« Graines de rebelles » sur une France 2 franchement pas belle
Quousque tandem abutere, France 2, pecunia nostra ?
Source : http://blog.cimmyt.org/tag/seeds-of-discovery-seed/
Avec plus de 175.000 accessions, la banque de gènes du CIMMYT est la plus grande collection de blé et de maïs du monde
Dans un billet précédent, nous nous somme insurgés contre un « reportage » absolument grotesque diffusé dans le journal de 20 heures de France 2 du lundi 7 septembre 2015 [1]. La France entière avait été informée d'un très grand miracle : on pouvait faire pousser des tomates sans eau...
France 2 a récidivé ce samedi 3 octobre 2015 avec « Graines de rebelles » dans la magazine d'actualité de 13 h 15. Réalisé par Emmanuelle Chartoire, Julien Voigt, David Geoffrion et Eric Chevalier [2].
Le descriptif sur la toile donne la mesure de l'ampleur du désastre :
« En plein débat sur l'avenir de l'agriculture, la disparition des petites exploitations, la culture du rendement à tout prix et l’industrialisation du secteur, quelques rebelles se battent avec énergie pour la diversité des semences, la liberté de les échanger et de les cultiver. »
On a envie de répéter le célèbre mot de Daladier ! Ou de résumer : « Libérez les ballons captifs ! »
Source : « Liberté, Santé, Biodiversité… AUX GRAINES CITOYENS ! », une entreprise s’engage »
Une entreprise s'engage surtout dans une démarche marketing...
La notion de civisme a-t-elle cours sur France 2 ?
Soyons clairs : il est à notre sens intolérable de la part d'un média – et encore plus d'une chaîne de la télévision publique, financée par nos pecunia – de faire l'apologie de la délinquance. La production a en effet offert, sans la moindre critique ni la moindre mise en perspective, une tribune à un intervenant qui vient proclamer que « quand une loi n'a aucun sens, il n'y a pas de raison de la respecter ». Cette haute opinion de la loi – personnelle et individuelle (quoique partagée par une mouvance carburant au sectarisme idéologique) – est de M. Ananda Guillet, fils de son père qui est à la tête de Kokopelli, en principe une association loi 1901, à qui on a complaisamment tendu le micro.
M. Jean-Luc Brault, fondateur et propriétaire de Semences Del Païs [3], manie quant à lui le sophisme : il se sent mieux dans la peau d'un vendeur de semences illégales que d'un vendeur d'armes légales...
Plus loin encore dans cette œuvre qu'on peine à appeler reportage ou documentaire, un personnage trouve un plaisir personnel à être dans la « clandestinité ».
C'est là un cours d'instruction civique et morale de France 2 à une heure de grande écoute...
La notion de déontologie a-t-elle cours sur France 2 ?
Pourquoi les personnes longuement interviewées – du reste jamais clairement identifiées – ont-elles pu dérouler ainsi leurs discours ? Il y a la complaisance, voire la connivence sur une idéologie partagée. Il y a aussi, plus prosaïquement, le choix délibéré de ne présenter que cette idéologie sans la moindre contribution tierce.
« C’est dans ces conditions qu’un journaliste digne de ce nom :
[...]
• Tient l’esprit critique, la véracité, l’exactitude, l’intégrité, l’équité, l’impartialité, pour les piliers de l’action journalistique ; tient l’accusation sans preuve, l’intention de nuire, l’altération des documents, la déformation des faits, le détournement d’images, le mensonge, la manipulation, la censure et l’autocensure, la non vérification des faits, pour les plus graves dérives professionnelles ;
• Exerce la plus grande vigilance avant de diffuser des informations d’où qu’elles viennent » [4]
La pièce dont il s'agit ici – un publireportage ou infomercial diffusé dans la cadre d'un journal d'information sous prétexte de « portraits croisés » – constitue à notre sens une violation caractérisée de la Charte d’éthique professionnelle des journalistes. Et du droit du citoyen à une information honnête (ne parlons même pas d'impartialité).
Il est vrai que tout l'argumentaire se serait écroulé si on avait aménagé une fenêtre pour le « bord opposé », notamment les instances en charge de la réglementation sur les semences, vivement mise en cause, ou encore de la conservation des ressources génétiques.
Un commerce des semences illégales
Le publireportage est donc une ode au commerce – sinon au trafic – de semences illégales.
Une réglementation protectrice d'intérêts fondamentaux...
Sauf contrainte dirimante, l'agriculture repose, dans une mesure plus ou moins grande, sur la séparation des actes de production de denrées alimentaires, d'une part, et de semences, d'autre part.
