphosate, les régulateurs de la Californie sont allés en 2004 jusqu'à interdire la pratique du désherbage manuel en raison des dures et inutiles conséquences de ce travail sur la santé. Cette législation était cependant assortie d'une petite exception. Le secteur de l'agriculture biologique a fait du lobbying pour être exempté de la loi, car il n'utilise pas d'herbicides, et il a gagné le droit de continuer à utiliser des enfants pour arracher les mauvaises herbes sur les fermes bio. Une autre grande victoire pour le redoutable, mais plutôt indifférent à l'éthique, lobby de l'agriculture biologique !
Donc, le lobby du bio fait maintenant des progrès dans sa campagne visant à faire interdire le glyphosate et, bien sûr, tous les herbicides. Ce ne serait pas seulement une catastrophe écologique, mais aussi un désastre social. Leonard Gianessi a calculé que, pour maintenir aux États-Unis les rendements des cultures sans herbicides, les Américains devraient recruter 55 millions d'adolescents pour éliminer les mauvaises herbes. Ma propre expérience me conduit à le croire (je recommande aussi de regarder l'entretien très informatif qu'il donne sur l'histoire socio-économique des herbicides et de l'agriculture au cours des cinq dernières décennies). Le problème est qu'il n'y a pas 55 millions d'adolescents américains, de sorte que les agriculteurs devront recruter de plus jeunes encore. C'est encore une situation où je me trouve à regarder avec effarement le succès de la stupidité dans l'interdiction d'un pesticide bénéfique, avec une toxicité extrêmement faible, d'une stupidité qui ne comprend pas ce qu'en seront les conséquences. Je suis littéralement estomaqué.
Affiche contre le travail des enfants au États-Unis en 1914, par Hine Lewis Wickes (1874-1940)
Nous sommes donc au milieu de la Semaine sans pesticides ; les militants à Bruxelles, qui sans nul doute croient sincèrement qu'ils sont des gens bien, enfoncent allègrement les dernier clous dans le cercueil de l'herbicide du siècle... sans aucune idée des conséquences. J'aimerais poser une question à certains des sponsors de cette campagne de lobbying « tape sur ton voisin » en faveur du bio ; ou devrais-je plutôt dire, un « défi d'intégrité » ? Donc, pour les administrateurs de HEAL, PAN Europe et Greenpeace EU Unit, qui mènent les campagnes anti-pesticides à Bruxelles, voici ma question/mon défi :
Seriez-vous prêt à signer pour un été de désherbage à la main pour vos enfants de 12 ans sur des fermes en Europe du Sud ?
Mes parents avaient pris cette décision parce qu'ils n'avaient pas le choix. Vous avez le choix en tant que dirigeants des ONG menant cette campagne imbécile en faveur de l'interdiction du glyphosate. Mais ne vous inquiétez pas – c'est OK si vous faites preuve d'intégrité. J'ai désherbé à la main pendant environ une décennie, je suis donc sûr que vos enfants apprécieront aussi l'expérience et en sortiront grandis. Je vais même vous montrer comment mettre un pansement sur les ampoules sur les mains de vos enfants de 12 ans.
Vous avez trois réponses possibles à ma question :
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Assumez vos propos et signez pour des vacances d'été inhabituelles pour vos enfants ;
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Abandonnez vos horribles petites campagnes anti-agricoles (et présentez des excuses aux agriculteurs) ; ou
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Admettez que vous êtes des hypocrites.
Vous pouvez répondre à cet article et je serai heureux de publier votre réponse dans son intégralité.
Quelque chose me dit que, comme ces vicieuses tortues serpentines, vous allez vous taire et faire le mort jusqu'à ce que vous trouvez le bon moment pour frapper. Maintenant, je sais pourquoi je vous méprise !
Auteur : David Zaruk
Trois fillettes américaines au travail dans un champ de betterave à sucre : Mary, six ans, Lucy, huit ans, Ethel, dix ans. La famille est là depuis dix ans, les enfants vont à l'école en hiver, juillet 1915. Sugar City, dans le Colorado, par Hine Lewis Wickes (1874-1940).
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* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur la page Facebook de Risk-Monger : www.facebook.com/riskmonger.
Source : https://risk-monger.blogactiv.eu/2016/03/22/the-pre-glyphosate-generation-i-was-a-child-labourer/