Guerre des boutons sur Wikipedia
La notice sur M. Christian Vélot finalement conservée
Un honneur à double tranchant
Ah qu'il est agréable d'avoir sa notice sur Wikipedia ! L'égo se gonfle, et c'est bien compréhensible ; plus ou moins, en proportion directe de la taille dudit égo avant l'entrée dans le panthéon électro-encyclopédique. Mais il est des cas où ce n'est pas forcément à son avantage.
M. Christian Vélot [1] y est entré en janvier 2008 [2]. Ça commence petitement : une fois passé l'identité professionnelle, on entre dans son activité militante – « impliqué dans le débat sur les OGM », « lanceur d'alerte », membre du conseil d’administration de la Fondation Sciences Citoyennes et témoin de la défense de « faucheurs volontaires ». Mais le canevas est posé : c'est le militant – et le militantisme – qui est retenu, non le scientifique.
Une notice dans Wikipedia n'est pas une hagiographie
C'est un terrain glissant. La notice fait l'objet de changements. M. Vélot y contribue du reste personnellement, en faisant preuve d'une transparence qui l'honore. Mais c'est plutôt mal vu dans la communauté des wikipédistes. Et il n'a pas toujours été inspiré. Ainsi, dans une version du 27 avril 2010, peut-on lire, ajouté de sa main [3] :
« Christian Vélot fait partie de ces [lanceurs d'alerte] qui œuvrent pour faire valoir la réalité de certains risques et engager des débats démocratiques là où l'obscurité et l'opacité sont de règle. »
Le 4 octobre 2010, M. Vélot enlève ce qui doit être considéré comme un complément à l'assertion précitée (ajouté par un contributeur référencé par une adresse IP le 29 août 2010) :
« Toutefois, ses positions sont très loin de faire l'unanimité parmi ses pairs, et son argumentaire contre les OGM a été analysé de manière critique sur la base de données scientifiques publiées [avec une référence au site Imposteurs]. »
Qu'y a-t-il de faux dans la double assertion précitée ? Rien. Était-ce la référence à Imposteurs – un article peu avantageux – qui gênait ? Peut-être. Toujours est-il que la double assertion, ou seulement la deuxième, est réintroduite. Le 8 octobre 2010, M. Vélot remplace la deuxième assertion par :
« Son argumentaire contre les OGM suscite de nombreuses réactions épidermiques de la part d'une frange de la communauté scientifique plus apte à le dénigrer sur internet qu'à venir débattre avec lui publiquement </ref>. » (C'est sans référence.)
Ce fut annulé dans la demi-heure qui suivit par DocteurCosmos avec pour commentaire :
« (pas de plaidoyer pro domo merci) ».
Une demande qui s'appliquait également à l'insistance mise par M. Vélot à ajouter les adresses des sites web du CRIIGEN, de l'ENSSER et de Sciences citoyennes.
Fin 2014-début 2015, la notice disait :
« Considéré comme un lanceur d'alerte par certains et comme un obscurantiste par d'autres... ».
C'était avec une référence à un article de Contrepoints (retiré pour cause de plainte en diffamation) et à un article plus ancien – cité, supprimé, recité...– d'Imposteurs. M. Vélot supprime la deuxième partie le 28 avril 2015. Il est donc seulement :
« Considéré comme un lanceur d'alerte... »
La notice n'a ainsi pu échapper à des modifications et contre-modifications entachées de militantisme et, parfois, de malveillance. Les « biographes » ont estimé important de relever que M. Vélot a été en délicatesse avec sa hiérarchie et qu'il a bénéficié d'un soutien sous forme de pétition. Il est, semble-t-il, constant (bien qu'aucune source ne soit citée) que la hiérarchie lui a reproché d'impliquer son institution dans ses prises de position publiques sur les OGM. Un contributeur a voulu citer un autre motif, « une très faible productivité (2 publications entre 2002 et 2007) », ce qui paraît plutôt mesquin (même si cela était exact [4]). Un autre a voulu doubler le « très » dans : « Toutefois, ses positions sont très très loin de faire l'unanimité parmi ses pairs ». Mais M. Vélot n'a-t-il pas fait état de « réactions épidermiques » ? C'est à notre sens le cas pour ces deux tentatives, en tout cas pour la deuxième.
