Le Séralini nouveau est/n'est pas arrivé (rayez la mention inutile)
L'Arlésienne a une concurrente : la Caennaise
Branle-bas de combat médiatique ! M. Gilles-Éric Séralini vient de publier une nouvelle étude. Euh... non ! La publication de l'article, programmée pour le 18 juin 2015, aurait été déprogrammée sine die la veille par l’éditeur scientifique de la revue internationale PlosOne [1].
Moyennant quoi un nombre croissant de médias français en parlent ; le démarrage est toutefois lent, les grands journaux se faisant, semble-t-il, circonspects. Beaucoup, certes, emploient le conditionnel et les circonlocutions de rigueur – de rigueur même si l'« étude » avait été publiée – et alimentent le big bazar du doute sur la sécurité alimentaire.
La main invisible de l'industrie
Moyennant quoi aussi Mme Corinne Lepage, présidente d’honneur du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), la boutique à laquelle se rattache M. Séralini, peut agiter le statut de martyr [1] :
« Une fois de plus, y a-t-il eu pression de la part de groupes ou d’entreprises qui ne voient pas d’un bon œil la publication d’une telle information ? ».
Oh, c'est sous la forme interrogative... mais personne n'est dupe.
Si nous avons mis des italiques, c'est qu'elle a été citée. Nous aurions cru La Croix plus sérieuse.
Car, à l'évidence, le meilleur service que l'industrie pouvait rendre à elle-même et à la société toute entière, c'était de publier l'« étude » pour permettre aux chercheurs compétents – et même aux blogueurs – de la démolir.
Observons toutefois que si PlosOne s'est – est-il allégué – rétracté en dernière minute, l'équipe de M. Séralini n'a pas trouvé le moyen de publier son « étude » d'une autre manière. Mais cela a renforcé sa communication...
Qu'a donc trouvé l'équipe de M. Séralini ?...
Reprenons de la Croix :
« Pour cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé 13 échantillons communs de croquettes pour rats. Ils ont trouvé les traces de 262 pesticides, 17 dioxines et furanes, 18 PCB, 4 métaux lourds et 22 OGM. »
On n'en saura guère plus. Mais ce sont des « traces »...[ajout 1 ci-dessous]
Cela ressemble furieusement à d'autres « études » réalisées pour le compte d'organisations militantes telles que Génération Futures ou Greenpeace [2]. La mystérieuse « étude » dont il est question ici est peut-être de nature tout à fait différente ; elle est peut-être solidement charpentée. On ne peut qu'émettre des suppositions vu qu'elle n'a pas été publiée... alors qu'on – y compris les auteurs – en parle.
FR3 Basse-Normandie ajoute [3] :
« Les résidus du Roundup et ses génériques, ont été détectés dans 9 des 13 régimes, et 11 d’entre eux contenaient des OGM avec lesquels ce Roundup est amplement utilisé. »
...avec quelles implications ?
Or donc :
« La présence, dans les rations alimentaires fournies pour les rats de laboratoires utilisés pour les tests de toxicité, de pesticides, de métaux lourds, de dioxines et de PCBs à des quantités pouvant induire une toxicité est une découverte majeure de la dernière étude de l’équipe de l’Université de Caen du Professeur G E Séralini. En effet, cette contamination pourrait bien être une des causes de la fréquence élevée de pathologies trouvées dans les groupes de rats ‘contrôles’ utilisés dans divers tests de toxicité.
« La comparaison de ces groupes contrôles avec les groupes de rats exposés au produit dont la toxicité est étudiée est donc possiblement faussée par les pathologies potentiellement induites par la contamination des rations alimentaires des rats du groupe contrôle. Il y a donc un risque de sous-estimation de la toxicité réelle des produits étudiés. C’est cette même fréquence élevées de pathologies chez les rats du groupe contrôle qui oblige à utiliser 50 rats par groupe dans les études de carcinogénicité, afin d’augmenter la puissance statistique, ce qui augmente considérablement le coût de ces études et les rend moins facile à réaliser. »
C'est Générations futures qui communique... avec une référence à l'article... qui n'a pas été publié [4]. Manifestement, c'est un copier-coller : difficile de croire, en effet, que l'organisation de M. François Veillerette ait pu produire un tel résumé de l'« étude » le jour même où celle-ci aurait dû être publiée outre-Atlantique (décalage horaire...).
