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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

CIRC-gate et Portier-gate : les pitoyables contre-feux du Monde des deux Stéphane

19 Octobre 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Activisme, #Glyphosate (Roundup), #Monsanto, #CIRC

CIRC-gate et Portier-gate : les pitoyables contre-feux du Monde des deux Stéphane

 

 

 

Enfin ! M. Stéphane Foucart et Mme Stéphane Horel ont bien voulu aborder la question des liens d'affaires qu'entretient M. Christopher Portier, le « spécialiste invité » du groupe de travail du Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC) qui a classé le glyphosate en « cancérogène probable. La liste des participants avait retenu dans une note en bas de page, ajoutée après coup, que :

 

« Christopher J Portier reçoit un salaire à temps partiel de l'Environemental Defense Fund, un groupe de plaidoyer environnemental à but non lucratif basé aux États-Unis. »

 

 

Portier déjà consultant d'un cabinet d'avocats prédateurs quand le CIRC œuvrait !

 

Notons à ce stade que M. Portier n'avait pas déclaré qu'il était à l'époque en relation d'affaires avec un cabinet d'avocats spécialisé dans les litiges collectifs – ces prédateurs qui recrutent des plaignants par des publicités pour engager des actions contre des industriels aux poches profondes ; pour le plaignant, l'enrôlement est sans frais, le cabinet d'avocats se finançant et se rémunérant sur les dommages-intérêts obtenus soit par décision judiciaire, soit par règlement à l'amiable.

 

La transcription de la déposition de M. Portier est claire, même s'il a fait preuve de beaucoup de réticence : au moment où le groupe de travail du CIRC siégeait, M. Portier était déjà au service du cabinet Lundy. Connaissant les activités de ce cabinet, pouvait-il ignorer l'aubaine que représenterait une classification du glyphosate en cancérogène (certain, probable, éventuellement possible) pour le cabinet et ses propres affaires ? Manifestement non !

 

 

 

 

Ce conflit d'intérêts patent – énorme – n'avait pas été déclaré au CIRC. Et le Monde des Stéphane et Stéphane n'en a jamais fait état... effet du journalisme militant ou du militantisme se servant d'un journal.

 

 

Digne de la Pravda !

 

La dernière œuvre de Stéphane et Stéphane, « Glyphosate : Monsanto tente une dernière manœuvre pour sauver le Roundup », est la « réponse » aux analyses de M. David Zaruk, alias Risk-monger, que nous avons traduites dans « La cupidité, les mensonges, et le glyphosate : les "Portier Papers" ».

 

C'est digne des meilleures heures de la Pravda (dont on rappellera pour les jeunes générations que c'était, de 1918 à 1991, le journal du Parti Communiste de l'Union soviétique et qu'il entretenait sous le titre « Vérité » des relations étranges avec la vérité) ! Nous nous référons ici bien évidemment au Monde.

 

Cela commence dès le titre, qui accuse Monsanto. Il est pourtant patent que la mise au grand jour de l'extraordinaire malhonnêteté de M. Portier n'aura strictement aucune influence sur la décision qui sera prise – ou ne le sera pas – la semaine prochaine à Bruxelles sur le sort du glyphosate et l'avenir de l'agriculture et de la gestion des territoires européennes.

 

Cela continue par le chapô :

 

« La firme de Saint Louis est impliquée dans une campagne de dénigrement visant le toxicologue américain Christopher Portier. »

 

Voilà le genre d'insinuation qui ne peut que se démentir par une expression de mépris – selon le principe qu'on ne peut pas démontrer l'inexistence des anges. Quelle preuve apportent les deux Stéphane ? Aucune !

 

 

Grand complot à Bruxelles

 

Le grand complot se poursuit :

 

« A Bruxelles, d’après nos informations, des envoyés de Monsanto approchent depuis plusieurs jours des journalistes pour leur raconter une histoire explosive à propos de Christopher Portier, un toxicologue américain associé au Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) des Nations unies, grand nom de sa discipline et ancien patron de plusieurs institutions américaines de recherche. »

 

Bien sûr, tous ces journalistes résistent ! Et ils résistent à l'argent roi que Monsanto distribue si généreusement à quiconque peut avoir une infime partielle d'influence sur le sort du glyphosate (ironie) ! Car où sont les articles qui mettent en cause ce personnage décrit de manière dithyrambique comme associé à une institution « des Nations unies » ? À notre connaissance, il n'y a eu jusqu'à maintenant la Franfurter Allgemeine.

