Glané en kiosque (2) : Science...&Pseudo-sciences et les « idées reçues sur le bio »
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Trouvé ce matin, dans le rayon « sciences » (c'est souvent dans un coin, en bas ou tout en haut, les emplacements à hauteur d'yeux et portée de main sont prises par plus important), déjà dévoré !
Pour vous faciliter l'acte d'achat (vivement recommandé), c'est une revue au format proche du A5 (15 x 23 cm), à la couverture essentiellement blanche.
Science...&Pseudosciences est la revue de l'Association Française pour l'Information Scientifique (AFIS). Son numéro d'octobre comporte un dossier sur les « Idées reçues sur le bio ».
M. André Gallais, Professeur émérite de génétique et d'amélioration des plantes à AgroParisTech et membre de l'Académie d'agriculture de France, ouvre le dossier avec : « La principale variété de blé "bio" serait-elle génétiquement modifiée ? ». C'est l'histoire de la création de 'Renan', mise sur le marché en 1990 et qui reste, 25 ans après, la variété la plus cultivée en bio en France. Une histoire complexe, présentée de manière limpide, de « génie génétique » ne faisant pas appel à la transgénèse, mais à une batterie de techniques dites « classiques » et pourtant fort acrobatiques.
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'Renan' fut une des grandes réussites de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) – allons, une petite dose de nostalgie : à l'époque où il faisait de l'agronomie pour l'agriculture. Les gènes de résistance à des parasites et maladies qu'on a introduit dans 'Renan' et ses géniteurs expérimentaux par des méthodes que d'aucuns veulent aujourd'hui faire classer dans la catégorie de celles qui produisent des OGM (dit « cachés ») se retrouvent dans de nombreuses variétés modernes.
L'article se termine par une note optimiste(et réaliste) : le pain issu de 'Renan', de sa descendance, de ses cousins, etc. ne pose aucun problème de santé, malgré les « bricolages génétiques » qui sont directement ou indirectement à leur origine.
On peut voir le problème sous un autre angle : supposons que la technophobie parvienne à faire durcir la législation et que, fort logiquement, toutes ces variétés soient retirées du marché (pour des motifs d'ordre essentiellement politiciens dont se prévaut aujourd'hui la France pour refuser la culture de maïs GM) : quel pain mangerons nous ?
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M. Léon Guéguen, nutritioniste, Directeur de Recherches honoraire de l'INRA et membre émérite de l'Académie d'agriculture de France, nous propose un démontage de la méta-analyse de Baranski (Leifert) et al., « Higher antioxidant concentrations and less cadmium and pesticide residues in organically-grown crops: a systematic literature review and meta-analyses » (des concentrations plus élevées d'antioxydants et moins de cadmium et de pesticides dans les produits de l'agriculture biologique : un examen systématique de la littérature et méta-analyses) publiée dans le British Journal of Nutrition [1].
C'est intitulé : « Les fruits et légumes bio ne sont pas meilleurs pour la santé ».
C'est sans nul doute plus convivial que notre propre analyse de la méta-analyse, mais au final tout aussi assassin, sinon plus. M. Guéguen constate (comment pouvait-il faire autrement ?) qu'il s'agit d'une étude menée par « 18 auteurs [qui] sont tous des militants ou des sympathisants connus de l'agriculture biologique ». Que les principales conclusions de l'étude ne sont pas en contradiction majeure avec d'autres publications et « même plus restrictives puisqu'elles ne revendiquent que des différences concernant les polyphénols antioxydants des fruits, les protéines et les traces de cadmium des céréales et les résidus de pesticides de synthèse ».
« Puisse ce débat [sur les avantages comparatifs] être désormais clos... du moins si les faits constatés, et qui devraient maintenant être moins contestés, ne sont pas amplifiés ou déformés par certains militants inconditionnels ou par les médias ! »
Vœu pieux...
Petite digression : la décision du gouvernement écossais de demander que le territoire de l'Écosse soit exclu des autorisations de mise en culture actuellement en souffrance au niveau de la Commission européenne pour des maïs a suscité une vive correspondance, dont une lettre de félicitations et de soutien (qu'on peut trouver nauséabonde) signée par une trentaine de personnes. Première signature : M. Carlo Leifert... [3]
Source : http://www.contrepoints.org/2015/09/24/222943-20-raisons-de-ne-pas-consommer-bio-1ere-partie
Troisième volet, court et percutant, M. Jean-Paul Krivine, rédacteur en chef, s'interroge : « Croire le bio meilleur peut-il le rendre effectivement meilleur au goût ? » Réponse, bien entendu positive, y compris sur la base d'une expériences décrite plus en détail par un confrère en rationalisme [4].
Réponse bien entendu cohérente avec une observation que chacun peut faire en sens invers : pour certains, les médicaments les plus efficaces sont seut qui ont le plus de mal à passer le gosier...
On ajoutera que M. Louis-Marie Houdebine, Directeur de Recherches honoraire de l'INRA, a produit un petit article, « L'ére post OGM : le projet Genius de l'INRA », sur les nouvelles techniques d'amélioration des plantes – notamment l'édition de gènes.
C'est en fait un programme de recherche – peut-on oser le mot « participative » dont on ne saurait laisser le monopole à l'altermonde ? – dans le cadre d'un GIE (groupement d'intérêt scientifique) impliquant 30 partenaires et 300 personnels de recherche. Genius, c'est Genome ENgineering Improvement for Useful plants of a Sustainable agriculture [5].