Digression : source mystérieuse
Le site GMOSeralini.org a aussi publié un billet citant un communiqué de presse du CRIIGEN comme source [5]. Curieusement, ce communiqué n'a pas été posté sur le site du CRIIGEN.
Et ce billet est bien plus anxiogène :
« Ces résultats sont accablants. Toutes les rations contenaient des concentrations importantes de plusieurs de ces produits, à des niveaux susceptibles de causer des maladies graves et de perturber le système hormonal et nerveux des animaux. Cela cache les effets du produit testé. Par exemple, des résidus du pesticide le plus utilisé dans le monde, consistant en glyphosate et des adjuvants hautement toxiques, tel le Roundup, ont été détectés dans 9 des 13 rations. Onze des 13 rations contenaient des OGM cultivés avec de grandes quantités de Roundup. »
Tout (ou presque) au conditionnel !
Résumé intéressant, pour Générations Futures !
« ...découverte majeure... » ? Mon œil ! Pour trouver, en moyenne, des traces de 10 pesticides par ration, il a fallu pousser les machines à leur dernière extrémité.
« ...à des quantités pouvant induire une toxicité... » ? Il nous semble que Générations futures n'ait pas agité le spectre de la toxicité avec autant de vigueur sur la base de ses propres études ; on est dans l'escalade. Il faut aussi s'arrêter un instant sur cette phraséologie : ces quantités soit induisent, soit n'induisent pas une toxicité. On est bien dans le registre de l'enfumage.
Tout le résumé, sauf son introduction, est sur le mode hypothétique. Ce sont « des quantités pouvant induire une toxicité » ; c'est une « contamination [qui] pourrait bien être une des causes... » ; la comparaison « est donc possiblement faussée » ; « [i]l y a donc un risque de sous-estimation de la toxicité réelle des produits étudiés ».
Il y a bien pire : quels sont les scientifiques qui, ayant trouvé des résidus de produits – quels qu'ils soient – dans une ration d'animaux de laboratoire concluraient que ces résidus ont un effet négatif sur la santé des animaux du simple fait de leur présence ?
Faut-il s'en amuser ou s'en offusquer ?
Nous penchons pour la deuxième proposition.
Au-delà de la question de la sémantique, il y a deux observations simples. D'une part, si on compare un groupe de témoins empoisonnés (c'est ce qui est allégué...) et un groupe subissant en théorie le même niveau d'empoisonnement de base mais recevant un poison supplémentaire, alors on doit bien, par différence, mesurer l'effet du poison supplémentaire. D'autre part, on nous fournit la réponse à la lancinante question de la puissance statistique : pour compenser les pertes en cours de route, on augmente le nombre de rats au départ pour en avoir encore suffisamment à l'arrivée.
Ce sont peut-être là des considérations taillées à la serpe. Mais les nuances éventuelles ne sont pas de nature à valider la thèse qui nous est proposée.
Cela mène à une conclusion paradoxale : l'équipe de M. Séralini aurait ainsi démontré que son « étude » précédente, publiée, dépubliée et republiée dans un journal de série Z, et fondée sur des groupes de dix rats... ne vaut pas un clou.
FR3 Basse-Normandie s'est essayé à un début de discussion scientifique :
« Lorsqu'il a publié son étude tonitruante en 2012 sur la toxicité des OGM sur les rats, ses détracteurs lui avaient rétorqué que les rats présentaient naturellement des tumeurs mammaires et que son étude ne prouvait rien du tout. Alors, le professeur caennais a voulu comprendre pourquoi ces animaux de laboratoire sont prédisposés à développer de nombreuses pathologies :
-
13 à 71% des animaux eux présenteraient spontanément ou naturellement des tumeurs mammaires
-
26 à 93% des tumeurs hypophysaires
-
Le fonctionnement des reins de ces animaux serait fréquemment déficient.
L’origine de ces pathologies est-elle génétique ou bien relève-t-elle de l’influence de l’environnement ? »
Là encore, on tombe à la renverse. Il suffit de bien lire les intervalles [ajout 2 ci-dessous]. Et ces animaux de laboratoire, c'étaient des Sprague-Dawley... des animaux connus pour être, génétiquement, de santé très fragile. Le professeur caennais a feint de ne pas le savoir...
Mais qui a financé ?