 

C'est du complotisme à l'état pur.

 

C'est du niveau des infâmes Protocoles des Sages de Sion.

 

 

Dénigrer le message concurrent

 

Les deux Stéphane se devaient ensuite de dénigrer le message qui fait l'objet de ses contre-feux :

 

« Selon la rumeur largement diffusée sur Internet... »

 

Non ! Il ne s'agit pas de « rumeur », mais de faits tout à fait avérés puisqu'ils reposent sur la déposition du sieur Portier himself, pris dans les rets de la justice états-unienne qui ne tolère pas les fausses déclarations et dans le réseau de liens d'intérêts qu'il s'est lui-même constitué.

 

Et non, cette « rumeur » n'est pas « largement diffusée ». Il y a l'article de Risk-monger ; en France le nôtre et celui d'Houssenia Writing, « Glyphosate : Christopher Portier, mensonges, lobbying et hypocrisie (Portier Papers) » ; en Allemagne celui de notre amie Schillipaeppa, « Portier Papers » et depuis peu une traduction italienne de l'article de David, « Avidità, bugie e glifosate: i “Portier Papers” ».

 

Et quelle est cette rumeur qui n'est pas une rumeur ?

 

« ...M. Portier aurait secrètement touché une somme considérable – 160 000 dollars (environ 135 000 euros) – de la part de cabinets d’avocats représentant les plaignants dans une action en justice contre Monsanto aux Etats-Unis. Dans quel but ? Influencer l’avis du CIRC, qui a classé le glyphosate "cancérogène probable" en mars 2015, et faire du lobbying auprès des autorités européennes. »

 

C'est encore faux... et grossièrement !

 

M. Portier a été payé pour contribuer aux actions en justice états-uniennes. En aucun cas pour « [i]nfluencer l’avis du CIRC » – ne serait-ce que parce que le contrat qui a été dévoilé dans le cadre des affaires judiciaires a été signé le 29 mars 2015 alors que le classement du glyphosate a été acté le 10 mars 2015, à la clôture de la réunion du groupe de travail, et annoncé par le CIRC le 20 mars 2015 (incidemment, fort opportunément... pour l'ouverture de la gesticulation annuelle de la « semaine sans pesticides »).

 

Et, s'il y a un lien avec le « lobbying auprès des autorités européennes », c'est d'une part qu'une « mauvaise » décision européenne aurait eu des conséquences fâcheuses sur le sort des plaintes états-uniennes et, partant, des perspectives de profits des cabinets d'avocats ; et que, d'autre part, on peut s'étonner du montant exorbitant facturé par M. Portier pour la lecture d'un document de deux pages, et donc suspecter (sans preuves) un paiement pour couvrir des frais.

 

 

Discréditer l'adversaire

 

Discréditer l'adversaire est un autre grand classique de la désinformation. Après avoir sorti de leur contexte quelques termes bien choisis utilisés par M. Zaruk par le passé, voici :

 

« Il avance cette fois que M. Portier a bénéficié d’"une forme de protection que l’on accorde qu’aux comptables de la mafia". »

 

C'est une accusation grave... enfin s'agissant de M. Zaruk. Voici donc, traduit par nos soins, le passage incriminé :

 

« Portier n'a pas été autorisé (par contrat) à être transparent. Il ne pouvait pas dire aux médias, aux journaux, au public ou à d'autres experts qui payait son loyer. En fait, si quelqu'un tentait de forcer le bon scientifique à divulguer ses sources de financement, il pouvait appuyer sur le bouton de panique et ses avocats interviendraient, le représenteraient et le mèneraient en lieu sûr. (« Je pense que c'est ce que dit la partie C » – page 82 de la déposition). Maintenant, vous pouvez dire que je suis naïf, mais je pensais que ce type de protection n'était fourni qu'aux comptables mafieux. »

 

M. Zaruk a fait de l'ironie... Le pouvoir magique des interprétations de texte malveillantes s'enseigne-t-il dans les écoles de journalisme ? Est-il dans les gènes de ce journal qui fut « de référence » ?

 

 

Un contrat « retainer » ?

