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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Obligation vaccinale : les antivax des médias ne désarment pas (1)

3 Janvier 2018 , Rédigé par Seppi Publié dans #Santé publique, #critique de l'information

Obligation vaccinale : les antivax des médias ne désarment pas (1)

 

Chicayas au Monde ou cynisme rédactionnel ?

 

 

 

Pourquoi je vaccine

Parce que je sais qu'il y a des milliers d'études sur la sécurité des vaccins faites sous tous les angles, y compris des vaccins combinés. Je sais que la bonne science doit être répliquée, donc j'accepte le consensus de la science et ne me focalise pas de manière disproportionnée sur une étude discréditée, prise isolément.

Je connais les risques de la vaccination et je sais que les bénéfices leur sont largement supérieurs. J'apprécie les preuves, pas les anecdotes. Je sais que les risques des maladies évitables grâce aux vaccins sont toujours une menace pour mon enfant. Je fais mes choix sur la base d'un examen rationnel, clair, pas des craintes de mamans. Je ne peux pas justifier l'exposition de mon enfant à des maladies potentiellement mortelles qui peuvent être évitées si facilement.

 

 

Enfin un éditorial du Monde faisant preuve de civisme...

 

J'avais rédigé et mis en attente un billet sur « Vaccins : une obligation sanitaire de bon sens », un éditorial, du 30 décembre 2017 (date sur la toile), qui, pris isolément, fait honneur au Monde.

 

Enfin !

 

« Jugée, ici ou là, trop brutale, cette extension de l’obligation vaccinale est parfaitement justifiée. Elle doit permettre de combattre la réémergence, même marginale, de maladies infectieuses comme la rougeole. Elle améliorera également la couverture vaccinale – insuffisante – des méningites et des hépatites B.

 

Mais surtout, elle devrait rappeler à chacun que la vaccination de masse est une nécessité de santé publique qui ne saurait être laissée au choix des parents. Seule cette prévention généralisée a permis d’éradiquer, pour l’essentiel, ces maladies du passé. Cet évident bénéfice fait plus que compenser les effets secondaires, voire les risques minimes, provoqués par les vaccins. »

 

Tout n'était évidemment pas du goût d'un râleur patenté dont l'expérience et l'expertise en matière de récriminations se sont accumulées au cours des ans comme les alluvions derrière le barrage d'Assouan, mais l'essentiel était dit : santé publique. On pourrait préciser : santé publique au niveau tant individuel que collectif.

 

 

C'est de janvier 2017, mais c'est toujours d'une brûlante actualité

 

 

...avec, en regard, une m...

 

 

Des commentateurs très critiques

 

Mais la satisfaction fut de courte durée. Un commentateur a écrit :

 

« Entièrement d'accord avec cet édito, en regrettant que de nos jours règne encore un obscurantisme profond chez certaines personnes, alimenté par des imbéciles. »

 

Un autre s'est fait plus précis et accusateur :

 

« Pendant qu'une partie de la rédaction du Monde explique que l'obligation vaccinale repose sur des choix rationnels, votre petit camarade de la rubrique Planète entretient la défiance en faisant de la cueillette de cerise dans une publication scientifique. On a là tout le paradoxe de la presse généraliste, qui d'un coté prétend vérifier l'information à travers le fact checking et d'un autre se prête à la désinformation partisane afin de brosser une partie du lectorat dans le sens du poil. »

 

Si la fin est discutable – car la désinformation est simplement et effectivement partisane – l'observation est pertinente. Le pire est que, dans la version papier du journal, « Le risque est grand de voir la défiance s’accentuer vis-à-vis des vaccins » de M. Stéphane Foucart (évidemment...) figure juste à côté !

 

 

Discours enjôleur ou dérapage incontrôlé ?

 

C'est du grand art, du très grand art ! Mais soyons charitables : c'est peut-être un message qui se voulait constructif mais se révèle être en dernière analyse une grande bêtise, une très grande bêtise. Selon le chapô :

 

« Imposer l’obligation vaccinale, avant qu’une réelle évaluation des risques liés aux adjuvants soit menée, expose les autorités sanitaires à renforcer la méfiance envers ce type de traitement, relève Stéphane Foucart, journaliste au service Planète. »

 

Mais bien sûr ! « [i]mposer », c'est axiomatiquement s'exposer « à renforcer... » Il est bien trop compliqué pour des journalistes de comprendre – et encore moins d'admettre – que la « méfiance » est très largement suscitée, et entretenue, par ces journalistes – par eux-mêmes – qui n'ont de cesse de faire état d'une « méfiance » et de tendre leurs micros ou ouvrir leurs colonnes aux marchands de méfiance, quand ce n'est pas aux charlatans patentés.