Selon la Croix :
« À noter que ce travail, qui a coûté plusieurs millions d’euros, a bénéficié du soutien des régions Île-de-France et Rhône-Alpes ainsi que des Fondations Lean Nature et Charles Léopold Mayer. En revanche, les scientifiques ont essuyé un refus tant de la part de l’Etat que de l’Europe. »
Ça sent l'enfumage. Des millions d'euros pour analyser 13 rations d'animaux de laboratoire ? Même en supposant qu'on ait essayé de trouver les résidus les plus improbables ?
La blogosphere anglophone est plus critique. Certains semblent avoir eu accès à une prépublication. Science 2.0 rapporte que l'« étude » a été financée par les donateurs habituels, ainsi que par la Sustainable Food Alliance (SFA) [6].
C'est ce qu'on appelle une étude « indépendante »...
Une réaction de Monsanto
C'est plus percutant que dans le cas de la lamentable opération de comm' de Mme Royal sur le glyphosate dans les jardineries :
« Cette étude induit les lecteurs en erreur de manière irresponsable en insinuant des conclusions que les auteurs n'ont même pas testées et en jetant le doute sur toutes les études de toxicologie conduites sur des rongeurs jusqu'à présent, y compris la leur. »
Cela semble être une conclusion très pertinente.
__________________
[2] Par exemple, pour une critique de « Menus toxiques » de Générations Futures :
Pour une critique de « Pommes empoisonnées – Mettre fin à la contamination des vergers par les pesticides grâce à l’agriculture écologique », le dernier morceau de bravoure de Greenpeace :
http://seppi.over-blog.com/2015/06/on-ne-se-refuse-rien-chez-greenpeace.html
Les références ci-dessus n'impliquent aucune opinion a priori sur la qualité de l'« étude » examinée dans ce billet.
[4] http://www.generations-futures.fr/ogm/contamination-aliment-rat-seralini/
Mesnage R, Defarge N, Rocque L-M, Spiroux de Vendômois J, Séralini G-E (2015), Laboratory Rodent Diets Contain Toxic Levels of Environmental Contaminants: Implications for [manquant] Regulatory Tests. PLoS ONE 10(6): e0128429. doi:10.1371/journal.pone.0128429
Voir aussi :
http://www.geneticliteracyproject.org/2015/06/18/organic-industry-and-other-funders-behind-seralinis-anti-gmo-studies/
[7] http://www.foodnavigator.com/Science/New-Seralini-study-questions-legitimacy-of-GM-safety-data
Ajout 1
Nous avons trouvé ce qui semble être le dossier de presse du CRIIGEN ici :
Voici ce qu'il dit :
« Travaillant sur cette question, l’équipe du Professeur Gilles-Éric Séralini de l’Université de Caen, soutenue par le CRIIGEN, a analysé avec des méthodes normalisées et avec l’aide de laboratoires accrédités la nourriture des animaux de laboratoire. Cette alimentation provenant des cinq continents est habituellement considérée comme équilibrée et hygiénique. L’étude menée est d’une ampleur exceptionnelle; elle s’est attachée à rechercher dans 13 échantillons communs de croquettes pour rats les traces de 262 pesticides, 4 métaux lourds, 17 dioxines et furanes, 18 PCB et 22 OGM.
Les résultats sont accablants : tous les lots de croquettes contiennent des concentrations non négligeables de plusieurs de ces produits, à des niveaux susceptibles de causer des pathologies graves et de perturber le système hormonal ou nerveux des animaux. Cela masque les effets secondaires des produits testés. Par exemple, les résidus du principal pesticide du monde, à base de glyphosate et d’adjuvants très toxiques, tel le Roundup et ses génériques, ont été détectés dans 9 des 13 régimes, et 11 d’entre eux contenaient des OGM avec lesquels ce Roundup est amplement utilisé. »
Résumé :
CRIIGEN : « nous avons cherché 262 pesticides
La Croix : « ils ont trouvé 262 pesticides.
L'information est vraiment de qualité...
Ajout 2
L'explication du propos est donnée ici :
Ce qui est critiqué, c'est une clé de décision – en fait utilisée dans certains cas – en matière de toxicologie. Quand un essai montre une différence statistiquement significative entre le lot traité et le lot témoin, on peut être amené à rejeter la signification toxicologique de la différence si elle tombe dans l'intervalle des « valeurs historiques ».
L'argument développé dans l'article non encore publié est que les valeurs historiques proviennent d'essais très divers dans lesquels les animaux ont reçu une alimentation très variable en termes de niveaux et de types de contaminants. Il n'est (ne serait) donc pas surprenant que cette variabilité massive et non contrôlée débouche sur des incidences de maladies ou d'effets toxiques s'inscrivant dans un très large intervalle.