La chamaillerie s'est transformée en guerre d'édition en juin-juillet 2015, ce qui a amené les gestionnaires du site à bloquer la page, tout en permettant à la guerre de se poursuivre. La page « discussion » est instructive sur l'acrimonie ambiante [5]. Morceau choisi (non daté, mais du 16, 17 ou 18 juin 2015) :
« Dites donc Karg se, je peux connaitre votre nom ou vous êtes sur liste d'attente pour vous faire greffer une paire de couilles. [...] Le fait de préciser que je suis fils de paysans indique que je connais bien le monde agricole où j'ai grandi, contrairement à mes détracteurs dont vous faites partie et qui, de toute évidence, s'y connaissent autant en agriculture que Liliane Bettancourt en transports en commun. [...] »
C'est signé... Un contributeur qu'on ne saurait qualifier de détracteur se prend aussi une bordée :
« Monsieur ou Madame le pseudo Chandres, [...] Les règles dont vous parlez seraient-elles à géométrie variable ? Alors, avant de prendre des grands airs de donneur ou donneuse de leçons, commencez par appliquer vous-même les fameuses règles dont vous parlez, et faire preuve d'un minimum de cohérence et de rigueur. »
En dernière analyse, la querelle portait essentiellement sur la question de savoir si les thèses de M. Vélot étaient controversées – ce qu'elles sont, y compris et surtout sur le plan scientifique – et elle s'est déplacée sur celle de savoir si le personnage l'était. Le personnage a sans nul doute fourni la réponse.
Le débat est byzantin et témoigne de la difficulté d'établir des notices sur le mode participatif quand les sources sont peu nombreuses (ou peu cherchées). Selon l'un :
« Le point de vue d'un journaliste du Monde n'est pas forcément plus admissible que celui d'un contributeur quelconque. Dans la description que vous mentionnez il n'y a pas vraiment d'information factuelle de nature encyclopédique il me semble. »
Et l'autre :
« Je n'ai pas de raison d'insister concernant spécifiquement l'article sur Christian Vélot mais d'une façon générale, le point de vue d'un journaliste qui publie dans un journal reconnu comme Le Monde est sans aucun doute plus « admissible » dans un article que celui d'un contributeur quelconque, c'est la base de Wikipédia. »
Or donc, M. Vélot est un lanceur d'alerte, parole de M. Pierre Le Hir dans un article du Monde dont on peut considérer, par euphémisme, qu'il est loin d'être neutre [6].
Sur les thèses, des articles de blogs sont admissibles pour les uns, pas pour d'autres. Ou bien, on s'interroge si un article de blog – cité comme référence – est suffisant. Le glissement n'est pas loin (le blog étant considéré comme un sous-genre mineur et de peu d'intérêt) :
« Je ne vois pas vraiment la différence entre le site Agriculture et environnement, qui est l’œuvre d'une seule personne, et un blog. »
Ne pourrait-on pas dire la même chose d'un article isolé d'un journaliste du Monde ?
Mais laissons la parole à M. Vélot :
« Et depuis quand considère-t-on qu'un torchon publié sur le blog de quelques allumés est une preuve ou une démonstration ? »
On se permettra de répondre – poliment – «toujours » ; enfin, depuis que les blogs existent. Lorsque l'assertion A est réfutée de manière étayée dans un article, on a un élément de démonstration quel que puisse être l'avis de l'auteur de l'assertion sur la nature de l'article et sur l'état mental des hébergeurs. La démarche scientifique s'intéresse à la démonstration en tant que telle, pas en fonction de son auteur.
Au vu de la situation, l'administration de Wikipedia a mis la suppression de la notice en discussion [7]. Seuls sont décomptés les avis des contributeurs réguliers, les interventions ponctuelles étant néanmoins reproduites. Il y eut une attaque personnelle de Karg SE et un départ de feu. À part cela, le débat fut plutôt courtois.
N'entretenons pas le suspense : la page a été maintenue.
Mais il est un autre élément qui doit attirer l'attention : M. Vélot a appelé au secours sur le site Cyberactions [8]. Il y a collé un texte de notice avec lequel il serait fondamentalement d'accord. Bien sûr rien que de l'avantageux...
C'est, pour l'appel à l'aide, avec des propos franchissant la ligne rouge :
« Je viens d’être alerté par un internaute concernant ma page wikipedia qui est susceptible d’être supprimée suite à des actions incessantes des mecs des imposteurs et autres pro-OGM qui continuent inlassablement leur travail de dénigrement. »
« ...des mecs des imposteurs... » ? Quelle obsession ! Il serait fort difficile à M. Vélot et ses amis de trouver des « mecs de... » dans l'historique de sa notice. Anticipons un peu : Karg SE n'est pas un « mec[...] de ».
