Le Séralini nouveau est enfin arrivé, mais...
...avec les « compliments » du personnel de PlosOne
Nous avons vu dans un billet précédent que la publication de la dernière étude de l'équipe de M. Séralini, prévue pour le 17 juin 2015, avait été retardée en dernière minute, ce qui avait passablement contrarié l'opération de comm' [1]. Et aussi permis à Mme Corinne Lepage, présidente d'honneur et membre du CRIIGEN et par voie de conséquence affligée d'un lien d'intérêts, de dénoncer, certes sur le mode interrogatif, la main invisible « de groupes ou d’entreprises qui ne voient pas d’un bon œil la publication d’une telle information ».
Il convient de démentir sans attendre cette insinuation : Mme Lepage a, encore une fois, eu faux.
L'article a été publié le 2 juillet 2015, les auteurs ayant répondu aux demandes du personnel de PlosOne [2].
Cette publication a fait l'objet d'un événement extraordinaire : le Groupe Plos One, par la voix des « éditeurs internes », s'est envoyé un « commentaire de lecteurs ». En voici le texte :
«Alors que cet article était en production, le personnel d'édition interne a identifié un certain nombre d'éléments qui ne sont pas, [comme cela] [contrairement à ce qui] [3] a été rapporté, conformes à la politique éditoriale de la revue. En conséquence, le traitement de l'article a été suspendu pendant que l'équipe d'édition donnait suite aux points suivants :
Disponibilité des données – Les données brutes sous-tendant l'étude n'avaient pas été incluses avant la mise en production du manuscrit.
Conflits d'intérêts – La déclaration des conflits d'intérêts divergents ne comprenait pas un certain nombre d'éléments dont les éditeurs considéraient qu'ils devaient être déclarés conformément aux règles de PLOS sur les conflits d'intérêts.
Résumé – Des parties du résumé ont été considérées comme exagérément spéculatives ; les éditeurs ont demandé la suppression des éléments non directement liés aux résultats rapportés.
Les éditeurs regrettent que les éléments ci-dessus n'aient pas été identifiés plus tôt dans le traitement du manuscrit. La version publiée de l'article incorpore les modifications apportées au résumé et les déclarations sus-mentionnées qui ont été demandées par l'équipe de rédaction interne.
Intérêts concurrents déclarés: commentaire posté par le personnel de Plos One.
Cela appelle trois constatations :
1. Les motifs de la suspension de la publication étaient bien plus importants que ce que certains des auteurs ont laissé entendre (le résumé et la déclaration sur les conflits d'intérêts). Une fois encore, on ne peut que s'étonner que les données brutes n'aient pas été livrées avec le manuscrit.
2. Le système de peer review, de contrôle par les pairs, a, encore une fois, failli. Faut-il le formuler différemment, de manière plus agressive ? La pseudoscience – car il s'agit essentiellement de cela – bénéficie d'un réseau qui lui permet d'infiltrer et de polluer la vraie science.
3. Le personnel éditorial de Plos One s'est rebellé. Extraordinaire !
Les éditeurs internes ont obtenu que l'équipe de M. Séralin en dise plus sur ses financements, en fait passés, et qu'elle dévoile les liens avec Sevene Pharma.
L'article tel qu'il se présente à l'heure où nous écrivons comporte des remerciements pour l'« appui » du CRIIGEN, de la Fondation JMG, de Léa Nature, des Fondations Charles-Léopold Mayer pour le Progrès de l'Homme, Nature Vivante, Denis Guichard, Malongo, du Conseil régional de Rhône-Alpes, du Conseil régional d'Ile-de-France pour les travaux sur les perturbateurs endocriniens, de l'Institut Bio Forschung Austria et de la Sustainable Food Alliance états-unienne. Tout cela pour une étude qui aurait coûté quelque 50.000 € [4]...
Il comporte également un encadré qui décrit les financements de l'étude en question et des études passées, avec des éléments plus détaillés (exhaustifs ?) sur les liens avec Sevene Pharma. Enfin, il y a un étonnant encadré selon lequel :
« [...] Les auteurs ont déclaré qu'il n'y avait pas de conflits d'intérêts. »
Cette déclaration ne figurait pas dans la version initiale dont la publication avait été suspendue. Son apparition soudaine, en même temps que l'admission implicite de liens d'intérêts avec une entreprise comme Sevene Pharma, a de quoi surprendre encore plus.
Nous avons été deux à réagir auprès de Plos One : M. Marc Robinson-Réchavi, professeur de bioinformatique à l’Université de Lausanne et à l’Institut Suisse de Bioinformatique, et blogueur de bonne obédience [5], et votre serviteur. Les éditeurs internes ont répondu qu'il y avait eu une erreur et qu'il allait y avoir des corrections.