En l'absence de la publication, il n'est pas possible d'en dire plus. Sinon qu'il s'agit de spéculations, l'équipe Séralini n'ayant procédé qu'à une analyse de la composition de croquettes pour animaux de laboratoire. Et que cela a des relents d'objectifs politiques : décrédibiliser les procédures d'autorisation.
L'Arlésienne a une concurrente : la Caennaise
Branle-bas de combat médiatique ! M. Gilles-Éric Séralini vient de publier une nouvelle étude. Euh... non ! La publication de l'article, programmée pour le 18 juin 2015, aurait été déprogrammée sine die la veille par l’éditeur scientifique de la revue internationale PlosOne [1].
Moyennant quoi un nombre croissant de médias français en parle. Beaucoup, certes, emploient le conditionnel et les circonlocutions de rigueur – de rigueur même si l'« étude » avait été publiée – et alimentent le big bazar du doute sur la sécurité alimentaire.
La main invisible de l'industrie
Moyennant quoi aussi Mme Corinne Lepage, présidente d’honneur du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), la boutique à laquelle se rattache M. Séralini, peut agiter le statut de martyr [1] :
« Une fois de plus, y a-t-il eu pression de la part de groupes ou d’entreprises qui ne voient pas d’un bon œil la publication d’une telle information ? ».
Oh, c'est sous la forme interrogative... mais personne n'est dupe.
Si nous avons mis des italiques, c'est qu'elle a été citée. Nous aurions cru La Croix plus sérieuse.
Car, à l'évidence, le meilleur service que l'industrie pouvait rendre à elle-même et à la société toute entière, c'était de publier l'« étude » pour permettre aux chercheurs compétents – et même aux blogueurs – de la démolir.
Observons toutefois que si PlosOne s'est – est-il allégué – rétracté en dernière minute, l'équipe de M. Séralini n'a pas trouvé le moyen de publier son « étude » d'une autre manière. Mais cela a renforcé sa communication...
Qu'a donc trouvé l'équipe de M. Séralini ?...
Reprenons de la Croix :
« Pour cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé 13 échantillons communs de croquettes pour rats. Ils ont trouvé les traces de 262 pesticides, 17 dioxines et furanes, 18 PCB, 4 métaux lourds et 22 OGM. »
On n'en saura guère plus. Mais ce sont des « traces »...
Cela ressemble furieusement à d'autres « études » réalisées pour le compte d'organisations militantes telles que Génération Futures ou Greenpeace [2]. La mystérieuse « étude » dont il est question ici est peut-être de nature tout à fait différente ; elle est peut-être solidement charpentée. On ne peut qu'émettre des suppositions vu qu'elle n'a pas été publiée... alors qu'on – y compris les auteurs – en parle.
FR3 Basse-Normandie ajoute [3] :
« Les résidus du Roundup et ses génériques, ont été détectés dans 9 des 13 régimes, et 11 d’entre eux contenaient des OGM avec lesquels ce Roundup est amplement utilisé. »
...avec quelles implications ?
Or donc :
« La présence, dans les rations alimentaires fournies pour les rats de laboratoires utilisés pour les tests de toxicité, de pesticides, de métaux lourds, de dioxines et de PCBs à des quantités pouvant induire une toxicité est une découverte majeure de la dernière étude de l’équipe de l’Université de Caen du Professeur G E Séralini. En effet, cette contamination pourrait bien être une des causes de la fréquence élevée de pathologies trouvées dans les groupes de rats ‘contrôles’ utilisés dans divers tests de toxicité.
« La comparaison de ces groupes contrôles avec les groupes de rats exposés au produit dont la toxicité est étudiée est donc possiblement faussée par les pathologies potentiellement induites par la contamination des rations alimentaires des rats du groupe contrôle. Il y a donc un risque de sous-estimation de la toxicité réelle des produits étudiés. C’est cette même fréquence élevées de pathologies chez les rats du groupe contrôle qui oblige à utiliser 50 rats par groupe dans les études de carcinogénicité, afin d’augmenter la puissance statistique, ce qui augmente considérablement le coût de ces études et les rend moins facile à réaliser. »
C'est Générations futures qui communique... avec une référence à l'article... qui n'a pas été publié [4]. Manifestement, c'est un copier-coller : difficile de croire, en effet, que l'organisation de M. François Veillerette ait pu produire un tel résumé de l'« étude » le jour même où celle-ci aurait dû être publiée outre-Atlantique (décalage horaire...).