 

Il est bien trop compliqué de comprendre – et d'expliquer – qu'en faisant vacciner son bébé contre la rubéole, maman protège un futur bébé – peut-être le sien – contre les ravages des effets de ladite rubéole contractée.

 

 

Une contre-vérité flagrante d'entrée

 

Lisez bien le chapô (dont M. Foucart n'est vraisemblablement pas l'auteur) : « avant qu’une réelle évaluation des risques liés aux adjuvants soit menée » : comment peut-on oser, un 30 décembre 2017 (date sur la toile), écrire – en toute bonne foi s'entend – que les risques liés aux adjuvants n'ont pas été (réellement) étudiés ?

 

 

Une mise en cause sournoise de la position de Mme Agnès Buzyn

 

Source

 

 

L'article s'est fait très positif sur les bénéfices – indiscutables – des vaccinations. Il minimise même les craintes liées aux adjuvants aluminiques... mais les minimise avec outrance et un gros brin de dérision :

 

« Bénéfices importants mais invisibles d’un côté, risques faibles mais très médiatisés de l’autre. Face à cette délicate équation, le parti de la ministre de la santé a été d’affirmer que de risques faibles, il n’y avait pas. Le risque ? Il est nul, il n’existe pas. En juillet, à l’Assemblée nationale, Agnès Buzyn a ainsi ramené les inquiétudes relatives aux adjuvants aluminiques, à "l’irrationnel le plus total", fruit de la "désinformation" véhiculée par les réseaux sociaux. »

 

La réponse de Mme Buzyn à une question, de Mme Frédérique Tuffnell, dans l'enceinte parlementaire constitue-t-elle l'alpha et l'omega de la position de Mme Buzyn sur les adjuvants vaccinaux ? C'est ce que tente de faire croire un journaliste avec une technique très prisée par les activismes de tout poil. Voici, pour mémoire, les propos tenus par Mme Agnès Buzyn :

 

« Nous avons sur les adjuvants un recul d’utilisation de quatre-vingt-dix ans et plusieurs centaines de millions de doses ont été utilisées depuis que les vaccins existent. Vous me demandez si nous pouvons trouver des adjuvants moins nocifs ; mais ils ne sont pas nocifs pour la santé, ainsi que tous les rapports le montrent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM, MODEM et LC.) Je vous renvoie notamment à l’excellent rapport de l’Organisation mondiale de la santé publié en 2003 et à toutes les études scientifiques. Nous sommes dans l’irrationnel le plus total. (Mêmes mouvements.) Nous travaillons aujourd’hui à lutter contre les réseaux sociaux et contre la désinformation. »

 

 

Gherardi vers la sortie ? Pas de panique, il y a Djurisic

 

Comment pousser la dérision... et susciter le doute ? Avec conditionnel et points de suspension d'ironie :

 

« Plusieurs grands noms de la médecine, sans doute avec les meilleures intentions du monde, ont appuyé cette idée dans le débat public, y mettant tout le poids et le prestige de leurs titres académiques : M. Gherardi serait le seul médecin et chercheur au monde à suspecter ces adjuvants d’être en cause dans certains effets secondaires rares… »

 

Il est vrai que M. Gherardi est bien isolé(et que ses travaux et prises de position n'ont pas bonne presse dans les milieux cartésiens). Sa myofasciite à macrophages ne semble sévir qu'en France, particulièrement autour de Créteil, et c'est sans compter ses liens d'intérêts avec des organisations anti-vax.

 

Alors il faut vite trouver un autre truc pour alimenter les doutes, les soupçons et les oppositions. Cela tombe bien... une équipe menée par Mme Snezana Djurisic, de l'Hôpital Universitaire de Copenhague, a publié en septembre 2017 « Aluminium adjuvants used in vaccines versus placebo or no intervention » (adjuvants à base d'aluminium utilisés dans les vaccins contre placebos ou absence d'intervention).