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C'est une information résumée fort utile qui, toutefois, souffre à notre sens du politiquement correct d'une recherche publique à la dérive (voir l'analyse fort pertinente de M. Marcel Kuntz [6]), atteinte par le syndrome de Stockholm.
Déjà le titre... Non, l'ère des OGM, au sens classique, est loin d'être terminée. Et l'artifice sémantique est totalement inopérant. La Ligue française pour le relèvement de la moralité génétique – comprenez les « Faucheurs volontaires » – avait bien compris lorsqu'elle avait envahi les locaux de l'École normale supérieure de Lyon le 25 juin 2014 [6] [7].
« Cette initiative vise à maintenir la science et le savoir-faire national en matière de biotechnologies végétales. Et plus largement, il s'agit de garder une bonne place dans le marché international des semences. »
Comment ? On n'ose plus afficher une ambition de compétitivité internationale qu'après un objectif, somme toute hédoniste, d'acquisition de connaissances ? En fait, même pas... on ne cherche même pas à avancer, mais à « maintenir », sachant que quiconque n'avance pas, recule ou, carrément tombe !
Ce n'est pas, là, une critique adressée à l'auteur, mais plutôt un appel au sursaut national. À quand une communication responsable du niveau de celle de Rothamsted [8] ?
M. Houdebine nous apprend aussi que :
« La protection juridique des résultats repose sur la réglementation COV (Certificat d'Obtention Végétale), traditionnellement appliquée dans l'UE, plutôt que sur le brevetage qui offre aux agriculteurs moins de liberté dans la gestion de la semence. »
Enfer et damnation !
Cette stratégie est le fruit d'une idéologie débile et d'une méconnaissance totale des principes de la propriété intellectuelle.
Nous aurions pu écrire – en politiquement et socialement correct – qu'elle est fort intéressante et sans nul doute élaborée après mûre réflexion en tenant compte de tous les paramètres, mais que... néanmoins... si on ose suggérer... il conviendrait peut-être de considérer tel ou tel autre aspect. Nous préférons le coup de massue.
C'est débile !
En Europe, du fait de la Directive 98/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 juillet 1998 relative à la protection juridique des inventions biotechnologiques, il n'y a aucune différence, sur le plan des principes, entre le brevet et le COV s'agissant des possibilités dont disposent les agriculteurs [9]. Et, en pratique, quand il y a un brevet et un droit que le titulaire du brevet peut opposer à un acteur économique, le premier définit en toute liberté et indépendance (enfin presque) comment ce droit sera exercé à l'égard du second. C'est la base même de la propriété intellectuelle !
C'est aussi irresponsable !
Toutes les innovations qui émergeront du projet ne seront pas brevetables ou, si elles le sont, ne vaudront pas l'investissement dans la protection par brevet. Mais renoncer a priori, à la protection de celles qui la mérite, c'est accepter a priori l'inéluctable spoliation (qui n'en est pas une juridiquement puisqu'il n'y aura pas de protection) des intérêts des investisseurs du projet, y compris de la société française.
Produisons donc des résultats nouveaux – pour maintenir la science et le savoir-faire nationaux – que nous mettrons gracieusement dans le domaine public par le renoncement au brevet... pour que d'autres, plus agiles et moins contraints par la religion de la scientophobie, les transforment en outils de production... et en espèces sonnantes et trébuchantes...
On peut penser que cette politique annoncée aujourd'hui sera réévaluée demain, au pied du mur. Mais il serait bien plus judicieux de parler le langage de vérité aujourd'hui pour remettre la France sur les rails du dynamisme et du progrès.
Par ailleurs, selon l'article – qui, encore une fois, ne fait que rapporter une politique définie par les instances dirigeantes du projet :
« La publication des résultats se fera sans contrainte dès lors que les protections juridiques seront effectives. »
Pitié ! Si on renonce – par idéologie et sans égard pour l'intérêt national– au brevet, il n'est pas nécessaire d'imposer une quelconque contrainte aux publications...
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[1] http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC4141693/
[2] http://imposteurs.over-blog.com/2014/10/aliments-bio-ils-sont-beaux-les-biais-par-wackes-seppi.html
[3] http://sustainablepulse.com/2015/09/03/global-scientists-support-scottish-gm-crop-ban/#.VhY7LOztmko
[4] http://www.charlatans.info/news/L-effet-de-halo-sante
[5] http://www.genius-project.fr/le-projet/presentation
[6] http://www.contrepoints.org/2014/11/20/188812-ogm-la-recherche-publique-a-la-derive
[8] http://seppi.over-blog.com/2015/07/le-ble-gm-a-pheromone-est-provioirement-un-echec.html
[9] http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=CELEX:31998L0044&from=FR
« Article 11
1. Par dérogation aux articles 8 et 9, la vente ou une autre forme de commercialisation de matériel de reproduction végétal par le titulaire du brevet ou avec son consentement à un agriculteur à des fins d'exploitation agricole implique pour celui-ci l'autorisation d'utiliser le produit de sa récolte pour reproduction ou multiplication par lui-même sur sa propre exploitation, l'étendue et les modalités de cette dérogation correspondant à celles prévues à l'article 14 du règlement (CE) n° 2100/94. »