Digression : source mystérieuse
Le site GMOSeralini.org a aussi publié un billet citant un communiqué de presse du CRIIGEN comme source [5]. Curieusement, ce communiqué n'a pas été posté sur le site du CRIIGEN.
Et ce billet est bien plus anxiogène :
« Ces résultats sont accablants. Toutes les rations contenaient des concentrations importantes de plusieurs de ces produits, à des niveaux susceptibles de causer des maladies graves et de perturber le système hormonal et nerveux des animaux. Cela cache les effets du produit testé. Par exemple, des résidus du pesticide le plus utilisé dans le monde, consistant en glyphosate et des adjuvants hautement toxiques, tel le Roundup, ont été détectés dans 9 des 13 rations. Onze des 13 rations contenaient des OGM cultivés avec de grandes quantités de Roundup. »
Tout (ou presque) au conditionnel !
Résumé intéressant, pour Générations Futures !
« ...découverte majeure... » ? Mon œil ! Pour trouver, en moyenne, des traces de 10 pesticides par ration, il a fallu pousser les machines à leur dernière extrémité.
« ...à des quantités pouvant induire une toxicité... » ? Il nous semble que Générations futures n'ait pas agité le spectre de la toxicité avec autant de vigueur sur la base de ses propres études ; on est dans l'escalade. Il faut aussi s'arrêter un instant sur cette phraséologie : ces quantités soit induisent, soit n'induisent pas une toxicité. On est bien dans le registre de l'enfumage.
Tout le résumé, sauf son introduction, est sur le mode hypothétique. Ce sont « des quantités pouvant induire une toxicité » ; c'est une « contamination [qui] pourrait bien être une des causes... » ; la comparaison « est donc possiblement faussée » ; « [i]l y a donc un risque de sous-estimation de la toxicité réelle des produits étudiés ».
Il y a bien pire : quels sont les scientifiques qui, ayant trouvé des résidus de produits – quels qu'ils soient – dans une ration d'animaux de laboratoire concluraient que ces résidus ont un effet négatif sur la santé des animaux du simple fait de leur présence ?
Faut-il s'en amuser ou se déclarer choqué ?
Nous penchons pour la deuxième proposition.
Au-delà de la question de la sémantique, il y a deux observations simples. D'une part, si on compare un groupe de témoins empoisonnés (c'est ce qui est allégué...) et un groupe subissant en théorie le même niveau d'empoisonnement de base mais recevant un poison supplémentaire, alors on doit bien, par différence, mesurer l'effet du poison supplémentaire. D'autre part, on nous fournit la réponse à la lancinante question de la puissance statistique : pour compenser les pertes en cours de route, on augmente le nombre de rats au départ pour en avoir encore suffisamment à l'arrivée.
Ce sont peut-être là des considérations taillées à la serpe. Mais les nuances éventuelles ne sont pas de nature à valider la thèse qui nous est proposée.
Cela mène à une conclusion paradoxale : l'équipe de M. Séralini aurait ainsi démontré que son « étude » précédente, publiée, dépubliée et republiée dans un journal de série Z, et fondée sur des groupes de dix rats... ne vaut pas un clou.
FR3 Basse-Normandie s'est essayé à un début de discussion scientifique :
« Lorsqu'il a publié son étude tonitruante en 2012 sur la toxicité des OGM sur les rats, ses détracteurs lui avaient rétorqué que les rats présentaient naturellement des tumeurs mammaires et que son étude ne prouvait rien du tout. Alors, le professeur caennais a voulu comprendre pourquoi ces animaux de laboratoire sont prédisposés à développer de nombreuses pathologies :
-
13 à 71% des animaux eux présenteraient spontanément ou naturellement des tumeurs mammaires
-
26 à 93% des tumeurs hypophysaires
-
Le fonctionnement des reins de ces animaux serait fréquemment déficient.
L’origine de ces pathologies est-elle génétique ou bien relève-t-elle de l’influence de l’environnement ? »
Là encore, on tombe à la renverse. Il suffit de bien lire les intervalles. Et ces animaux de laboratoire, c'étaient des Sprague-Dawley... des animaux connus pour être, génétiquement, de santé très fragile. Le professeur caennais a feint de ne pas le savoir...
Mais qui a financé ?
