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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Résidus de pesticides dans les aliments : mauvaises nouvelles (pour les médias) !

2 Août 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #EFSA, #Pesticides, #critique de l'information

Résidus de pesticides dans les aliments : mauvaises nouvelles (pour les médias) !

 

 

Résumé du programme coordonné de contrôle sur 11 produits (couleurs foncées : 2016 ; couleurs claires : 2013 – bleu et échelle du haut : pourcentages d'échantillons avec résidus quantifiables ; jaune et échelle du bas : dépassements de limite maximale de résidu)

 

 

Un exercice annuel de grande envergure

 

Les années se suivent et se ressemblent : l'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) vient de produire les statistiques qu'elle a colligées sur les analyses effectuées par les États membres de l'Union Européenne, l'Islande et la Norvège en 2016.

 

L'exercice de grande envergure qu'ont réalisé les services officiels européens comporte deux volets :

 

  • un programme coordonné de contrôle (EUCP) qui a pour ambition de produire une image statistiquement représentative de la situation des résidus de pesticides dans les aliments les plus consommés dans l'Union Européenne ;

     

  • des programmes de surveillance nationaux (NP) qui sont le plus souvent fondés sur les risques et portent donc davantage sur les pesticides, les produits et les pays d'origine pour lesquels on a constaté une plus grande fréquence d'infractions dans le passé.

 

Les nouvelles sont mauvaises – à moins que vous ne vous appeliez […], enfin que vous soyez les inimitables manipulateurs d'opinion de Cash Investigation (voir, sur ce site, par exemple, ici). Vous êtes alors capables de lire un titre de communiqué de presse de travers et lui faire dire le contraire de ce qu'il résume (les vedettes de Cash machination ne se sont du reste toujours pas excusé pour avoir trompé les Français...).

 

 

Des bonnes nouvelles médiatiquement mauvaises

 

Elles sont donc mauvaises... parce qu'elles sont bonnes : selon le communiqué de presse de l'EFSA – « Présence de pesticides dans les aliments : niveau stable, d'après les derniers chiffres » :

 

« Les Européens continuent de consommer des aliments qui sont en grande partie exempts de résidus de pesticides ou qui en contiennent dans les limites légales, comme le montrent les chiffres du dernier rapport de surveillance. »

 

 

Des chercheurs essentiellement de l'INRA ont produit une étude sur l'effet d'un « cocktail » de pesticides sur des souris, en partant d'une hypothèse fondée sur des pommes. Voici les résultats en nombre de résidus quantifiables présents dans les échantillons analysés au niveau européen dans le cadre du programme coordonné.

 

 

Vite, inventons une mauvaise-bonne nouvelle

 

Alors, comment créer une mauvaise nouvelle médiatiquement bonne ?

 

Actu-Environnement avec « Résidus de pesticides dans l'alimentation : la France parmi les mauvais élèves d'Europe » et ConsoGlobe avec « Résidus de pesticides dans les aliments : la France mauvaise élève ! » ont donc trouvé une faille. Selon le premier (le deuxième diffusant le même message en sunstance),

 

« En France, 6,4% des échantillons testés dépassent les limites réglementaires de résidus de pesticides. Elle se situe ainsi parmi les mauvais élèves avec Malte (10,7%), le Luxembourg (8,3%) et les Pays-Bas (7,5%). »

 

En fait, les chiffres – que nous n'avons pas retrouvés dans les documents – ne sont pas directement comparables.

 

 

Mais que dit l'EFSA

 

Que disent les chiffres en résumé ? Du communiqué de presse :

 

  • Les pays déclarants ont analysé 84 657 échantillons pour 791 pesticides.

     

  • 96,2% des échantillons (81 482) se situaient dans les limites autorisées par la législation de l’UE et 50,7% ne comportaient aucun résidu quantifiable, contre respectivement 97,2% et 53,3% l'année précédente (2015). La différence s’explique essentiellement par la présence de résidus de chlorate, composé pris en compte pour la première fois en 2016 dans les programmes de contrôle qui accompagnent les travaux en cours visant à déterminer les limites maximales de résidus (LMR).

