Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Néonicotinoïdes : l'appel au secours codé de l'EFSA

12 Mars 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Risk-monger, #Néonicotinoïdes, #EFSA

Néonicotinoïdes  : l'appel au secours codé de l'EFSA

 

Risk-monger*

 

 

 

(Source)

 

 

 

Quel triste état et quelle triste situation pour la science dans l'Union européenne !

 

Nous sommes maintenant dans une situation où une autorité consultative scientifique européenne (l'EFSA) se voit obligée de fonder son avis sur un document scientifiquement sans valeur et de recourir à l'envoi de messages codés pour demander de l'aide à la communauté scientifique (ou d'implorer le pardon).

 

Dans un récent communiqué de presse sur les néonicotinoïdes, l'EFSA a dû publier l'avis qu'on lui avait demandé de produire : qu'il n'y a pas suffisamment de preuves pour déclarer avec certitude que les néonicotinoïdes ne sont pas nocifs pour les abeilles. Cette conclusion a été incluse dans la demande d'avis initiale de la Commission Européenne et l'EFSA a choisi de faire savoir dans son communiqué de presse, de manière codée, pourquoi elle n'était pas très satisfaite du processus qui lui avait été imposé.

 

 

Paragraphe 3 du communiqué de presse de l'EFSA : faire savoir à la communauté scientifique que son avis ne vaut pas un clou.

 

 

Pourquoi l'EFSA a-t-elle choisi de mentionner (dans le troisième paragraphe de son communiqué de presse) un seul outil parmi tant d'autres mis en œuvre dans sa méthodologie d'examen ?

 

Le projet de document d'orientation sur les abeilles

 

L'architecte européen du document d'orientation sur les abeilles, Éric Poudelet... Hum !

 

Le projet de document d'orientation sur les abeilles (Bee Guidance Document – BGD) n'a pas été accepté par le Comité Permanent, ce qui signifie que toute décision fondée sur son utilisation ne serait pas légale.

 

Pourquoi, cinq ans après, le projet de document d'orientation sur les abeilles n'a-t-il toujours pas été adopté ?

 

Le BGD a défini des paramètres qu'il est impossible de respecter pour les essais sur le terrain. Il exige un taux de mortalité des abeilles acceptable dans les essais de 7 %, bien inférieur au taux moyen de 15 % dans des conditions normales. Le BGD a également fixé une taille minimale de surface d'essai contiguë – au moins 168 km² – impossible à trouver pour suivre les abeilles... Aucune donnée d'essai sur le terrain ne peut respecter cette exigence et, sans données, il n'y a aucun moyen de s'assurer que les néonicotinoïdes sont sûrs.

 

En outre, le groupe de travail sur le BGD qui avait fixé ces paramètres impossibles avait été infiltré par des scientifiques activistes anti-pesticides avec un agenda – Poudelet dirigeant la manœuvre depuis Sanco ; le BGD n'est rien d'autre qu'un document corrompu et non scientifique. L'EFSA est pleinement consciente des conflits d'intérêts cachés, mais semble incapable de s'en servir comme base pour revoir l'ensemble du processus du BGD. Peut-être que si Arnold avait travaillé pour Monsanto plutôt que pour une ONG s'occupant d'abeilles, les choses auraient été différentes.

 

Comme les lecteurs de ce blog [du Risk-monger] se souviennent peut-être, j'ai montré à plusieurs reprises que le document d'orientation sur les abeilles n'était pas scientifique et qu'il a été instrumentalisé par les activistes anti-pesticides. Il a été conçu pour rejeter toutes les données d'essais sur le terrain crédibles, non seulement pour les néonicotinoïdes, mais pour tous les pesticides, y compris ceux approuvés pour l'agriculture biologique. Et avec cet obstacle fabriqué de toutes pièces à toutes les données de terrain disponibles, une approche de précaution a été présentée comme la seule conclusion possible.

 

 

Imposer le BGD à l'EFSA

 

Si l'EFSA avait le choix, elle n'utiliserait pas le document d'orientation sur les abeilles discrédité.

 

Le patron de l'EFSA, Bernhard Url, a essayé de se laver les mains, mais le document d'orientation sur les abeilles semble plus collant que ce mythique miel chargé d'insecticides. Voir le clip d'une intervention au Parlement européen où Url exonère l'EFSA et admet qu'il n'a pas d'autre choix que d'utiliser le document d'orientation sur les abeilles défectueux. Il admet que quelqu'un de la Commission l'a forcé à le faire. Notez que Dr Url n'a pas défendu la validité du document d'orientation sur les abeilles. Je pense qu'il serait très difficile pour quiconque de produire une défense convaincante de cette pièce minable de science activiste.

 

 

 

L'EFSA était donc coincée dans une position frustrante : elle a dû répondre à une question inappropriée. Les agences et les autorités travaillent au service de la politique européenne ; ainsi, lorsqu'elles sont saisies d'une question d'ordre politique, elles ne sont pas en mesure de la renvoyer et de demander une question plus appropriée. Ainsi, après avoir perdu beaucoup de temps, l'EFSA a répondu dans son communiqué de presse à la question inappropriée en utilisant le document d'orientation inutilisable selon les instructions ; mais au moins elle a pu envoyer son appel au secours codé.