Selon la Croix :
« À noter que ce travail, qui a coûté plusieurs millions d’euros, a bénéficié du soutien des régions Île-de-France et Rhône-Alpes ainsi que des Fondations Lean Nature et Charles Léopold Mayer. En revanche, les scientifiques ont essuyé un refus tant de la part de l’Etat que de l’Europe. »
Ça sent l'enfumage. Des millions d'euros pour analyser 13 rations d'animaux de laboratoire ? Même en supposant qu'on ait essayé de trouver les résidus les plus improbables ?
La blogosphere anglophone est plus critique. Certains semblent avoir eu accès à une prépublication. Science 2.0 rapporte que l'« étude » a été financée par les donateurs habituels, ainsi que par la Sustainable Food Alliance (SFA) [6].
C'est ce qu'on appelle une étude « indépendante »...
Une réaction de Monsanto
C'est plus percutant que dans le cas de la lamentable opération de comm' de Mme Royal sur le glyphosate dans les jardineries :
« Cette étude induit les lecteurs en erreur de manière irresponsable en insinuant des conclusions que les auteurs n'ont même pas testées et en jetant le doute sur toutes les études de toxicologie conduites sur des rongeurs jusqu'à présent, y compris la leur. »
Cela semble être une conclusion très pertinente.
__________________
[2] Par exemple, pour une critique de « Menus toxiques » de Générations Futures :
Pour une critique de « Pommes empoisonnées – Mettre fin à la contamination des vergers par les pesticides grâce à l’agriculture écologique », le dernier morceau de bravoure de Greenpeace :
http://seppi.over-blog.com/2015/06/on-ne-se-refuse-rien-chez-greenpeace.html
Les références ci-dessus n'impliquent aucune opinion a priori sur la qualité de l'« étude » examinée dans ce billet.
[4] http://www.generations-futures.fr/ogm/contamination-aliment-rat-seralini/
Mesnage R, Defarge N, Rocque L-M, Spiroux de Vendômois J, Séralini G-E (2015), Laboratory Rodent Diets Contain Toxic Levels of Environmental Contaminants: Implications for [manquant] Regulatory Tests. PLoS ONE 10(6): e0128429. doi:10.1371/journal.pone.0128429
Voir aussi :
http://www.geneticliteracyproject.org/2015/06/18/organic-industry-and-other-funders-behind-seralinis-anti-gmo-studies/
[7] http://www.foodnavigator.com/Science/New-Seralini-study-questions-legitimacy-of-GM-safety-data
L'Arlésienne a une concurrente : la Caennaise
Branle-bas de combat médiatique ! M. Gilles-Éric Séralini vient de publier une nouvelle étude. Euh... non ! La publication de l'article, programmée pour le 18 juin 2015, aurait été déprogrammée sine die la veille par l’éditeur scientifique de la revue internationale PlosOne [1].
Moyennant quoi un nombre croissant de médias français en parle. Beaucoup, certes, emploient le conditionnel et les circonlocutions de rigueur – de rigueur même si l'« étude » avait été publiée – et alimentent le big bazar du doute sur la sécurité alimentaire.
La main invisible de l'industrie
Moyennant quoi aussi Mme Corinne Lepage, présidente d’honneur du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (CRIIGEN), la boutique à laquelle se rattache M. Séralini, peut agiter le statut de martyr [1] :
« Une fois de plus, y a-t-il eu pression de la part de groupes ou d’entreprises qui ne voient pas d’un bon œil la publication d’une telle information ? ».
Oh, c'est sous la forme interrogative... mais personne n'est dupe.
Si nous avons mis des italiques, c'est qu'elle a été citée. Nous aurions cru La Croix plus sérieuse.
Car, à l'évidence, le meilleur service que l'industrie pouvait rendre à elle-même et à la société toute entière, c'était de publier l'« étude » pour permettre aux chercheurs compétents – et même aux blogueurs – de la démolir.
Observons toutefois que si PlosOne s'est – est-il allégué – rétracté en dernière minute, l'équipe de M. Séralini n'a pas trouvé le moyen de publier son « étude » d'une autre manière. Mais cela a renforcé sa communication...
Qu'a donc trouvé l'équipe de M. Séralini ?...
Reprenons de la Croix :
« Pour cette nouvelle étude, les chercheurs ont analysé 13 échantillons communs de croquettes pour rats. Ils ont trouvé les traces de 262 pesticides, 17 dioxines et furanes, 18 PCB, 4 métaux lourds et 22 OGM. »
On n'en saura guère plus. Mais ce sont des « traces »...