     

  • La majorité des échantillons testés (67%) provenaient d’États membres de l’UE, d’Islande et de Norvège, 26,4% étaient des produits importés de pays tiers et 6,6% étaient d'origine inconnue.

     

  • Un dépassement des limites légales a été observé dans 2,4% des échantillons de produits provenant de pays de l’UE ou de l’EEE et dans 7,2% des échantillons provenant de pays non membres de l’UE.

     

  • Sur les 1 676 échantillons d'aliments destinés aux nourrissons et aux enfants en bas âge, 98,1% se situaient dans les limites autorisées par la législation de l’UE et 89,8% étaient exempts de résidus quantifiables.

     

  • Sur les 5 495 échantillons d'aliments organiques [ma note : bio] prélevés en 2016, 98,7% se situaient dans les limites légales et 83,1% étaient exempts de résidus quantifiables.

 

 

Comparaison entre produits conventionnels (couleurs claires) et bio (couleurs foncées). Acheter « bio », plus cher, pour diviser par trois le « risque » de trouver des résidus quantifiables ou dépassant la LMR, vaut-il la chandelle ?

 

 

Le début du tableau sur les présences et dépassements dans les produits biologiques, ventilés selon les substances. « * » = autorisé en agriculture biologique ; « ** » = présent naturellement ou contaminant présent dans l'environnement. Toutes ces présences, et a fortiori les dépassements, ne sont pas dus à la dérive des traitements des « voisins pollueurs ».

 

 

Le programme coordonné a porté sur les produits suivants : pommes, chou pommé, poireau, laitue, pêches, fraises, tomates, seigle, vin, lait de vache et graisse de porc.

 

Le communiqué de presse note :

 

« C’est le seigle qui présentait le plus faible taux de dépassement des LMR (0,7%), suivi du chou pommé (1,1%) et des fraises (1,8%). En revanche, les taux de dépassement les plus élevés ont été enregistrés sur les pommes (2,7%) et les tomates (2,6%). »

 

Au total, dans ce programme, 12.168 échantillons ont été analysés pour 165 pesticides (ce nombre peut paraître faible, mais il correspond de manière réaliste à ce qu'on est susceptible de trouver). Au total, 98,3 % des échantillons (11.965) étaient conformes, avec 52,3 % (6.367 échantillons) sans résidus quantifiables. Les dépassements de limite maximale de résidu (LMR) ont concerné 1,7 % des échantillons (203) ; 0,9 % (107 échantillons) ont été considérés comme non conformes compte tenu de l'incertitude des mesures.

 

 

Les limites de l'exercice illustrées

 

Ces chiffres sont en augmentation par rapport à l'année 2013, dans laquelle on avait analysé le même panier de produits.

 

En cause, selon l'EFSA : la baisse de la LMR du chlorpyrifos, et un rapport de la France sur des dépassements de LMR du diméthoate dans 32 échantillons de tomates collectés à Mayotte, dans le cadre d'un contrôle plus ciblé – des échantillons qui ne sont donc pas représentatifs de la situation en Europe.

 

Ces explications illustrent la difficulté qu'il y a à interpréter les données quand on ne dispose pas de l'ensemble des éléments d'appréciation.

 

 

Un « illustre » chercheur et un non moins illustre chef faisant du tapage sur les pesticides dans le vin, voici les résultats en résumé. Des dépassements de LMR ont été constatés dans 5 échantillons (0,4 %).