 

L'ironie est que l'EFSA a clairement montré que sa décision sur la sécurité du glyphosate reposait sur toutes les données disponibles (alors que le CIRC a été sélectif), mais pour les néonicotinoïdes, elle s'est laissé lier par un document d'orientation reposant sur des motivations politiques et imposant le rejet arbitraire de toute donnée qui montrerait la sécurité de l'insecticide. Ne serait-il pas agréable que le Dr Url prenne la défense de l'intégrité scientifique dans tous les cas et demande une révision du projet de document d'orientation sur les abeilles rejeté ? Une telle demande devrait toutefois émaner de la Commission.

 

 

Junck-Science et échec réglementaire

 

J'ai écrit un article l'année dernière montrant comment Juncker a imposé ses intérêts sur le processus politique lié à la législation tant sur le glyphosate que sur les néonicotinoïdes, et j'ai opiné que cela reflétait une désinvolture à l'égard des preuves. Je l'ai appelé Junck-science. Ce que l'article n'a pas couvert, c'est quels outils politiques ont été discrètement abandonnés par cette Commission.

 

L'interdiction prévisible des néonicotinoïdes va marquer une nouvelle fois l'échec de la réglementation européenne. Au cours de la période Delors, je me suis fait la main sur des politiques responsables, lorsque certaines normes ont été mises en place pour les processus de réglementation afin de garantir que des politiques légitimes soient adoptées. Juncker a abandonné plusieurs de ces outils permettant des décisions responsables et a transformé Bruxelles en un cloaque d'influences, d'intérêts particuliers et de faiseurs de rois. Dans le cas des néonicotinoïdes, les outils de réglementation responsables n'ont pas été utilisés et nous nous retrouvons avec un autre désastre politique qui a détruit la confiance en « Bruxelles » et favorisé l'incertitude économique et commerciale.

 

Nous ne nous fondons plus sur des politiques reposant sur des données probantes, des évaluations d'impact ou des consultations inter-services. Au lieu de cela, Bruxelles a maintenant son propre Bismark, qui tire les ficelles dans l'ombre évanescente d'un leader faible et vieillissant.

 

 

1. Politique fondée sur des preuves

 

L'un des premiers actes de lâcheté politique que Juncker a commis a été de faire taire la science, de céder aux pressions des ONG et de supprimer le poste de conseiller scientifique en chef d'Anne Glover. Dès le début, Juncker n'allait écouter que les conseils d'un homme (et ses intérêts n'étaient pas très scientifiques). Je me souviens qu'en 2005, lorsque je me battais pour la création du poste de conseiller scientifique en chef (au nom du European Policy Centre (EPC) de Stanley Crossick), je n'ai pas été bien reçu à la DG Recherche. Ils estimaient qu'ils étaient seuls responsables de fournir des conseils scientifiques.

 

Qu'est-il arrivé à la DG Recherche et à l'engagement de fournir des preuves scientifiques solides pour soutenir l'élaboration des politiques de l'UE ? La DG a été charcutée et émincée au cours de la dernière décennie pour devenir un fantôme de son ancienne identité, émasculé et neutre. Le Centre Commun de Recherche (CCR) est devenu sa propre DG et fonctionne en arrière-plan avec de multiples stratégies reposant essentiellement sur des contrats de service. À l'instar de la mise en place d'autres agences de recherche, une partie importante de la DG Recherche a été canalisée vers l'Agence Exécutive pour la Recherche, chargée en grande partie de gérer le budget Horizon2020. Outre Open Science et les unités Innovation récemment ajoutées, il est difficile de voir ce qui reste de l'engagement de l'UE en faveur d'une politique fondée sur des preuves. Comment le Commissaire à la Recherche et à l'Innovation aurait-il les moyens de se lever lors d'une réunion du cabinet du lundi et de dire : « Désolé Jean-Claude, mais la science n'étaie pas votre politique ici ! » ?

 

 

2. Études d'impact

 

Où sont les études d'impact ?

 

Du temps de Delors, les études d'impact étaient des points de départ standard pour la politique. Beaucoup se plaignaient alors qu'une étude d'impact était une tactique dilatoire, mais la recherche de conseils externes sur les impacts de la réglementation semblait alors être une très bonne idée.

 

L'un des effets secondaires les plus pervers de la dépendance de l'UE à l'égard du principe de précaution est la croyance qu'elle a remplacé la nécessité d'effectuer des études d'impact. « Nous sommes prudents et responsables – quels effets négatifs une telle stratégie pourrait-elle avoir ? » La Révision de la Directive sur les Pesticides (désolé, je ne peux toujours pas la désigner par son titre officiel et hypocrite) a été menée sans que la Commission ait éprouvé le besoin de mener une seule évaluation d'impact. Elle a été construite sur la croyance, encore répandue aujourd'hui, que ce n'est jamais une mauvaise chose que d'interdire un pesticide.