Ce n'est pas pour rien que les adeptes des « semences paysannes » se focalisent sur le blé et la tomate : plus personne ne produit ses propres semences de betteraves sucrières, par exemple, pour la simple raison que c'est trop complexe et qu'il est plus avantageux de s'adresser à des spécialistes. Ces « semences paysannes » doivent être distinguées des « semences de ferme ». Les premières sont essentiellement des variétés anciennes que des agriculteurs cultivent (et, prétendent certains, améliorent) en autarcie semencière (avec des échanges avec d'autres utilisateurs de telles semences) [5]. Les secondes correspondent à des variétés modernes et sont produites par des agriculteurs lors d'une campagne en vue des emblavements de la campagne suivante. En France, les semences de ferme de blé représentent environ 40 % des emblavements, les « semences certifiées », commerciales, 60 % [6].
Ces chiffres suggèrent que l'utilisateur de semences de ferme s'approvisionne périodiquement sur le marche ; ne serait-ce que pour adopter une variété plus moderne et plus performante, pour profiter du progrès génétique (ah ! Nous avons employé le mot « progrès » ?...). Et, incidemment, il y a de quoi éclater de rire quand un Jean-Luc Brault déclare que le savoir-faire de la production de semences s'est peu à peu perdu chez les agriculteurs, vraiment pris pour des demeurés...
L'« industrie » des semences et plants est régie par une législation détaillée dont la complexité résulte en grande partie de sa mise en place par étapes successives sous forme de patchwork, avec en France un empilement de structures administratives fort étonnant. Cette « industrie », incidemment, inclut des « agriculteurs-multiplicateurs » : l'usine de semences, c'est pour le conditionnement, pas la production des graines.
Le cycle des Fusarium
La législation a pour objet de garantir aux agriculteurs un approvisionnement en semences de qualité – sur le plan de l'identité variétale, de la pureté spécifique (absences de graines d'autres espèces cultivées et d'adventices) et variétale, de la qualité sanitaire (absence de virus, de parasites et de maladies), de la qualité technique et de la capacité de germination. Une semence de qualité n'est pas un gage de réussite ; car il y a loin du semis à la récolte. Une semence de mauvaise qualité ou de mauvaise identité peut être synonyme de déboires sinon de désastre.
Le cycle des taches bactériennes de la tomate, qui peut passer par la semence
Au-delà de l'agriculteur, il s'agit aussi – fait maintenant oublié dans nos sociétés d'abondance – d'assurer l'approvisionnement alimentaire de la population, tant en quantité qu'en qualité.
C'est cette réglementation qui est mise en œuvre, par exemple, quand il s'agit de protéger nos oliviers de Xylella. Mais, alors que le ban et l'arrière-ban de la société en exige l'application stricte dès lors qu'il y a péril en la demeure, il y a une frange de la population – y compris nos journalistes de France 2 – pour encenser la délinquance et l'anarchie semencières. Schizophrénie...
...contestée par principe, idéologie et intérêt commercial...
Les personnages interviewés dans cette œuvre (au sens, neutre, de l'objet du droit d'auteur) contestent – certains avec une extraordinaire violence verbale – la législation et les règles de conduite responsable.
Il a certes fallu pas mal de temps pour que le législateur introduise des assouplissements pour tenir compte de cette (relativement) nouvelle réalité qu'est l'intérêt pour les variétés et les semences d'un passé parfois lointain. En particulier, il a mis en place un régime assoupli, d'inscription aux catalogues pour les « variétés de conservation » de grandes cultures et de légumes et les « variétés potagères sans valeur intrinsèque » [7].
Catalogues ? Un système d'autorisation de mise en marché qui garantit que seuls seront commercialisés les matériels répondant à la notion de variété et, dans le cas des plantes de grande culture, présentant a priori une valeur agronomique, technologique et environnementale suffisante. Régime assoupli ? On se fait notamment plus tolérant sur la notion de variété, ainsi qu'on le verra ci-dessous.
Alors, pourquoi y a-t-il un commerce de semences illégales ?
La liberté de semer quoi ? Où est, par exemple, l'enjeu de la santé de l'Homme et de la planète ?
Certainement pas parce que, comme on le dit dans le commentaire off « ...les variétés anciennes, pourtant utilisées depuis toujours, sont désormais interdites à la vente ». Commentaire au demeurant ridicule car bon nombre de ces variétés ne sont plus utilisées depuis longtemps.
C'est essentiellement parce qu'il y a des acteurs de la filière qui ont décidé de rester dans l'illégalité par principe – dans certains cas en la revendiquant haut et fort comme étendard commercial.
