« Désintoxiquez-vous » : ce billet peut vous faire économiser 19 €...
C'est un livre ; on a du mal à écrire « ouvrage » car ce mot désigne en premier lieu le produit du savoir-faire d'un ouvrier et a une connotation positive.
Il – le livre, pas l'ouvrage – a été co-écrit par le Dr Véronique Vasseur, médecin à l'hôpital Saint-Antoine, et Mme Clémence Thévenot, journaliste indépendante.
Il – le livre, pas l'ouvrage – est sous-titré : « Alimentation, produits hygiène-beauté, téléphonie, particules fines... Ce guide peut vous sauver la vie ! »
« ...sauver la vie ! » ? Amis lecteurs, il a sans nul doute dû vous échapper que votre vie était en très grand danger.
Les auteures écrivent donc en quatrième de couverture :
« Effarées par cet état des lieux ignoré, le Dr Véronique Vasseur et Clémence Thévenot ont décidé de tirer la sonnette d'alarme. Et de détailler avec minutie tout ce qui, études à l'appui, met en péril notre santé. Un diagnostic sans complaisance auquel elles apportent, aussi, des solutions et tout un ensemble de précautions élémentaires pour "se décontaminer" au quotidien. Le moment est venu de changer nos pratiques et de combattre la désinformation qui règne en la matière. Désintoxiquons-nous ! »
Nous, nous sommes effarés par le fait que les auteures puissent, à la fois, tirer la sonnette d'alarme sur un danger imminent – puisque leur « guide » est susceptible de nous « sauver la vie » – et évoquer un « état des lieux ignoré ».
Ce n'est là que la contradiction qui vous saute à la figure, enfin si vous êtes rationaliste, quand vous regardez la couverture et lisez le dos de cette chose publiée dans la collection Flammarion document. Il aurait peut-être fallu mettre également le « u » en gras pour que la suite du mot acquière sa signification propre...
Pour feuilleter (ne parlons pas de lire...), mieux vaut avoir l'esprit blindé et l'estomac bien accroché.
Sortons de notre domaine de prédilection pour un exemple :
« Trois grandes catégories de pollution affectent ainsi la qualité des eaux dites brutes : pollutions physiques (champs électromagnétiques, chaleur)... »
Oui, vous avez bien lu ! C'est à la page 43.
Ou encore :
« Découverte par la Nasa quand elle cherchait des solutions pour remédier à la pollution de l'air dans les stations orbitales, certaines plantes vertes s'avèrent assez "intelligentes" pour absorber les substances polluantes en suspension avant de les éliminer naturellement et de les transformer en air purifié. Ces plantes peuvent détruire moisissures et champignons microscopiques... »
Oui, vous avez bien lu ! C'est à la page 167. Ce qui est extraordinaire, c'est que nous sommes entourés de plantes... mais que l'air ambiant est pollué. C'est aussi que les plantes ont des pouvoirs antifongiques extraordinaires... mais que nous devons recourir à des fongicides pour sécuriser nos rendements agricoles (y compris, du reste, dans ce « bio » accro au cuivre) et notre alimentation.
Contrairement à la recherche de l'excellence, celle de la bêtise est d'une facilité déconcertante. Mais pour concourir pour le prix de la bêtise il faut être particulièrement bien armé : la concurrence est vive.
Nul doute que ce livre concourt en première ligue...
Nous n'insisterons pas. M. Daniel Sauvaitre a produit « De quoi la médecine parallèle de Véronique Vasseur est-elle le nom ? » dont nous ne pouvons que recommander la lecture.
Sauf que M. Sauvaitre est resté bien trop mesuré.
Car il convient à notre sens d'interpeller l'Ordre des Médecins : est-il admissible – notamment au regard de l'impératif de santé publique – que des auteurs (le problème dépasse celui du « Dr » Vasseur) galvaudent ainsi un titre censé indiquer à la population l'existence d'une (réelle) compétence médicale et inspirer aux patients la confiance pour un sujet qui leur est essentiel, leur santé ?
C'est tout de même, incidemment, un titre que notre société très égalitaire a maintenu et qu'il convient de protéger des charlataneries de tout poil.
Nous n'interpellerons pas la profession de l'édition, Flammarion en particulier. Mais si la liberté d'expression ne connaît que les limites légales, la liberté d'édition se devrait d'adopter un code de déontologie.
Et nous interpellerons encore moins tous ces médias qui offrent avec complaisance une tribune pour la promotion d'un... livre.
Un livre qui comporte en exergue, à juste titre un aphorisme de Coluche :
« Quand on pense qu'il suffirait que les gens n'achètent plus de saloperies pour que ça ne se vende plus !