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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Pyramide des besoins, désaccords et politiques alimentaires

20 Octobre 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Alimentation

Pyramide des besoins, désaccords et politiques alimentaires

 

Jason Lusk*

 

 

Les discussions sur la nourriture sont souvent source de discorde. Faible teneur en glucides ou faible teneur en lipides ? Bio ou conventionnel ? Local ou exotique ? Notre système alimentaire est-il fantastique ou cassé ?

 

Maintenant, regardez vers le futur, jusqu'en 2050. Pensez-vous que nos conversations futures sur l'alimentation susciteront plus ou moins de divisions qu'elles ne le font aujourd'hui ? Autant que j'espère le contraire, je pense que nous risquons d'avoir plus de désaccords, pas moins, au fur et à mesure que nous avancerons.

 

Voici ma théorie. Vous avez sans doute entendu parler de la pyramide des besoins de Maslow, qui caractérise les étapes du progrès humain. L’idée de base est que l’on doit d'abord satisfaire les besoins les plus fondamentaux (par exemple, la nourriture et l'abri pour survivre) avant de s’inquiéter d’autres besoins « plus élevés », comme l’appartenance sociale. D'autres ont présenté un phénomène similaire dans le domaine de l'alimentation. Par exemple, voir Ellyn Satter dans cet article universitaire de 2007 où elle présente une pyramide des besoins alimentaires.

 

J'ai construit ci-dessous ma propre version de la pyramide des besoins alimentaires de Satter. Au bas de la pyramide, lorsque les revenus et les ressources sont fortement limités, les gens posent des questions comme : « comment puis-je obtenir suffisamment de calories ? » Une fois cette question résolue, ils peuvent s'inquiéter d'autres choses telles que : « cette nourriture est-elle sûre ? » Au fur et à mesure que la personne (ou le pays) se développe et dispose de plus de revenus, elle passe de la nourriture principalement consommée pour survivre à une consommation alimentaire servant au final de forme d’expression et d’accomplissement personnels.

 

 

 

 

Alors, voici ma touche personnelle. Lorsqu'une communauté ou un pays se situe essentiellement au bas de la pyramide, il est probable qu'un large consensus se dégage sur l'objectif de la « société » dans le domaine alimentaire et agricole : produire suffisamment à manger. Cependant, au sommet de cette pyramide, il n’y a aucune raison de s’attendre à ce que la « société » s’accorde sur l’objectif principal. Satter a appelé le sommet de cette pyramide « nourriture instrumentale » et elle a dit que ces aliments étaient consommés pour « atteindre un résultat physique, cognitif ou spirituel souhaité ». Si nous parlons de nourriture satisfaisant une vue particulière de ce que je pense de moi (je suis ce que je mange) ou de la nourriture satisfaisant un « résultat spirituel », pourquoi devrions-nous nous attendre à ce que vous et moi convenions de ce qui est « meilleur » ? En ce sens, nous pourrions nous attendre à ce que la question de la consommation alimentaire soit plus politisée.

 

Satter dit aussi à propos de cette consommation alimentaire : « Ces raisons instrumentales peuvent être ou ne pas être rationnelles, ou étayées par une enquête scientifique. » Sans blague ! C'est précisément le monde dans lequel nous vivons maintenant. Il y a quelques années, par exemple, la Fondation Pew a constaté que le fossé le plus important entre le grand public et les scientifiques concernait la sécurité des OGM. De toute évidence, ce n'est pas la science examinée par les pairs qui alimente les croyances alimentaires et les modes de consommation de nombreuses personnes.

 

Un autre défi est que la recherche en psychologie montre que nous avons tendance à penser que les autres nous ressemblent plus qu’ils ne le font en réalité. Ceux d’entre nous qui ont eu la possibilité de « monter » dans la pyramide pourraient oublier les défis plus fondamentaux auxquels font face de nombreux consommateurs de produits alimentaires. Cela pourrait être l’une des causes du paternalisme alimentaire dont j’ai parlé à plusieurs reprises – l’idée que d’autres devraient manger plus comme moi. Cette citation d'un article de psychologie sur les « lacunes d'empathie égocentriques » est particulièrement pertinente :

 

« Un proverbe irlandais traditionnel, par exemple, déclare que "les gens repus ne comprennent pas les besoins de ceux qui ont faim". La plupart des gens des sociétés aisées ne peuvent guère saisir ce qu'est le désespoir de la famine ; en conséquence, ils sont moins aptes à œuvrer pour la soulager que s'ils comprenaient ce que c'est vraiment que d'avoir faim. »

 

Ce n’est pas seulement que nous pourrions être « moins aptes à œuvrer », mais que nous pourrions œuvrer pour résoudre le problème de manière à répondre à nos désirs particuliers plutôt qu’à ceux que nous cherchons à aider.**

 

Alors, ma petite théorie est-elle correcte ? Cette plus grande richesse conduira-t-elle à un plus grand désaccord sur les aliments et les systèmes alimentaires idéaux ? Comme nous le disons souvent dans les articles universitaires, lorsque nous ne connaissons pas la réponse : « cette question est laissée aux recherches futures. »

 

________________

 

* Jayson Lusk est un économiste de l'agriculture et de l'alimentation. Il est actuellement professeur distingué et chef du Département de l'Économie Agricole de l'Université de Purdue.

 

** [Ma note] Toute association que vous seriez tentés de faire avec l'activisme anti-OGM déployé en Afrique ou en Asie par des « ONG » européennes – souvent par « ONG » mercenaires locales interposées – voire par les députés du Parlement Européen (nombreuses sources sur ce site...) est évidemment fort pertinente.

 

Source : http://jaysonlusk.com/blog/2018/8/15/disagreement-and-food-demand

 

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