En fait, la guerre d'édition commence à la suite de deux événements : d'une part, la suppression par M. Vélot des références aux critiques le 28 avril 2015 et, d'autre part, la publication de cet article à la destinée mouvementée qui prétendait dévoiler « la stratégie de diffamation du lobby OGM » sur Mediapart et qui jetait des noms en pâture avec une incroyable légèreté [9].
Lien de causalité ? Peut-être. C'est un certain Kevin Volt qui met le feu aux poudres le 20 mai 2015 par une modification (la réinsertion des références aux critiques). Elle est supprimée par M. Vélot le lendemain.
La tempête est déclenchée.
C'est l'occasion de revenir sur la thèse du complot, de la « stratégie de diffamation du lobby OGM », et plus particulièrement la prétendue activité délictueuse de Karg SE.
Karg SE, dont le sexe (ou faut-il maintenant dire genre ?) a été mis en doute par M. Vélot comme nous l'avons vu ci-dessus, a alors une année de contributions à Wikipedia à son actif, ayant commencé le 20 mai 2014 ; il se concentrait sur des articles scientifiques dans sa branche [10]. Et dire que M. Vélot a également mis en doute ses compétences...
Sa première intervention sur la notice de M. Vélot n'est que du 1er juin 2015, après que son identité ait été désignée à la vindicte de la militance anti-OGM. Pensez donc ! En plus de ternir – dans la seule imagination de ce journaliste qui a prétendu produire une enquête inédite – l'e-réputation de certains personnages, il « est passé chez Monsanto et Syngenta entre 2009 et 2010 »...
Il est vrai que Karg SE a beaucoup contribué à l'article sur « Long term toxicity of a Roundup herbicide and a Roundup-tolerant genetically modified maize », le fameux article de Séralini et al. sur les rats. Selon le grand enquêteur, « [s]ur l’encyclopédie, il source régulièrement ses propos à partir du blog Imposteurs.org. »
Nous avons vérifié. Ce que visiblement M. ... n'a pas fait ; c'est pourtant facile, même si c'est fastidieux. Oui, il est arrivé à Karg SE de citer Imposteurs sur « long term... », mais à propos de la sensibilité anti-OGM de M. Gérard Mulliez... et en citant aussi Mediapart (certes, c'est M. Yann Kindo) et l'Expansion. Mais il est sans doute sacrilège de citer Imposteurs... même si celui-ci cite longuement l'Expansion pour en tirer la substantifique moelle. Imposteurs, dans cette affaire, c'était essentiellement l'Expansion par procuration.
Karg SE a aussi insisté pour ajouter M. Hervé Kempf dans la liste des journalistes qui « n'ont pas caché leur scepticisme face à cette étude » [11]. Sacrilège ! Pas lui ! Notons cependant que M. Kempf ne contribue pas à Imposteurs.
Karg SE a aussi contribué à la notice de M. Gilles-Éric Séralini. Lors de sa première intervention, le 25 juin 2014, Imposteurs y était cité deux fois... mais par le fait de quelqu'un d'autre, en l'occurrence de Clément, le 24 septembre 2012. Les références ont fini par disparaître.
Karg SE a en revanche cité Imposteurs dans la discussion sur la notice. C'était pour signaler que Sevene Pharma avait son siège à la même adresse qu'une association qui a fait parler d'elle, et que ce n'est pas sans importance. Ce qu'il cite, c'est des droits de réponse de l'entreprise et de l'association (de la même personne écrivant une fois pour l'une et l'autre fois pour l'autre). On ose espérer que ces droits de réponse ne sont pas frappés d'infamie pour cause de publication dans Imposteurs...
En résumé, l'accusation lancée avec insolence et légèreté est dénuée de tout fondement. Et nous pensons qu'elle a largement contribué à la controverse sur la notice de M. Vélot.
C'est l'histoire de l'arroseur arrosé, certes par porte-plume interposé.
Comme le relate Agriculture-Environnement [12], une stratégie d'intimidation des rationalistes a été mise en place au sein de la mouvance anti-OGM. L'arme principale c'est la menace de poursuites judiciaires et le dépôt de plaintes ; de l'autre côté de l'Atlantique, ce sont les demandes de documents en vertu du Freedom of Information Act, dans l'espoir qu'une bonne pêche permette d'embrayer sur un dénigrement médiatique. De ce côté-ci, le dénigrement médiatique a été largement entamé.
