Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La pétoche « précautionniste » de l'Union Européenne sous le feu de la critique à l'OMC

27 Juillet 2019 , Rédigé par Seppi Publié dans #Divers

La pétoche « précautionniste » de l'Union Européenne sous le feu de la critique à l'OMC

 

 

Ce billet, écrit il y a quelque temps, a besoin d'une nouvelle introduction.

 

Une demi-vérité est un vrai mensonge...

 

Dans sa pathétique lettre ouverte aux députés, « Ayez le courage de dire non » au CETA (un « courage » qu'il n'a visiblement pas eu quand il était ministre d'État), M. Nicolas Hulot avait écrit :

 

« Le Canada ne fait lui pas mystère de ses intentions. S’il utilise déjà à son avantage les mécanismes peu transparents associés au Ceta, il n’a pas hésité non plus à s’allier au Brésil et aux États-Unis pour demander le 4 juillet devant l’OMC des comptes à l’Union européenne sur son application du principe de précaution quant aux perturbateurs endocriniens et autres substances cancérigènes, mutagènes ou reprotoxiques (CMR). »

 

Premier demi-mensonge : il n'y avait pas que le Brésil (de Jaïr Bolsonaro), le Canada (maintenant du CETA) et les États-Unis (de Donald Trump).

 

Deuxième demi-mensonge : l'objet de la démarche des États ayant interpellé l'Union Européenne ne se limitait pas au « principe de précaution » appliqué à des objets qui « percutent » dans l'opinion dite publique (largement manipulée).

 

Voir aussi le Point pour un démontage d'autres contrevérités.

 

 

° o 0 o °

 

 

Il n'y a pas que M. Nicola Hulot pour faire dans la bêtise et la démagogie crasses.

Allô, M. Emmanuel Maurel ! Oui, mais allô quoi ! Avez-vous lu le document, M. Emmanuel Maurel ? Avez-vous vu qu'il y a 16 pays ? Ils sont vraiment « empoisonnés » les produits ? Où avez-vous lu le passage cité, que nos règles « portent atteinte au commerce de façon disproportionnée » ?

 

 

En novembre 2018, l'Union Européenne était sous le feu de la critique à l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) à la suite du malencontreux arrêt de la Cour de Justice de l'Union Européenne du 25 juillet 2018 ; celui-ci impose aux produits des nouvelles techniques d'amélioration génétique de passer sous les fourches caudines de la législation sur les OGM et, en pratique, les rendent tricardes sur son territoire – voir « Treize pays demandent des politiques agricoles soutenant l'édition de gènes à l'OMC » .

 

Seize pays – l'Australie, le Brésil, le Canada, la Colombie, le Costa Rica, l'Équateur, les États-Unis, le Guatemala, le Honduras, la Malaisie, le Nicaragua, le Panama, le Paraguay, le Pérou, la République dominicaine et l'Uruguay – viennent de soumettre au Conseil du Commerce des Marchandises un document intitulé « Union Européenne – mise en œuvre d'obstacles non tarifaires visant les produits agricoles » (document G/C/W/767).

 

En cause : notre approche réglementaire des risques qui s'écarte « des normes qui suivent le principe des évaluations des risques fondées sur des preuves et des données scientifiques, ce qui permet aux Membres de l'OMC d'atteindre un niveau approprié de protection, tout en faisant en sorte dans le même temps que ces mesures ne soient pas plus restrictives pour le commerce qu'il n'est nécessaire […] ». Plus précisément, l'Union Européenne s'écarte des normes « en incorporant une approche fondée sur les dangers à l'approbation et au renouvellement des autorisations pour les produits phytopharmaceutiques pour certaines substances ».

 

Cela crée donc des obstacles à la production et au commerce. Les agriculteurs doivent « relever le défi qui consiste à produire davantage de produits alimentaires de façon plus sûre et durable » et, pour cela, « pouvoir accéder à l'ensemble des outils et technologies sûrs disponibles pour la production agricole ». Mais ils en sont empêchés car « l'UE essaie unilatéralement d'imposer à ses partenaires commerciaux sa propre approche en matière de réglementation intérieure ». De ce fait, elle porte « atteinte aux moyens de subsistance des agriculteurs à l'étranger, en particulier ceux des pays en développement et des PMA ».