 

Ça tombe bien, on y décrit des effets indésirables attribués aux vaccins contre le papillomavirus (HPV)... soigneusement et longuement cités dans l'article du Monde. En omettant de citer la partie qui précède :

 

« Dans l'Union Européenne, l'Agence Européenne des Médicaments (EMA) a aussi reçu des rapports similaires mais n'a pas trouvé de preuve scientifique à l'appui d'une association. Plusieurs études observationnelles ont aussi échoué à identifier une association avec un diagnostic clinique, mais on a avancé des raisons de s'opposer à ces constatations. »

 

 

« La messe n'est pas dite »

 

L'article scientifique propose une « collaboration Cochrane » : la mise en commun des observations cliniques de milliers de scientifiques et médecins. L'article journalistique se fait prudent, après s'être épanché sur des symptomes qui, selon l'état actuel des connaissances, sont sans lien avec l'aluminium :

 

« La messe n’est pas dite : il ne s’agit là que d’un protocole de recherche. Mais dans un an, peut-être un peu plus, les auteurs publieront les résultats de leur analyse. Peut-être écarteront-ils tout effet nocif. Si ces travaux, ou d’autres dans un avenir proche, pointent un risque lié aux adjuvants aluminiques, ce risque sera probablement très faible, et pourrait ne pas faire évoluer les recommandations des autorités sanitaires. »

 

Allons, M. Foucart ! S'il y avait effectivement un risque, sérieux s'entend, pas des « des maux de tête », cela devrait se savoir, non ?

 

Il se fait même moralisateur :

 

« Mais la machine médiatique ne s’embarrassera pas de telles nuances [...] »

 

Mais n'est-il pas que la machine médiatique est alimentée par un certain Stéphane Foucart ?

 

 

« ...avant qu’une réelle évaluation des risques liés aux adjuvants soit menée »

 

Il faut revenir au chapô.

 

Mme Buzyn avait affirmé à l'Assemblée nationale : « Nous avons sur les adjuvants un recul d’utilisation de quatre-vingt-dix ans et plusieurs centaines de millions de doses ont été utilisées depuis que les vaccins existent. » Mais bien sûr, dans l'industrie du mensonge et du doute, il suffit de trafiquer un peu le propos pour qu'il devienne grotesque et soit décrédibilisé (cela dit, Mme Buzyn aurait aussi pu être moins péremptoire).

 

L'article de Djurisic et al. contient par exemple une référence à « Adverse events after immunisation with aluminium-containing DTP vaccines: systematic review of the evidence » (événements indésirables après immunisation par des vaccins DTC contenant de l'aluminium : examen systématique de la preuve), de Tom Jefferson, Melanie Rudin, Carlo Di Pietranton. Cela date certes de 2004 (et c'est un motif de la proposition de Djurisic et al.). Mais voici large un extrait du résumé de leur article, que nous découpons en paragraphes :

 

« Nous avons identifié 35 rapports d'études et inclus trois essais randomisés, quatre essais semi-randomisés et une étude de cohorte. Nous avons procédé à une méta-analyse des données de cinq études autour de deux comparaisons principales (vaccins contenant de l'hydroxyde d'aluminium vs sans adjuvant chez des enfants jusqu'à 18 mois et vaccins contenant différents types d'aluminium vs sans adjuvants chez des enfants âgés de 10-16 ans).

 

Chez les jeunes enfants, les vaccins contenant de l'hydroxyde d'aluminium provoquaient significativement plus d'érythèmes et d'indurations que les vaccins simples (odds ratio 1,87 [IC 95% 1,57-2,24]) et significativement moins de réactions de fièvre de tous types (0,21 [0,15-0,28]). Les fréquences des réactions locales de tous les types, des évanouissement ou des convulsions, et des pleurs ou cris persistants ne différaient pas entre les deux cohortes des essais.

 

Chez les enfants plus âgés, il n'y avait aucune association entre l'exposition à des vaccins contenant de l'aluminium et l'apparition d'une induration (locale), d'une enflure ou d'une élévation de température, mais il existait une association avec une douleur locale pouvant durer jusqu'à 14 jours (2,05 [1,25-3,38]).