Cette affaire de notice biographique nous offre un dérapage de plus. Était-il vraiment opportun de rameuter une partie de la mouvance sur Cyberacteurs alors que les avis des contributeurs de passage postés sur Wikipedia n'allaient pas être pris en compte ? L'objectif n'était-il pas de dénigrer les « mecs des imposteurs et autres pro-OGM » à bon compte sur ce forum ?
On peut aussi considérer qu'il s'est agi d'une initiative intempestive, irréfléchie. Mais ce serait gratifier son auteur de manque de jugement.
En tout cas, il est loin le temps des arguments scientifiques et même pseudo-scientifiques. Même s'il faut admettre que, le sujet des OGM n'étant pas sur la table, ces arguments n'ont guère d'impact aujourd'hui (sauf à entretenir une certaine hostilité vis-à-vis des OGM) [13].
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Les contributeurs sont tenus de ne pas participer à une guerre d’édition sous peine de blocage.
Cette page a subi récemment une guerre d’édition au cours de laquelle plusieurs contributeurs ont mutuellement annulé leurs modifications respectives. Ce comportement non collaboratif est proscrit par la règle dite des trois révocations. En cas de désaccord, un consensus sur la page de discussion doit être obtenu avant toute modification.
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Les gestionnaires de Wikipedia ont annoncé le 12 août 2015 qu'ils maintenaient la page [7].
Raison invoquée : « consensus » – défense de rire ! – « pour la conservation appuyée par des sources centrées (Le Monde et Libération) ».
Nous nous en réjouissons. Une page de Wikipedia est toujours une base de départ pour des recherches.
Mais force est de constater que la version en ligne (en date du 12 août 2015 à 19:06) est... fausse ! M. Vélot n'est plus vice-président de l'ENSSER. On peut comprendre son irritation quand il corrige pour la énième fois (voir la page « discussion »). On lui recommandera dès lors de rester courtois quand il fera la n + unième correction.
__________________
[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_V%C3%A9lot
[2] https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Christian_V%C3%A9lot&diff=next&oldid=25225780
[3] Partir de :
https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Christian_V%C3%A9lot&limit=250&action=history&tagfilter=
[4] Le motif « non-publiant » est évoqué ici :
http://rue89.nouvelobs.com/2007/11/13/un-chercheur-remercie-apres-avoir-pris-position-sur-les-ogm
[5] https://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Christian_V%C3%A9lot
[6] http://www.lesjardinsdeceres.net/IMG/pdf/Portrait_le_Monde.pdf
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Discussion:Christian_V%C3%A9lot/Suppression
[8] http://www.cyberacteurs.org/blog/?p=1951
[9] Voir les liens (de nos écrits, on ne va quand même pas faire la promotion de leur...) ici :
http://seppi.over-blog.com/2015/08/strategies-d-intimidation-et-de-diffamation-des-anti-ogm.html
M. Kempf avait conclu :
« L'étude publiée le 19 septembre marque un tournant dans la carrière de M. Séralini. Si sa qualité est validée, il prendra une nouvelle stature. Sinon… »
L'étude n'a pas été validée loin de là... et M. Séralini est toujours là, dans le paysage politique et médiatique.
[12] http://agriculture-environnement.fr/a-la-une/article/la-gue%CC%81rilla-judiciaire-du-lobby-vert
[13] Le Monde se charge de maintenir la pression anti-OGM.
Dans « L’agriculture kényane prend le chemin des OGM », du 25 août 2015, le correspondant à Nairobi cite longuement M. Justus Lavi [Mwololo], secrétaire général du Forum des petits fermiers du Kenya (KESSFF), qui débite le bréviaire anti-OGM, y compris les pires sornettes.
Dans « Mexique : le maïs OGM à nouveau autorisé, les cuisiniers protestent », du 27 août 2015, le journal – avec AFP, autre haut-lieu de la désinformation anti-OGM – donne la parole à des cuisiniers qui ont l'autorité scientifique nécessaire pour affirmer : « La culture de ces produits porte atteinte à la diversité de nos maïs (cultivés) localement et met en danger leur existence .» Sur la première partie de l'information, on n'en saura pas plus que : « Le 19 août dernier, un juge a annulé la mesure de précaution en vigueur depuis 2013.