La réglementation ne serait-elle pas suffisamment adaptée ? Il nous semble que des améliorations sont encore possibles, mais à la marge et pour un segment extrêmement limité de l'activité de production agricole et horticole. Mais le problème majeur est la difficulté du dialogue – alors que du côté légal il y a pourtant en France un organisme interprofessionnel (bien sûr accusé d'être à la botte du grand capital...). Du côté de la contestation, il règne aussi une ambiance délétère, enfin une franche animosité [8].
...avec force usage de désinformation...
Il y a aussi la désinformation et, partant, l'enfermement dans une rhétorique paralysante et l'escalade d'engagement.
La contestation, suivie en cela par des médias naïfs, complaisants ou manipulateurs, met par exemple régulièrement en avant les exigences de distinction (une variété doit être nettement distincte des autres variétés), d'homogénéité (la variété doit être suffisamment homogène compte tenu de son régime de reproduction ou de multiplication) et de stabilité (la variété doit rester conforme à sa description à la suite de ses reproductions ou de multiplications successives). Elles seraient excessives et inadaptées.
Le Réseau Semences Paysannes a ainsi publié le 12 janvier 2009 un communiqué de presse dans lequel on peut lire [9] :
« Il [le nouveau régime pour les variétés de conservation] reste limité aux variétés anciennes, produites à de très faibles volumes, dans des aires géographiques limitées et dans le respect des règles d’homogénéité et de stabilité qui permettent aux semenciers de s’approprier une variété avec un Certificat d’Obtention Végétale. »
Il y a la rhétorique anticapitaliste – par euphémisme, altermondialiste – et aussi une réalité technique incontournable : le Règlement technique d’examen des variétés de conservation en vue de leur inscription au catalogue officiel des espèces et variétés de plantes cultivées, publié le 13 janvier 2009, prévoit ce qui suit [10]
« Le règlement technique d’examen pour l’espèce considérée s’applique. Toutefois, si le niveau d'homogénéité est déterminé sur la base des plantes aberrantes, une norme de population de 10 % et une probabilité d'acceptation d'au moins 90 % s'appliquent.
En ce qui concerne la fluctuation intra-variétale, les experts l’examineront au regard du niveau d’homogénéité qui s’appliquait à l’époque d’utilisation de la dite variété. »
Une norme de population de 10 %, c'est dix fois plus que pour les variétés commerciales de plantes autogames. Cette tolérance est pourtant reconnue par le Réseau Semences Paysannes dans un autre document, à l'intention des membres, également de janvier 2009 [11].
Il y a donc manifestement une double communication...
Le publireportage nous offre un autre exemple. M. Ananda Guillet déclare en effet :
« Il n'y a que les hybrides qui peuvent répondre à ces critères [la DHS] concrètement [...] il n'y a que les hybrides F1 ou les OGM [...] parce qu'ils sont tous hypermégastables, ils vont lever tous le même jour... »
On ne peut qu'hésiter entre l'éclat de rire et le haut-le-corps, selon qu'on considère qu'il s'agit de l'étalage d'une formidable incompétence ou d'un bonimensonge dénué de tout scrupule.
...sous couvert de soutiens politiques irresponsables
Et dire qu'il y a des municipalités qui croient faire un geste pour la biodiversité en s'approvisionnant en semences et plants chez des gens qui se considèrent les Robin des bois de la semence... Il y a pourtant des acteurs de cette filière qui sont en mesure de se conformer à la loi et qui le font.
Le publireportage nous apprend aussi que Semences Del Païs est sous le coup d'une amende de l'ordre de 45.000 € que l'entreprise n'a pas acquittée... Bienveillance administrative ?
Kokopelli a été condamné de manière similaire pour avoir commercialisé des semences non inscrites dans le catalogue officiel, peine confirmée en cassation en février 2008. Opinion publiquement exprimée de Madame la Secrétaire d'État à l'Écologie de l'époque, Nathalie Kosciusko-Morizet [12] :
« J'ai dit clairement qu'il fallait réfléchir à un éventuel dédit de l'Etat, pour que l'association n'ait pas à payer et surtout à un amendement pour régler le problème [...] Nous en avons discuté avec Jean-louis Borloo. »
Ce sera sans commentaire désobligeant. Le fait est que l'amende n'a jamais été payée selon le publireportage, et que M. Guillet en tire avantage (il aurait tort de ne pas le faire).
De bien belles prétentions de gestion des ressources génétiques
La publicité gratuite, ça ne peut pas faire de mal. En des temps maintenant anciens, Mme Kosciusko-Morizet n'avait pas hésité à affirmer qu'en préservant, prétendument, des variétés anciennes, Kokopelli « remplit une mission de service public » [12]. Dans l'informercial de France 2, Kokopelli est donc, selon M. Guillet, « connu internationalement pour le travail qu'on fait ».