Cela ressemble furieusement à d'autres « études » réalisées pour le compte d'organisations militantes telles que Génération Futures ou Greenpeace [2]. La mystérieuse « étude » dont il est question ici est peut-être de nature tout à fait différente ; elle est peut-être solidement charpentée. On ne peut qu'émettre des suppositions vu qu'elle n'a pas été publiée... alors qu'on – y compris les auteurs – en parle.
FR3 Basse-Normandie ajoute [3] :
« Les résidus du Roundup et ses génériques, ont été détectés dans 9 des 13 régimes, et 11 d’entre eux contenaient des OGM avec lesquels ce Roundup est amplement utilisé. »
...avec quelles implications ?
Or donc :
« La présence, dans les rations alimentaires fournies pour les rats de laboratoires utilisés pour les tests de toxicité, de pesticides, de métaux lourds, de dioxines et de PCBs à des quantités pouvant induire une toxicité est une découverte majeure de la dernière étude de l’équipe de l’Université de Caen du Professeur G E Séralini. En effet, cette contamination pourrait bien être une des causes de la fréquence élevée de pathologies trouvées dans les groupes de rats ‘contrôles’ utilisés dans divers tests de toxicité.
« La comparaison de ces groupes contrôles avec les groupes de rats exposés au produit dont la toxicité est étudiée est donc possiblement faussée par les pathologies potentiellement induites par la contamination des rations alimentaires des rats du groupe contrôle. Il y a donc un risque de sous-estimation de la toxicité réelle des produits étudiés. C’est cette même fréquence élevées de pathologies chez les rats du groupe contrôle qui oblige à utiliser 50 rats par groupe dans les études de carcinogénicité, afin d’augmenter la puissance statistique, ce qui augmente considérablement le coût de ces études et les rend moins facile à réaliser. »
C'est Générations futures qui communique... avec une référence à l'article... qui n'a pas été publié [4]. Manifestement, c'est un copier-coller : difficile de croire, en effet, que l'organisation de M. François Veillerette ait pu produire un tel résumé de l'« étude » le jour même où celle-ci aurait dû être publiée outre-Atlantique (décalage horaire...).
Digression : source mystérieuse
Le site GMOSeralini.org a aussi publié un billet citant un communiqué de presse du CRIIGEN comme source [5]. Curieusement, ce communiqué n'a pas été posté sur le site du CRIIGEN.
Et ce billet est bien plus anxiogène :
« Ces résultats sont accablants. Toutes les rations contenaient des concentrations importantes de plusieurs de ces produits, à des niveaux susceptibles de causer des maladies graves et de perturber le système hormonal et nerveux des animaux. Cela cache les effets du produit testé. Par exemple, des résidus du pesticide le plus utilisé dans le monde, consistant en glyphosate et des adjuvants hautement toxiques, tel le Roundup, ont été détectés dans 9 des 13 rations. Onze des 13 rations contenaient des OGM cultivés avec de grandes quantités de Roundup. »
Tout (ou presque) au conditionnel !
Résumé intéressant, pour Générations Futures !
« ...découverte majeure... » ? Mon œil ! Pour trouver, en moyenne, des traces de 10 pesticides par ration, il a fallu pousser les machines à leur dernière extrémité.
« ...à des quantités pouvant induire une toxicité... » ? Il nous semble que Générations futures n'ait pas agité le spectre de la toxicité avec autant de vigueur sur la base de ses propres études ; on est dans l'escalade. Il faut aussi s'arrêter un instant sur cette phraséologie : ces quantités soit induisent, soit n'induisent pas une toxicité. On est bien dans le registre de l'enfumage.
Tout le résumé, sauf son introduction, est sur le mode hypothétique. Ce sont « des quantités pouvant induire une toxicité » ; c'est une « contamination [qui] pourrait bien être une des causes... » ; la comparaison « est donc possiblement faussée » ; « [i]l y a donc un risque de sous-estimation de la toxicité réelle des produits étudiés ».
Il y a bien pire : quels sont les scientifiques qui, ayant trouvé des résidus de produits – quels qu'ils soient – dans une ration d'animaux de laboratoire concluraient que ces résidus ont un effet négatif sur la santé des animaux du simple fait de leur présence ?
Faut-il s'en amuser ou se déclarer choqué ?
Nous penchons pour la deuxième proposition.
