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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le Brésil autorise l'importation de farine du blé GM HB4 tolérant à la sécheresse

13 Novembre 2021 Publié dans #OGM

Le Brésil autorise l'importation de farine du blé GM HB4 tolérant à la sécheresse

 

 

La photo montre la grande résilience (tolérance à la sécheresse) d'une variété de blé Bioceres portant le gène HB4 (à gauche) par rapport à une variété traditionnelle sans HB4 (à droite).

(Source)

 

 

Le blé HB4 porte un facteur, HaHB4, obtenu du tournesol, qui lui confère une résistance à la sécheresse et à la salinité (qui est équivalente du point de vue physiologique à la sécheresse).

 

Nous lui avons consacré plusieurs billets sur ce blog, en particulier « Des variétés génétiquement modifiées (OGM) pour lutter contre la sécheresse et le sel », qui présentait des résultats d'essais.

 

 

Figure 1 : Réponse relative du rendement en grains des lignées de blé et de soja transgéniques dans différents environnements.

Pour chaque espèce (triangles pour le soja et carrés pour le blé), les symboles représentent la combinaison de (i) la différence de température moyenne de chaque site par rapport à la moyenne des environnements (ordonnée), et (ii) le bilan hydrique relatif (RWB) de chaque site (abscisse), soit RWB=(Précipitations+Irrigation-PET)/PET (PET : évapotranspiration potentielle).

La variation du rendement relatif en grains (RGY) a été calculée comme suit : RGY = (GYtg-GYwt)/GYwt (GYtg : rendement des variétés transgéniques ; GYwt : rendement des variétés conventionnels) et exprimée en pourcentage (valeurs à côté des symboles).

Les différentes couleurs représentent trois situations :

(i) différence de rendement de 5 % ou plus en faveur des transgéniques : RGY ≥ 5 % (GYtg > Gywt) : symboles de couleurs, la couleur identifiant le groupe environnemental correspondant :

  • rouge : sec et chaud

  • vert : humide et chaud

  • violet : sec et frais

  • bleu : humide et frais

(ii) différence de rendement de 5 % ou plus en faveur des conventionnelles : RGY ≤ –5 % (GYwt > GYtg), symboles noirs, et

(iii) résultats sensiblement équivalents : –5 % < RGY < 5% (GYtg = GYwt), symboles blancs.

(Source)

 

 

Pour autant que nous ayons pu le déterminer, ce blé est l'œuvre d'un partenariat public-privé avec, d'un côté, en particulier, Mme Raquel Lia Chan, Instituto de Agrobiotecnología del Litoral, Universidad Nacional del Litoral—CONICET, Facultad de Bioquímica y Ciencias Biológicas, Santa Fe, Argentina, et, de l'autre, les entreprises Bioceres et Florimond Desprez, qui ont créé la société Trigall Genetics afin de développer et commercialiser en Amérique du Sud des variétés de blé incorporant des biotechnologies de seconde génération.

 

Florimond Desprez ? Une entreprise française, bientôt centenaire, qui représente aujourd'hui l'aboutissement d'une longue lignée de sélectionneurs/obtenteurs et qui n'est plus tout à fait une PME. Elle a trouvé dans l'hémisphère sud des cieux plus propices pour sa recherche-développement de pointe.

 

L'Argentine a approuvé le blé HB4 en octobre 2020 – voir « Une année perdue ? Pas pour les OGM ! ». Il était prévu à l'époque que ce blé ne serait commercialisé qu'une fois approuvé par le Brésil, le principal marché d'exportation du blé argentin.

 

C'est chose faite depuis le 11 novembre 2021.

 

La Commission Technique Nationale de Biosécurité (CTNBio) brésilienne a approuvé à l'unanimité les conditions de biosécurité pour la farine obtenue à partir du blé HB4. La décision a été fondée sur un processus réglementaire complet. Celui-ci a impliqué le développement de méthodologies de pointe pour répondre aux préoccupations concernant le risque allergénique et démontrer l'équivalence du point de vue de la sécurité du blé HB4 par rapport à son homologue conventionnel. Il comprenait également l'utilisation de données OMICS.

 

Relevons ici le soin pris à l'évaluation : le blé HB4 ne diffère du blé conventionnel que par le facteur HaHB4, provenant d'une autre plante cultivée, et par une tolérance au glufosinate qui a servi de marqueur de sélection.

 

Mais...

 

World-Grain.com rapporte que Bioceres ne commercialisera pas le blé HB4 avant que d'autres importateurs importants ne l'aient approuvé.

 

En outre, l'approbation brésilienne ne vaut que pour la farine.

 

Il est difficile de croire que la raison en est d'éviter les « sementes de Maradona », nom qui fut donné aux semences GM de soja arrivées au Brésil depuis l'Argentine « par la main de Dieu ». Les frontières sont en effet trop poreuses.

 

Mais on peut penser que c'est une réponse à l'association brésilienne des industries du blé, Abitrigo, et aux importateurs qui se sont opposés à l'autorisation par crainte de réactions négatives des consommateurs.

 

Abitrigo avait déjà menacé de ne plus acheter de blé argentin si les ventes de blé résistant à la sécheresse étaient autorisées au Brésil, et de se tourner vers d'autres pays pour s'approvisionner. Le Brésil consomme annuellement 12 à 13 millions de tonnes de blé et en importe 6 à 7 millions, dont 80 % en provenance d'Argentine.

 

Elle a déclaré à Reuters qu'elle demanderait au bureau du président de convoquer un comité national de biosécurité pour examiner la décision et qu'elle évaluait également les options juridiques pour la contester.

 

On peut trouver cette posture irresponsable, tant les gesticulations de l'industrie ont pour effet autoréalisateur de susciter des craintes auprès des consommateurs.

 

Bioceres a déclaré :

 

« Cette approbation constitue une étape majeure vers la mise en place de systèmes agricoles résistants au changement climatique qui utilisent le blé comme élément clé de la rotation des cultures. Le blé est un aliment de base pour des milliards de personnes dans le monde, et une espèce qui est restée orpheline dans la sphère de la biotechnologie bien qu'elle soit cultivée sur 200 millions d'hectares dans le monde. »

 

Bioceres est prêt à passer à l'étape suivante. Le blé HB4 est cultivé cette saisons sur 55.000 hectares en vue de la constitution de stocls de semences.

 

En décembre 2018, nous avions publié un article du Réseau Mondial d'Agriculteurs, « L'avenir du blé tolérant à la sécheresse est proche », signé Heather Baldock, une agricultrice de l'Australie-Méridionale. Il s'ouvrait par :

 

« J’ai vu l’avenir du blé, et ce fut en Argentine. »

 

Cet avenir ? Reste à surmonter les hésitations, les préventions, les craintes et les gesticulations. L'annonce de la décision brésilienne par Bioceres sur Twitter est suivie de commentaires qui jalonnent le champ de la contestation. Tous les arguments éculés y passeront, à commencer par les dangers du glufosinate ammonium, herbicide utilisé comme crible de sélection.

 

Buena suerte, trigo HB4 !

 

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H
Un de ces articles fondamentaux et plein d'espoir qu'on aimerait voir relayé dans la presse généraliste mais bien entendu qui sera passé sous silence.
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