 

« L'insistance de l'UE pour que les agriculteurs du monde entier trouvent d'"autres solutions" » est vivement critiquée : elle « n'a aucun sens pour nombre de ses partenaires commerciaux qui savent [...] ».

 

On en est encore aux appels insistants à l'Union Européenne pour qu'elle révise sa copie, s'agissant au moins du commerce international, et fournisse les informations requises sur sa feuille de route. Mais le message est clair.

 

Ce document est court. Nous le reproduisons ci-dessous. Il devrait faire réfléchir ceux qui, notamment en France, agitent l'argument de la distorsion de concurrence avec des pays pratiquant une politique jugée plus permissive, voire laxiste, mais qui est en fait plus réaliste et rationnelle : fermer nos frontières nous expose à quelques soucis.

 

Nous ajouterons que l'Union Européenne porte aussi « atteinte aux moyens de subsistance des agriculteurs à l'étranger, en particulier ceux des pays en développement et des PMA » – et des sociétés tout entières – en tentant d'exporter ses obsessions sécuritaires dans les pays en développement et en finançant des ONG et des « ONG » qui s'en font les missionnaires.

 

Le Conseil du Commerce des Marchandises a tenu sa session le lundi 9 juillet 2019. La démarche des 16 pays a été soutenue par une centaine de pays. Le communiqué de presse de l'OMC parle de 31 membres, mais il faut tenir compte de la représentativité des ACP :

 

« Le groupe des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) a déclaré que l'adoption arbitraire de mesures par l'UE affectait négativement les pays en développement et les pays les moins avancés et allait à l'encontre du principe de facilitation du développement par le commerce. »

 

 

° o 0 o °

 

 

1. Pour pouvoir relever le défi qui consiste à produire davantage de produits alimentaires de façon plus sûre et durable, les agriculteurs doivent pouvoir accéder à l'ensemble des outils et technologies sûrs disponibles pour la production agricole. Cependant, le choix fait par nos agriculteurs d'utiliser des outils sûrs est de plus en plus compromis par des obstacles réglementaires qui ne sont pas fondés sur des principes d'analyse des risques convenus au niveau national et qui ne tiennent pas compte d'autres approches pour atteindre des objectifs réglementaires. Cela a déjà une incidence négative importante sur la production et le commerce de produits alimentaires et agricoles sûrs, incidence qui s'accentuera probablement à l'avenir.

 

2. Nous soulevons des préoccupations au Conseil du commerce des marchandises parce que l'UE a commencé à mettre en œuvre des mesures qui prohibent effectivement l'utilisation d'un certain nombre de substances qui sont nécessaires pour une production agricole sûre et durable et dont l'utilisation a été évaluée et autorisée par de nombreux Membres de l'OMC. L'UE a procédé à la mise en œuvre de ses mesures, qui ont été initialement adoptées en 2009, bien que d'autres Membres aient, au fil des années, exprimé à plusieurs reprises des préoccupations dans le cadre du Comité des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et du Comité des obstacles techniques au commerce (OTC) au sujet de l'incidence trop restrictive de ces mesures sur le commerce des produits agricoles.

 

3. Nous croyons en la protection de la santé des personnes et en la facilitation des échanges, deux objectifs reconnus dans les Accords de l'OMC. Afin de garantir une approche équilibrée, la communauté internationale a défini des normes qui suivent le principe des évaluations des risques fondées sur des preuves et des données scientifiques, ce qui permet aux Membres de l'OMC d'atteindre un niveau approprié de protection, tout en faisant en sorte dans le même temps que ces mesures ne soient pas plus restrictives pour le commerce qu'il n'est nécessaire. L'UE s'est toutefois écartée de ces normes en incorporant une approche fondée sur les dangers à l'approbation et au renouvellement des autorisations pour les produits phytopharmaceutiques pour certaines substances. Cela crée un degré élevé d'incertitude en ce qui concerne la façon dont les niveaux de tolérance à l'importation seront examinés et fixés aux fins des décisions d'autorisation dans l'UE.

