Glané sur la toile (57) : « Vive les pesticides ! » d'Yann Kindo (et plus)
Compléments sur The Ecologist et le fameux Dr. Medardo Ávila Vazquez
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Vive la dérision !
Ce « Cash Investigation » officiellement sur « Produits chimiques : nos enfants en danger » – qui instrumentalise si bien les enfants dans son titre pour nous inspirer pétoche et remords – est fort légitimement une source d'indignation dans les milieux rationalistes et bien au-delà. Ajoutez la dernière rumeur sur les microcéphalies qui seraient dues à un pesticide... de Monsanto... enfin pas vraiment, et il y a de quoi susciter la verve et les sarcasmes d'un Yann Kindo, sur son blog sur Mediapart.
C'est intitulé « Vive les pesticides ! ».
Il écrit :
« Oui, je sais, c’est pas génial, comme titre.
Au début, je voulais intituler ce billet :
"Pour un usage raisonné des pesticides sur la base d’une stricte évaluation du rapport bénéfices/risques de leur emploi ciblé, dans une perspective systémique qui englobe les différents enjeux de la question, aussi bien agronomiques que sanitaires, en se méfiant tout autant des intérêts financiers que des aveuglements idéologiques",
mais j’ai trouvé que journalistiquement parlant, ça le faisait pas, et je me suis dit que pour attirer l’attention, rien ne valait la méthode Cash Investigation consistant à dépeindre les choses avec un bazooka en guise de plume... »
On peut être en désaccord avec la première phrase, comme avec une partie de celle qui suit :
« ...Et aussi, dans le climat actuel de complète hystérie anti-pesticides, un truc court qui prend le contre-pied absolu quitte à n’avoir pas beaucoup plus de sens, ça aura au moins le mérite de choquer un peu, pour éventuellement commencer à faire réfléchir, sait-on jamais... »
Car les pesticides – et partant, le titre – ça a beaucoup de sens. Mes chats en savent quelque chose... D'ailleurs moi aussi, qui utilise un diffuseur d'insecticides pour être tranquille la nuit...
Rappelons un autre fait incontournable : rendement moyen du blé « conventionnel » ces dernières années : en gros 75 quintaux à l'hectare ; rendement moyen du blé « bio » : 32 quintaux (en 2014, on est tombé à 25 quintaux). D'où vient la différence : on ne cultive pas sur les mêmes terres et les chiffres ne sont donc pas directement comparables ; la fertilisation est plus compliquée et moins efficace en « bio » ; la génétique est archaïque ('Renan', la variété préférée des producteurs de blé bio en France et en Allemagne, a été inscrite au Catalogue en France en 1989) ; le désherbage est plus difficile et moins efficace ; aucune solution contre les maladies, dont la « nuisibilité » s'exprime parfois par un nombre à deux chiffres (voir par exemple ici)... Si on passait au « bio » intégral, avec allongement des rotations et le tutti quanti, la France nourrirait bien sa population... quelques mois par an.
M. Kindo revient opportunément à cette monstruosité médiatique des microcéphalies prétendument provoquées au Brésil par un pesticide, le pyriproxifène. Il note en particulier que ce qui était naguère « Atrophies crâniennes et virus zika – Des médecins suspectent plutôt un produit chimique de Monsanto » (c'est nous qui graissons) a subrepticement été amputé de sa finale sur Paris Match.
C'est bête... « …de Monsanto » figure toujours dans l'URL... Et, plutôt que de prendre des mesures drastiques pour faire face avec honneur à sa responsabilité dans la diffusion d'un hoax, la rédaction a préféré maintenir l'article avec une petite addition :
« [Ndlr: Monsanto tient à préciser qu'il n’a aucun lien avec le pyriproxifène qu’il n’a jamais ni produit ni commercialisé.] »
Que voulez-vous ? Des charlots suspectent... mais c'est une « information », ça !
Et Sumitomo « partenaire stratégique » (sur la base d'un unique communiqué de presse portant sur une unique ligne de produits, dans le cadre du programme Roundup Ready PLUS), c'est trop « vendeur » pour être corrigé ou mis en perspective
Et pas question de la lâcher, cette « information » stratégique. C'est comme pour The Ecologist : la thèse délirante du moustique GM était trop belle... et on assène « Pandora's box: how GM mosquitos could have caused Brazil's microcephaly disaster ». Ça se révèle un tuyau percé... on ajoute quelques petites notes pour mettre la désinformation en perspective (ils ont même ajouté un encadré depuis notre analyse). Surgit une nouvelle thèse peu vraisemblable et certainement présentée de manière délirante... on produit « Argentine and Brazilian doctors suspect mosquito insecticide as cause of microcephaly ».
Sur Forbes, l'excellente Kavin Senapathy a produit une analyse, « The Anti-GMO Doctors Behind False Monsanto Microcephaly Link », qui gratte un peu plus profond.
M. Ávila Vazquez, l'auteur principal de l'hypothèse, a donc eu quelques difficultés avec la direction de son Université en 2014 pour avoir produit des allégations jugées extravagantes sur les (prétendus) méfaits des OGM et des pesticides sur la santé à Monte Maíz, à 300 kilomètres de Cordoba. Il y eut une lettre de soutien, publiée sur le site de l'Institute of Science in Society... L'I-SIS, une référence ! La liste des signataires – des « universitaires, agents d'institutions, autorités scientifiques, leaders sociaux » – est intéressante. On vous la laissera découvrir... Faites par exemple une recherche avec « France »...
Mais la désinformation porte ses fruits. Le gouvernement local de Rio Grande do Sul vient de suspendre l'utilisation du pyriproxifène.
Quelle mesure de remplacement ? La presse n'est pas bavarde. Ce que l'on peut craindre, cependant, c'est que l'on ait baissé la garde pour toute la lutte antivectorielle – tous les moustiques, pas seulement Aedes, et toutes les maladies propagées par les moustiques, pas seulement Zika.
Un insecticide utilisé depuis 1996 aux États-Unis d'Amérique. Note Yann Kindo :
« Depuis 1996, donc. Aux Etats-Unis.
« Et depuis 1996, on n'aurait rien remarqué de particulier aux Etats-Unis en utilisant cet insecticide, mais il se trouve qu'il se met à faire des ravages en Amérique Latine... pile poil au même moment que l'épidémie de Zika ? »
Pas assez irrationnel, M. Kindo... Quand la thèse du pyriproxifène responsable se sera écroulée – ce qui semble fort probable – on l'accusera de contribuer par un phénomène de synergie aux ravages du virus – qui tient toujours la corde dans les pronostics sur l'agent causal de l'épidémie. Le propre des théories du complot est qu'elles ne sont jamais à court de ressources...
Ni de médias avides de sensationnalisme prêts à les relayer avec enthousiasme.
P.S. Voir aussi cette vidéo.
Et cet article.