 

 

Les risques pour la santé des consommateurs sont « faibles »

 

Et, s'agissant des risques en général, le communiqué de presse conclut :

 

« L’EFSA a réalisé une évaluation du risque alimentaire aigu (court terme) et chronique (long terme), d'après les résultats du programme EUCP. Dans les deux cas, les risques pour la santé des consommateurs ont été jugés faibles. »

 

Cela ne satisfera évidemment pas les hypocondriaques qui risquent l'apoplexie quand ils entendent le mot « pesticides », ni les prêcheurs d'apocalypse qui ont un fond de commerce à entretenir (le leur et, le cas échéant, aussi celui de leurs généreux donateurs du biobusiness). Mais telle est la conclusion.

 

 

La France « mauvais élève » ?

 

Mais revenons à cette France « mauvais élève ».

 

Résultats pour les échantillons provenant de l'Union Européenne. En bleu, les échantillons présentant des résidus au-dessus de la LOQ ; en jaune, les dépassements de LMR. Les données numériques derrière les noms de pays sont aussi intéressantes : dans l'ordre, échantillons en-dessous de la LOQ, échantillons entre la LOQ et la LMR, échantillons au-dessus de la LMR.

 

 

Le graphique ci-dessus nous apprend que les échantillons d'origine France (analysés par les services de l'un quelconque des États membres) présentaient 4,2 % de dépassements de LMR. C'est nettement moins que les 6,4 % affichés par certains médias. Et comme d'aucuns tentent de polémiquer sur le prétendu usage abusif de pesticides en France, cela fait quand même une « petite » différence.

 

Mais enlevez les résultats de Mayotte... on tombe à 3,6 %. C'est toujours plus que la moyenne européenne de 2,4 %. Mais pour aller plus loin, il faudrait analyser tout l'ensemble de données pour voir s'il n'y a pas d'autres biais. Il suffit, en effet, de manipuler le panier pour obtenir de bons ou de « bons » résultats : si les autorités françaises analysent beaucoup d'échantillons de tomates, et les polonaises beaucoup de seigle, les unes et les autres feront plaisir à leurs autorités de tutelle.

 

Mais une chose est sûre : l'alarmisme n'a pas lieu d'être.

 

 

Et pour la bonne bouche...

 

Nous avions cité :

 

« En France, 6,4% des échantillons testés dépassent les limites réglementaires de résidus de pesticides. Elle se situe ainsi parmi les mauvais élèves avec Malte (10,7%), le Luxembourg (8,3%) et les Pays-Bas (7,5%). »

 

Que dit la figure 44 ?

 

France : 4,2 % (à redresser comme nous l'avons vu) ; Malte : 13,5 % ; Luxembourg : 0 % (il est vrai qu'avec 166 échantillons analysés, la probabilité de trouver 0 était forte...) ; Pays-Bas : 2,1 %.

 

 

...et encore un petit mot

 

Comme chaque année, l'EFSA rapporte que le nombre de dépassements de LMR est nettement plus grand pour les produits en provenance de pays tiers (7,2 % contre 2,4 %).

 

Les pressions politiques, médiatiques et activistes créent des impasses phytosanitaires et des abandons de cultures... donc des augmentations d'importations. Il serait bon que nos décideurs apprennent que leurs politiques peuvent être contre-productives s'agissant de l'hystérie antipesticides.

 

M. Le Foll n'a pas accordé de dérogation de 180 jours pour le diméthoate sur cerisiers en 2016. Avec un fort coup de menton, qu'il a fort, il a interdit dans la foulée l'importation de cerises de pays dans lesquels l'usage du diméthoate était toujours autorisé, en particulier de la Turquie. En 2018, la France a importé des cerises de... Turquie.

 

« Aucune cerise traitée au diméthoate ne franchira la frontière nationale » avait tonitrué M. Stéphane Travert…

 

 

 

 

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G
Mauvaise nouvelle pour les medias: tout à fait d'accord. On peut donc être certain que cette information ne sera pas reprise par les grands médias. Je la met donc dans la catégorie des "mute news".
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Une petite recherche... rien... « mute news », effectivement.