 

Les restrictions de précaution sur les néonicotinoïdes ont été édictées en 2013 dans les deux mois qui ont suivi l'avis de l'EFSA fondé sur le BGD. Il n'y avait pas eu de temps pour mener une étude d'impact sérieuse (il n'y avait pas non plus de temps pour la consultation ou la réflexion). Il convient de noter que la Commission Européenne a demandé au Centre Commun de Recherche de l'UE de réaliser une « étude » d'évaluation de l'impact (ex post) sur les conséquences de son interdiction temporaire des néonicotinoïdes. Elle a simplement choisi de ne pas la publier ou d suivre les conclusions claires sur le désastre qu'était l'interdiction pour les agriculteurs, l'environnement et les abeilles.

 

Les études d'impact ne nous disent peut-être pas ce que nous voulons entendre, mais étant donné que les régulateurs de l'UE ne sont pas responsables, nous pouvons les considérer comme inutiles.

 

 

3. Consultations inter-services

 

La Commission Européenne compte de nombreuses directions intéressées par certaines réglementations ; elles devraient donc participer au processus politique pour le compte de leurs circonscriptions (la partie de la société à laquelle elles doivent rendre des comptes). Par exemple, REACH, le processus réglementaire visant à établir l'utilisation sûre des produits chimiques, impliquait trois DG travaillant de concert : les DG Environnement, Sanco et Entreprise de l'époque. REACH a une influence sur l'environnement, la santé publique et les investissements des entreprises, de sorte que cette approche inter-service était la manière responsable de déterminer la politique.

 

Aujourd'hui, je ne trouve aucune information sur le site SecGen de la Commission sur le processus de consultation inter-services et il semble que cette approche ait été abandonnée au profit de plus de pouvoirs provenant du sommet bismarkien. Le dialogue a été remplacé par le diktat anonyme.

 

Dans le cas des néonicotinoïdes, la DG Agriculture devrait être impliquée car les décisions affecteront la manière dont les agriculteurs peuvent produire des aliments sûrs et de qualité. La DG Environnement devrait être impliquée dans le processus puisque les alternatives plus anciennes aux néonics que les agriculteurs seront obligés d'utiliser auront des conséquences graves sur l'environnement et la santé des pollinisateurs. Si la Commission va de l'avant et étend l'interdiction des néonics à tous les usages, y compris les betteraves à sucre et les pommes de terre, alors, lorsque les agriculteurs auront retireré ces cultures de leurs rotations, les industriels de l'agroalimentaire de l'UE seront sérieusement désavantagés. Peut-être que la DG Industrie voudra être consultée...

 

Au lieu de cela, comme pour le glyphosate, seule la DG Santé a été impliquée dans la réglementation sur les néonicotinoïdes. Personne d'autre n'avait de voix dans le processus – ni les agriculteurs, ni les scientifiques, ni les entreprises de l'agroalimentaire, ni les consommateurs... pas même le patron de l'EFSA !

 

 

Pas de responsabilité, pas de leadership

 

Bruxelles est devenue une dictature dirigée dans l'ombre par un faiseur de roi (qui a maintenant emménagé dans le Secrétariat Général... une autre décision judicieuse étant donné que notre faible président a adopté trop tôt la position de canard boiteux). Le thème de Mieux Légiférer tant vanté il y a quelques années est devenu une stratégie creuse menée par un homme creux et boiteux. Quel dommage : le commissaire Timmermans ait commencé en suscitant tant d'espoirs. Personne n'écoutant la raison ni ne prenant la responsabilité, les patrons décents parmi les marionnettes ont eu recours à des messages codés dans leurs communiqués de presse. La politique relative aux néonics dans l'UE n'est que la dernière illustration de l'échec du leadership à Bruxelles (et de la crise de confiance qui en est la conséquence logique).

 

Celui qui dirige actuellement ce navire interdira les néonicotinoïdes sans tenir compte des effets désastreux sur les agriculteurs et les consommateurs, sans tenir compte des conseils du CCR sur les conséquences terribles des décisions précédentes... Sans dialogue, consultations internes ou respect des procédures régulières. Est-il étonnant que Juncker ait perdu toute crédibilité ?

 

Personnellement, je ne regrette pas d'avoir exposé beaucoup de ces bêtises qui sont devenues largement connues sous le nom de BeeGate. Je regrette que nous n'ayons plus de journalistes responsables avec suffisamment de courage ou d'intégrité pour dénoncer ce comportement scandaleux au sein de la Commission Européenne.

 

Ce n'est pas ainsi qu'on est responsable devant les agriculteurs, les consommateurs et les industriels de l'agroalimentaire. Ce n'est pas ainsi que les régulateurs doivent fonctionner. Je n'ai pas vu une situation aussi déplorable depuis la Commission Santer (et nous savons tous comment cette histoire s'est terminée).

 

______________

 

* David pense que la faim, le SIDA et des maladies comme le paludisme sont les vraies menaces pour l'humanité – et non les matières plastiques, les OGM et les pesticides. Vous pouvez le suivre à plus petites doses (moins de poison) sur la page Facebook de Risk-Monger.

 

Source : https://risk-monger.com/2018/03/04/neonicotinoids-efsas-coded-plea-for-help/

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article