 

4. En dépit des demandes répétées présentées dans le cadre des Comités OTC et SPS au cours des quatre dernières années, l'UE n'a indiqué ni le niveau de protection qu'elle recherchait ni les voies d'exposition ou les risques spécifiques qu'elle visait à atténuer, pour justifier l'incidence de ces restrictions sur le commerce. Elle n'a pas pris en considération les observations formulées par d'autres Membres de l'OMC sur les projets de règlements. Elle n'a pas non plus tenu compte des demandes visant à ce que des évaluations des risques fondées sur des données scientifiques soient réalisées avant la mise en œuvre de ces mesures, que les techniques d'évaluation des risques élaborées par des organisations internationales soient prises en compte, et que la méthode d'évaluation des risques soit explicitée. De plus, l'UE n'a pas précisé, malgré les multiples demandes qui lui ont été faites à cette fin, comment elle comptait examiner les demandes de tolérances à l'importation pour ces substances qui sont évaluées en fonction de critères fondés sur les dangers.

 

5. Il apparaît que, pour mettre en œuvre ces mesures, l'UE essaie unilatéralement d'imposer à ses partenaires commerciaux sa propre approche en matière de réglementation intérieure. De ce fait, elle prohibe effectivement l'utilisation d'outils essentiels pour la gestion des parasites ou la résistance, tout en portant atteinte aux moyens de subsistance des agriculteurs à l'étranger, en particulier ceux des pays en développement et des PMA. La production agricole varie selon la région et ce qui fonctionne en Europe n'est peut-être pas approprié sous d'autres climats et dans d'autres régions. L'insistance de l'UE pour que les agriculteurs du monde entier trouvent d'"autres solutions" n'a aucun sens pour nombre de ses partenaires commerciaux qui savent que, dans la plupart des cas, d'autres solutions viables n'existent tout simplement pas ou peuvent, en fait, être plus risquées à utiliser que les substances effectivement interdites par l'UE.

 

6. La plupart des Membres qui utilisent ces substances n'ont pas la capacité de mettre au point d'autres solutions viables et économiquement faisables pour les appliquer dans leurs systèmes de production. Même si ces solutions étaient mises au point ailleurs, le processus d'enregistrement et d'homologation prendrait plus de temps que la période de grâce établie par l'UE. De plus, l'UE n'a même pas examiné les demandes de périodes de transition additionnelles présentées par les Membres pour l'adaptation à cette réglementation. La mise en œuvre de ces mesures par l'UE a déjà une incidence sur la production agricole et le commerce mondiaux de produits essentiels tels que les bananes, le raisin, les céréales et les fruits à coque. Ces perturbations risquent de s'intensifier considérablement dans les années à venir si l'UE ne change pas son approche actuelle.

 

7. La mise en œuvre de ces mesures par l'UE affectera d'une manière disproportionnée les agriculteurs des pays en développement et des PMA, ainsi que les moyens de subsistance de millions de familles dont les revenus et l'alimentation dépendent de l'agriculture. Par ailleurs, cela affectera également la capacité des Membres à atteindre des objectifs liés à la sécurité alimentaire et au développement durable. Par conséquent, nous demandons à l'UE de réévaluer son approche fondée sur les dangers pour l'approbation et le renouvellement des autorisations pour les produits phytopharmaceutiques; de confirmer que les niveaux de tolérance à l'importation continueront d'être établis sur la base d'approches de l'évaluation des risques convenues au niveau international; et de cesser de mettre en œuvre ces mesures qui restreignent le commerce international inutilement et d'une manière inappropriée.

 

8. Nous prions instamment l'UE de fournir des renseignements additionnels sur le processus et les délais pour la fixation des niveaux de tolérance pour les substances actives dont l'autorisation n'est pas renouvelée dans l'UE, ainsi que sur les périodes de transition applicables pour les LMR. En outre, nous encourageons fortement l'UE à établir un processus de tolérance à l'importation qui soit transparent, prévisible et viable d'un point de vue commercial pour les produits phytopharmaceutiques dont l'homologation n'a pas été renouvelée et qui comporte une évaluation des risques, tenant compte des techniques d'évaluation des risques élaborées par les organisations internationales compétentes. Nous encourageons l'UE à mener des discussions constructives à ce sujet avec ses partenaires commerciaux.

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article