C'est que, selon la voix off :
« Kokopelli reçoit des graines de toute la planète qu'elle redistribue dans le monde entier pour qu'elles continuent d'être cultivées... 650 tomates, 200 piments, 150 courges... Aujourd'hui le magasin d'Ananda compte 2200 variétés... »
Et il faudrait, selon M. Guillet, que
« les gens commencent à se rendre compte de ce qu'on est en train de perdre... malgré le travail de Kokopelli... »
En fait, le monde n'a pas attendu Kokopelli, dont l'activité principale, à une échelle bien plus modeste que ne le laisse entendre le commentaire dithyrambique en voix off, est de faire commerce de semences. De semences d'origines diverses, en profitant parfois du travail des autres (ce qu'on ne saurait reprocher, n'était-ce la comm') [13].
La Réserve mondiale de semences du Svalbard. Pour l'altermonde c'est évidemment une conspiration des multinationales de la Semence et de M. Bill Gates, dont la fondation a contribué au financement de cette installation qui conserve des échantilons de sauvegarde (backup).
Qu'une variété ne soit plus commercialisée ne signifie pas qu'elle ait disparu. Cela fait bien longtemps que la préservation des ressources génétiques a été organisée sur le plan national – certes d'une manière qui n'échappe pas à la critique – et sur le plan international [14]. Du reste, une partie du fond variétal de Kokopelli provient, directement ou indirectement, des banques de gènes. Les obtenteurs (producteurs de variétés, péjorativement appelés « semenciers ») maintiennent aussi des collections de ce qui constitue pour eux la matière première de leurs travaux de création variétale.
Et il y a... les catalogues officiels. Pour inscrire une variété nouvelle, il faut vérifier qu'elle est distincte des variétés existantes, donc disposer d'une collection de référence. En France [15],
« les experts du GEVES [Groupe d'Etude et de Contrôle des Variétés et des Semences] s'appuient notamment sur les collections de référence. Parmi elles, plus de 24000 variétés potagères, conservées en chambre froide à Brion et Cavaillon, 30 400 variétés agricoles, conservées au Magneraud, et quelques 1100 autres variétés conservées en champ ou en serres, surtout ornementales et aromatiques. »
Quant aux variétés commercialisées, il y en a par exemple 478 – toutes distinctes, c'est vérifié – sur le catalogue officiel français pour la tomate. Il faut leur ajouter celles qui sont accessibles en France du fait du catalogue européen (une compilation des catalogues nationaux), lequel ne comporte que... 3855 entrées pour la tomate. Certes, ce n'est pas la même gamme que pour Kokopelli.
La promotion de l'irresponsabilité phytosanitaire, agronomique et éthique
Kokopelli remplissant une « mission de service public » ? S'assurant que des variétés « continuent d'être cultivées » ?
Il y a pire dans la tartarinade. Ainsi, complaisamment produit par FranceTVInfo [2] :
« La campagne “Semences sans Frontières” de l’association Kokopelli, réseau international d’échange de graines, s'est ainsi donné pour mission de "répondre à l’appel des communautés rurales des pays les plus pauvres, par l’envoi de semences biologiques de variétés potagères libres de droits et reproductibles". »
Il n'en demeure pas moins que cette entreprise s'adonne à des échanges internationaux de semences – tout comme d'autres. Le troisième personnage du publireportage, M. Roland Feuillas, le boulanger de Cucugnan, dit avoir ramené des semences de blé de Palestine dans un sac à dos.
Ces activités se font manifestement en dehors du cadre très strict de la législation phytosanitaire dont l'objectif est, évidemment, de prévenir autant que faire se peut la dissémination des ravageurs liés aux semences.
On peut aussi s'interroger sur le sens des responsabilités quand Kokopelli diffuse des variétés, a priori adaptées aux conditions de culture françaises, en Afrique ou en Amérique du Sud.
Et, en conséquence, sur le sens des responsabilités des journalistes.
Par ailleurs, la mouvance alter et anti se fait généralement très bruyante sur les « droits des agriculteurs » qui seraient reconnus par l'article 9 du Traité International sur les Ressources Phytogénétiques pour l'Alimentation et l'Agriculture (TIRPAA), notamment, sur « le droit de participer équitablement au partage des avantages découlant de l'utilisation des ressources » dès lors que celle-ci est le fait de « semenciers » [16]. Nous mettons le conditionnel ici car il y a pléthore de bémols :
« 9.2 Les Parties contractantes conviennent que la responsabilité de la réalisation des Droits des agriculteurs, pour ce qui est des ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, est du ressort des gouvernements. En fonction de ses besoins et priorités, chaque Partie contractante devrait, selon qu'il convient et sous réserve de la législation nationale, prendre des mesures pour protéger et promouvoir les Droits des agriculteurs [...] »
Quelle mesure les intervenants ont-ils prises pour les variétés récupérées, d'une manière ou d'une autre, à l'étranger ?