 

Nous n'avons trouvé aucune preuve que les sels d'aluminium contenus dans les vaccins causent des événements indésirables graves ou durables. Malgré le manque de données probantes de bonne qualité, nous ne recommandons pas de poursuivre les recherches sur ce sujet. »

 

Une méta-analyse en 2004 ? qui recommandait de clore le débat? Lorsque les résultats de la collaboration Cochrane seront connus, la messe ne sera toujours pas dite... Car M. Foucart a raison sur une « machine médiatique » dont il est un des rouages importants.

 

 

Donner la parole aux opposants, systématiquement

 

Il arrive un moment où il faut s'interroger, s'agissant du Monde et d'autres médias : est-ce de l'activisme, ou une stratégie de marketing ? Car si le débat est clos, le marronnier journalistique est desséché...

 

Il se trouve que le Monde publie aussi, le même jour, « En Ardèche, voyage au pays de la défiance vaccinale » de M. François Béguin... « envoyé spécial ».

 

Envoyé spécial, donc, pour faire un micro-trottoir fort sélectif – au moins en partie à la sortie des écoles et crèches – pour pouvoir balancer les principaux « arguments » antivax, aussi éculés et mille fois invalidés soient-ils. Petit aperçu :

 

« Tout en installant sa petite fille de 3 ans dans son siège auto sur le parking de la crèche, Sarah, 34 ans, estime que passer à onze vaccins, "c’est exagéré". "L’hépatite B devrait se faire plus tard. Ce n’est pas normal de balancer autant de produits." "On n’a pas de recul suffisant pour les effets secondaires, on a entendu parler de sclérose en plaques, de maladie du cerveau", lance Isabelle, maman de trois enfants, rencontrée devant l’école maternelle. »

 

Le mélange classique de ceux (celles) qui savent mieux que les spécialistes et ceux (celles) qui ne savent pas et s'en remettent aux on-dit plutôt qu'aux instances médicales compétentes.

 

Tout cela pour affirmer en chapô :

 

« Les habitants du canton des Vans ne cachent pas leurs réticences face aux vaccins obligatoires. »

 

Non, ce ne sont pas « [l]es habitants », mais « des habitants ».

 

Pourquoi tout cela ? Remplir une demi-page du journal papier, ou faire passer le message subliminaire qu'il y a un canton qui fait comme le village d'Astérix et que vous aussi, lecteur/rice du Monde, vous pouvez /devez « résister » ?

 

 

Les Vans ? Une autre manière d'aborder la situation par France 2

 

Il y a, certes, dans ce reportage d'un envoyé spécial du Monde des propos rapportés de médecins et de pharmaciens. Mais rien qui ne contrecarre le message principal. Au contraire, cela se termine par les propos d'un médecin maintenant à la retraite qui se dit « extrêmement critique » envers les vaccins et par une docteure Catherine Gueritte, directrice adjointe santé famille et médecin départemental PMI, qui assure qu’« il n’y a pas que chez nous qu’il y a des résistances ».

 

Un constat d'échec, donc, pour la santé publique – de victoire pour l'activisme et la désinformation, sans compter les juteux fonds de commerce qui exploitent les angoisses devant la seringue ou encore les sentiments anticapitalistes (ces multinationales de la pharmacie...) ou anarchisants (ce gouvernement non démocratique...).

 

Il y a pourtant d'autres approches possibles.

 

France 2 en a fourni un exemple avec un reportage que l'on retrouve sur la toile dans « Vaccins : l'Ardèche fait de la résistance ».

 

Dommage que l'article sur la toile ne comporte pas le texte complet de ce qui s'est dit. Mais l'introduction – rousseauiste ou peut-être rhabiste – vaut le détour et des points sur les « » :

 

« Très loin des grandes villes, niché dans une nature sauvage et majestueuse, le canton des Vans (Ardèche), 2 800 habitants qui cultivent un art de vivre proche de la nature et pour certains, une résistance farouche aux vaccins. Alors au Vans, une maladie que l'on croyait disparue a ressurgi : la rougeole. C'était il y a six ans : une épidémie qui se déclenche en France, 23 000 cas, 10 décès. Mais pour le seul canton des Vans, il y eut 84 malades. »

 

Vaccination insuffisante... épidémie... 23.000 cas... 10 décès (et combien de vies brisées par des séquelles ?), certes pas aux Vans...

 

C'est une vidéo de 5:33 minutes qui se laisse voir avec un plaisir certain. Enfin, pour ceux qui ont un esprit civique et qui y voient surtout les efforts de pédagogie.

 

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