Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Un blé « bio » fait 99 quintaux à l'hectare outre-Manche... et alors ?

29 Octobre 2015 , Rédigé par Seppi Publié dans #Agriculture biologique, #critique de l'information

Un blé « bio » fait 99 quintaux à l'hectare outre-Manche... et alors ?

 

 

Nous devons le tuyau à l'infatigable Albert Amgar [1]. Au bout du tuyau, un article du britannique Farming Online [2] ; entre les deux, un démontage de l'article par M. Jim Prevor, alias Perishable Pundit [3].

 

Nous croyions Farming Online plus critique et pondéré. Pour cet article, on frise le publireportage. Mais après tout, c'est une occasion de rappeler quelques éléments fondamentaux. En attendant que l'extraordinaire nouvelle ne se répande aussi en France grâce aux « réseaux sociaux » et à des « journalistes » qui profitent de leur activité professionnelle pour propager leurs fantasmes personnels.

 

Chez LC Smales & Son, sur la Thornton Farm, près de Berwick-upon-Tweed, au nord de l'Angleterre, la variété Revelation – cocorico ! Elle est de Limagrain – a produit 99 quintaux à l'hectare en bio dans un champ de neuf hectares. LC Smales & Son sont des producteurs et marchands de semences... bio. Un tel rendement, c'est une excellente publicité.

 

Ce rendement est extraordinaire, peut-être même un record mondial. On se situe en effet au niveau des très bons rendements en conventionnel.

 

L'Angleterre n'est pas la France. Les conditions climatiques y sont plus favorables pour le blé (rappel pour les adeptes de l'« écologie » sommaire : le blé est originaire d'un Moyen-Orient plutôt sec...). Mais on est là à... quatre fois le rendement moyen du blé bio français de 2014 [4].

 

Les heureux producteurs de LC Smales & Son attribuent ce rendement exceptionnel, d'une part, aux qualités intrinsèques de la variété : une grande résistance aux rouilles jaune et brune, une bonne résistance au piétin-verse, à l'oïdium et à la septoriose, ainsi qu'à son potentiel de rendement [5]. C'est une variété récente... alors qu'en France, la variété la plus cultivée en bio, Renan [6] a été inscrite (pour l'agriculture conventionnelle et, partant, aussi pour le bio) en... 1989. Mais précisons aussi que Revelation est une variété plutôt fourragère alors que les trois premières françaises de 2014 étaient des BAF, des blés améliorants ou de force, intrinsèquement moins productifs.

 

Deuxième clé alléguée du succès :

 

« Mme McCowan pense que les rendements élevés de cette culture "non traitée" sont probablement dus au fait que la culture a reçu suffisamment de lumière au bon moment... »

 

En d'autres termes : une année climatique très favorable. Les thuriféraires du bio seront-ils capables d'incorporer ce facteur dans leur bréviaire ?

 

Il y a, en outre :

 

« Le champ de 9 hectares de Revelation a été semé à 220 kg/ha au début d'octobre, après deux années de trèfle blanc. "Le trèfle blanc a été retourné le 22 août, puis nous avons passé deux fois avec une herse Kvik-up pour réduire le stock semencier des adventices avant le semis". »

 

Là se trouve une inconnue : à quoi avait servi le trèfle blanc ? Comme fourrage ou uniquement comme engrais vert ?

 

Perishable Pundit écrit :

 

« En d'autres termes, afin d'obtenir ce rendement, il a fallu maintenir la parcelle en jachère pendant deux ans ! Cela signifie que le rendement n'est pas de 99 quintaux à l'hectare, mais du tiers de cette quantité, parce que vous utilisez la parcelle pendant trois ans pour l'obtenir en blé. »

 

Ce raisonnement reste foncièrement valable même si le trèfle a été utilisé en fourragère.

 

Ajoutons que la parcelle a reçu de la chaux pour remonter le pH ainsi que du manganèse et du soufre sous forme liquide. Serait-ce autorisé pour le bio en France ?

 

Et Perishable Pundit de conclure :

 

« Ce qu'il faut retenir, en définitive, c'est qu'une grande partie des résultats de recherches publiés sur l'agriculture biologique est sujette à caution. Pour les comprendre, il faut porter son attention sur le texte en petit, mais, bien trop souvent, ces choses-là sont rapportées dans la presse grand public uniquement sur la base des grands titres. »

 

Nous ne pouvons qu'approuver... Et attendre que cette grande nouvelle des 99 quintaux n'envahisse la presse et les réseaux français.

 

__________________

 

[1] http://amgar.blog.processalimentaire.com/

 

[2] http://www.farming.co.uk/news/article/11686

 

[3] http://www.perishablepundit.com/#1

 

[4] http://www.franceagrimer.fr/content/download/39066/361133/file/A4-Vari%C3%A9t%C3%A9s%20et%20Rend%20C%C3%A9r%C3%A9ales%20BIO.pdf

 

[5] http://www.limagrain.co.uk/products/details/265.html

 

[6] Voir, sur son origine :

http://seppi.over-blog.com/2015/10/glane-en-kiosque-2-science-pseudo-sciences-et-les-idees-recues-sur-le-bio.html

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
R
Record mondial de rendement en blé cette année en Angleterre ; 165 Qx/ha .<br /> Dons le ratio bio/conventionnel est toujours respecté .
Répondre
D
Un agri bio était intervenu en AG de coop pour dire qu'il parvenait à 70 qx en blé . L'invité de l'AG était Claude Allègre qui affirmait de le bio ne pouvait pas nourrir le monde. Ce que cet agriculteur ne précisait pas, c'est que le précédent était une luzerne, implantée pendant 3 ans. Au final, le rendement sur cette période était donc assez moyen. Et que pour parvenir à cette "performance", il fallait donc beaucoup de ressources.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Oui, la luzerne ou le trèfle peut être vendue pour la graine... mais je crains que le marché ne soit pas très conséquent.
K
sauf que la luzerne ou le trefle peut etre vendu pour la graine..