Il est peu probable que la révision soit d'envergure. Or le problème est que des sources de financement importantes n'ont pas été signalées : Auchan, Carrefour, Greenpeace...
On peut très légitimement se poser des questions...
Cela n'a pas été relevé par le personnel de Plos One, mais est-il déontologiquement correct que deux auteurs se réclament uniquement du CRIIGEN ? L'un est le directeur général délégué de l'entreprise AdGène Laboratoire, laquelle a notamment pour spécialité la recherche d'OGM dans l'alimentation humaine et animale. L'autre est médecin généraliste.
The quality of diets in rodent feeding trials is crucial. We describe the contamination with environmental pollutants of 13 laboratory rodent diets from 5 continents. Measurements were performed using accredited methodologies. All diets were contaminated with pesticides (1-6 out of 262 measured), heavy metals (2-3 out of 4, mostly lead and cadmium), PCDD/Fs (1-13 out of 17) and PCBs (5-15 out of 18). Out of 22 GMOs tested for, Roundup-tolerant GMOs were the most frequently detected, constituting up to 48% of the diet. The main pesticide detected was Roundup, with residues of glyphosate and AMPA in 9 of the 13 diets, up to 370 ppb. The levels correlated with the amount of Roundup-tolerant GMOs. Toxic effects of these pollutants on liver, neurodevelopment, and reproduction are documented. The sum of the hazard quotients of the pollutants in the diets (an estimator of risk with a threshold of 1) varied from 15.8 to 40.5. Thus the chronic consumption of these diets can be considered at risk. |
Le résumé a été amputé de considérations « exagérément spéculatives » selon les éditeurs internes de Plos One :
« Le taux de base élevé de pathologies chez les rongeurs de laboratoire pourrait être dû à des contaminants alimentaires. Ceci invalide l'utilisation de contrôles externes (données historiques) dans les tests réglementaires, consistant en des comparaisons des effets toxicologiques avec des rats d'autres expériences, parce que ces rats témoins ont été nourris avec des mélanges différents de polluants. Ceci pose aussi la question de l'utilisation de 50 rats par groupe dans les études de cancérogénicité pour augmenter la puissance statistique perdue en raison de l'arrière-plan pathologique élevé. »
Droit au but : cette amputation invalide un élément essentiel de la comm' anxiogène et iconoclaste.
Droit au but également : pas grand chose. En fait, quand on lit les commentaires de chercheurs compétents [6] : rien.
Rien, sinon que les croquettes pour rongeurs de laboratoires contiennent quelques résidus de pesticides, des traces de métaux lourds quasi ubiquitaires, et des éléments permettant de tracer des OGM dont on sait par ailleurs qu'ils ne présentent aucun risque supplémentaire par rapport à leur contrepartie non-OGM. Tout cela à des niveaux qui n'ont rien de préoccupant.
Et donc :
________________
[2] http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0128429
[3] Ce texte nous paraît très ambigu et admettre les deux traductions ! Nous penchons pour la deuxième version, n'ayant pas vu d'article penchant dans le sens de la conformité, et ayant vu, au contraire, des déclarations minimisant l'importance des points de friction... sans compter la main invisible de Mme Lepage...
[5] http://toutsepassecommesi.cafe-sciences.org/
http://www.hebdo.ch/les-blogs/robinson-rechavi-marc-soci%C3%A9t%C3%A9-le-sens-du-vivant
[6] On en trouvera sur l'excellent Genetic Literacy Project :
Ils sont repris de :
Deux commentaires ont été postés sur le site de Plos One sur la question des données brutes.
Voici celui de M. Bill Price, statisticien, Université de l'Idaho :
« ...l'article ne contient pas de "données brutes" comme prescrit par les directives de Plos One pour la soumission d'articles. Dans l'article, les auteurs affirment : "L'échantillonnage en trois exemplaires a été précisément réalisé selon les directives 2002/63/CE" ; et: "les résidus de 262 pesticides (voir le tableau 1 pour la liste détaillée) ont été mesurés une fois par échantillon..." Pourtant, les données supplémentaires ne contiennent pas de valeurs en triple par échantillon, seulement ce qui semble être des informations sommaires.
« Comme les auteurs laissent entendre que leur travail remet en question tous les essais sur animaux, passés et futurs, fondés sur une alimentation contrôlée, il est de la plus haute importance qu'ils produisent les données brutes du niveau de base concernant toutes les réponses, de sorte que la communauté scientifique puisse évaluer de manière approfondie le travail. J'ose espérer qu'ils le feront rapidement. »
Cela rappelle furieusement le tintamarre sur les données brutes de la fameuse étude sur les rats : non publiées et non mises à la disposition de l'ANSES.