Au-delà de la question de la sémantique, il y a deux observations simples. D'une part, si on compare un groupe de témoins empoisonnés (c'est ce qui est allégué...) et un groupe subissant en théorie le même niveau d'empoisonnement de base mais recevant un poison supplémentaire, alors on doit bien, par différence, mesurer l'effet du poison supplémentaire. D'autre part, on nous fournit la réponse à la lancinante question de la puissance statistique : pour compenser les pertes en cours de route, on augmente le nombre de rats au départ pour en avoir encore suffisamment à l'arrivée.
Ce sont peut-être là des considérations taillées à la serpe. Mais les nuances éventuelles ne sont pas de nature à valider la thèse qui nous est proposée.
Cela mène à une conclusion paradoxale : l'équipe de M. Séralini aurait ainsi démontré que son « étude » précédente, publiée, dépubliée et republiée dans un journal de série Z, et fondée sur des groupes de dix rats... ne vaut pas un clou.
FR3 Basse-Normandie s'est essayé à un début de discussion scientifique :
« Lorsqu'il a publié son étude tonitruante en 2012 sur la toxicité des OGM sur les rats, ses détracteurs lui avaient rétorqué que les rats présentaient naturellement des tumeurs mammaires et que son étude ne prouvait rien du tout. Alors, le professeur caennais a voulu comprendre pourquoi ces animaux de laboratoire sont prédisposés à développer de nombreuses pathologies :
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13 à 71% des animaux eux présenteraient spontanément ou naturellement des tumeurs mammaires
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26 à 93% des tumeurs hypophysaires
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Le fonctionnement des reins de ces animaux serait fréquemment déficient.
L’origine de ces pathologies est-elle génétique ou bien relève-t-elle de l’influence de l’environnement ? »
Là encore, on tombe à la renverse. Il suffit de bien lire les intervalles. Et ces animaux de laboratoire, c'étaient des Sprague-Dawley... des animaux connus pour être, génétiquement, de santé très fragile. Le professeur caennais a feint de ne pas le savoir...
Mais qui a financé ?
Selon la Croix :
« À noter que ce travail, qui a coûté plusieurs millions d’euros, a bénéficié du soutien des régions Île-de-France et Rhône-Alpes ainsi que des Fondations Lean Nature et Charles Léopold Mayer. En revanche, les scientifiques ont essuyé un refus tant de la part de l’Etat que de l’Europe. »
Ça sent l'enfumage. Des millions d'euros pour analyser 13 rations d'animaux de laboratoire ? Même en supposant qu'on ait essayé de trouver les résidus les plus improbables ?
La blogosphere anglophone est plus critique. Certains semblent avoir eu accès à une prépublication. Science 2.0 rapporte que l'« étude » a été financée par les donateurs habituels, ainsi que par la Sustainable Food Alliance (SFA) [6].
C'est ce qu'on appelle une étude « indépendante »...
Une réaction de Monsanto
C'est plus percutant que dans le cas de la lamentable opération de comm' de Mme Royal sur le glyphosate dans les jardineries :
« Cette étude induit les lecteurs en erreur de manière irresponsable en insinuant des conclusions que les auteurs n'ont même pas testées et en jetant le doute sur toutes les études de toxicologie conduites sur des rongeurs jusqu'à présent, y compris la leur. »
Cela semble être une conclusion très pertinente.
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[2] Par exemple, pour une critique de « Menus toxiques » de Générations Futures :
Pour une critique de « Pommes empoisonnées – Mettre fin à la contamination des vergers par les pesticides grâce à l’agriculture écologique », le dernier morceau de bravoure de Greenpeace :
http://seppi.over-blog.com/2015/06/on-ne-se-refuse-rien-chez-greenpeace.html
Les références ci-dessus n'impliquent aucune opinion a priori sur la qualité de l'« étude » examinée dans ce billet.
[4] http://www.generations-futures.fr/ogm/contamination-aliment-rat-seralini/
Mesnage R, Defarge N, Rocque L-M, Spiroux de Vendômois J, Séralini G-E (2015), Laboratory Rodent Diets Contain Toxic Levels of Environmental Contaminants: Implications for [manquant] Regulatory Tests. PLoS ONE 10(6): e0128429. doi:10.1371/journal.pone.0128429
Voir aussi :
http://www.geneticliteracyproject.org/2015/06/18/organic-industry-and-other-funders-behind-seralinis-anti-gmo-studies/
[7] http://www.foodnavigator.com/Science/New-Seralini-study-questions-legitimacy-of-GM-safety-data