Retour à Louis XI...
On approche de la fin du publireportage. Après s'être extasié sur la longueur des barbes d'un épi et la géométrie de l'autre, on s'exclame :
« ...là on est chez Louis XI, là. »
Puis :
« Tu te rends compte, tout ce temps perdu... »
Les téléspectateurs auront-ils pris la mesure de cette nostalgie ?
On peut en douter pour les producteurs. Car la voix off embraye :
« Les variétés paysannes pourraient-elles à nouveau nourrir l'humanité ? Pour l'instant, elles restent encore marginales. À peine 3000 hectares leur sont consacrés en France, 0,01 % des terres agricoles. »
On appréciera le « à nouveau » et le « encore »...
En fait, la voix off avait déjà donné un peu plus tôt une réponse à cette intéressante question :
« Les variétés paysannes alimentent de plus en plus les conversations dans le petit monde de l'agriculture écologique. »
Alimenter les conversations... c'est un bon début ! Et elle signalait vers la fin de cette épreuve pour un citoyen responsable que le rendement d'un champ de M. Feuillas allaient être de l'ordre de 20 quintaux/hectare, soit trois fois moins que la moyenne nationale [17]. S'ensuit un échange dans lequel on considère que c'est aussi rentable pour le paysan et, en résumé, qu'il faut promouvoir ce mode de production. Oui... les paysans-boulangers vont nourrir les Français... avec les rendements des années 1950.
Source : http://www.gnis.fr/index/action/page/id/794/title/Plus-de-rendement-plus-de-qualite
On conclura toutefois sur une note plus positive. Les activités liées aux variétés anciennes – bien organisées et bien gérées – ont un intérêt pour la gestion dynamique des ressources génétiques. Mais c'est là, manifestement, une thématique bien trop aride et ardue pour des journalistes en recherche d'audimat.
__________________
[1] http://seppi.over-blog.com/2015/09/glane-sur-la-toile-20-faire-pousser-des-legumes-sans-eau-c-est-possible.html
Sans les incontournables séquences publicitaires :
https://www.youtube.com/watch?v=nS43_mtqmX4
[3] http://www.minga.net/graines-del-pais-artisans-semenciers-dans-laude-adhere-a-minga/
[4] http://www.snj.fr/content/charte-d%E2%80%99%C3%A9thique-professionnelle-des-journalistes
[5] http://www.semencespaysannes.org/pourquoi_les_semences_paysannes_8.php
[6] Deux documents fort utiles du Groupement national interprofessionnel des semences et plants (GNIS) :
http://www.gnis.fr/images/documents/D0699.pdf
http://www.gnis.fr/files/distributionagricole/reunionstrategie/2014/visuels_Angers.pdf
[7] http://www.gnis.fr/index/action/page/id/257/title/Catalogues-francais
http://www.gnis.fr/files/environnement_regl/rt_productionvarietesconservation.pdf
[8] https://kokopelli-semences.fr/quoi_de_neuf/le_fonds_de_commerce_du_rsp
On peut aussi évoquer la guerre – c'est le mot qui convient – entre Kokopelli et Graines Baumaux, un acteur du côté clair de la graineterie. Les querelles juridiques ont bien sûr servi d'argument de vente pour le premier...
[10] http://www.gnis.fr/files/environnement_regl/rt_inscription_varietes_conservation.pdf?id=121613
[11] http://www.semencespaysannes.org/varietes_conservation_toute_petite_partie_rep_337.php
Pour ceux qui pensent que les références ci-dessus sont « teintées », voici, de la Ferme Sainte-Marthe, autre acteur de la semences de variétés anciennes :
http://lafermedesaintemarthe.blogspot.fr/2010/01/kokopellibaumaux.html
[14] Voir par exemple pour les céréales à paille :
http://www.lutopik.com/article/inra-conserve-graines-invente-bles-demain
[16] http://www.planttreaty.org/fr/content/article-xiv
Il va de soi que le monde de l'altersemence présente les dispositions de l'article 9 du TIRPAA comme une obligation impérative en passant tous les bémols sous silence.
[17] La comparaison n'est pas appropriée. Il faut prendre les rendements locaux comme comparateurs. Le rapport de 1 à 2 nous semble plus raisonnable.