 

La parole est ensuite donnée à M. Portier :

 

« Y a-t-il eu corruption ? "Non, répond M. Portier, interrogé par Le Monde. J’ai en effet signé un retainer avec un cabinet d’avocats, mais après que l’avis du CIRC a été rendu.»

 

Pour ce qui est de la date, c'est exact. Mais la magie du mot « retainer »... Nos deux Stéphane foncent :

 

« Un retainer – contrat fréquemment utilisé par les avocats américains – permet de réserver les services des experts les plus crédibles et les plus compétents au début d’une procédure, afin de ne pas les voir embauchés par un autre cabinet travaillant sur le même sujet. M. Portier dit avoir perçu 5 000 dollars à la signature du retainer, environ deux semaines après que le CIRC a rendu son avis sur le glyphosate. »

 

Vous voyez bien, amis lecteurs du Monde des deux Stéphane, qu'il n'y a rien de louche... sauf qu'il ressort des pièces du dossier que M. Portier a touché au moins 160.000 $US jusqu'en juin 2017. Et que M. Portier a aussi produit un rapport de quelque 250 pages en faveur de la thèse d'un lien entre les lymphomes non Hodgkiniens et le glyphosate, rémunéré à 450 $US de l'heure. Est-ce bien ce que l'on entend par « retainer » ?

 

 

 

 

Et, amis lecteurs du Monde, soyez rationnels : quelle crainte les avocats prédateurs pouvaient-ils avoir que le « spécialiste invité » du CIRC et activiste au service de l'Environmental Defense Fund « passe à l'ennemi » ? Cette explication des deux Stéphane est vraiment un bobard qui vous prend pour des bobets (leçon de linguistique : « idiot du village », « simplet »en patois du Canton de Vaud).

 

 

Le CIRC appelé à la rescousse

 

Suit un passage dans lequel c'est le CIRC qui s'exprime – notamment pour dire que M. Portier

 

« n’était donc pas en position d’influencer les autres experts pendant l’expertise ou de modifier son résultat. »

 

M. Portier était en contact quasi-constant avec les membres du groupe de travail pendant huit jours, et il n'a pas pu influencer ? Allons donc ! M. Portier a donc fait potiche ?

 

Mais c'est là une autre technique de la désinformation : la petite diversion.

 

 

Minimiser la portée du contrat de consultant

 

Et la parole est redonnée à M. Portier :

 

« A la signature de ce contrat, j’ignorais ce que les avocats allaient me demander de produire ».

 

Après le CIRC, c'est M. Portier qui qui nous prend pour des bobets !

 

Il est clair que M. Portier savait pertinemment qu'il allait contribuer au montage des dossiers, et même plus. Et si la nature exacte de ses contributions n'était pas connue le 29 mars 2015, un personnage aussi versé dans sa discipline et dans les affaires devait en avoir une idée assez précise.

 

Et, ce qui importe au final, c'est ce qui s'est produit dans le cadre du contrat, et aussi en marge de celui-ci.

 

 

Minimiser la clause de confidentialité

 

Et c'est au tour des deux Stéphane :

 

« Sur Internet circulent des extraits soigneusement choisis de la déposition du scientifique qui répondait sous serment, le 5 septembre, aux avocats de Monsanto. Lus hors contexte, ces extraits suggèrent que son contrat exigeait qu’il cache son lien avec le cabinet d’avocats. »

 

Non, ce n'est pas « lus hors contexte ». C'est précisément ce que disait le contrat !

 

Et les « extraits » ont été effectivement « soigneusement choisis ». Mais c'est pour étayer des faits par des preuves, et non pour faire accréditer une thèse douteuse... nous ne mangeons pas le même pain que les journalistes post-vérité.

 

 

 

« Q : Vous avez convenu le 29 mars 2015 que vous ne divulguerez pas votre travail pour les conseils des plaignants aux médias, aux journaux économiques, dans les publications professionnelles, au public ou à d'autres experts allégués, est-ce exact ?

 

R. : C'est exact. »

 

Gênant, non ? Heureusement, il y a le jésuitisme ! « You agreed on March 29, 2015, 25 that you would not disclose your work for plaintiffs' counsel... » est ambigu pour peu qu'on veuille le rendre ambigu... Donc M. Portier aurait convenu, non pas de cacher le fait qu'il travaillait pour les deux cabinets d'avocats, mais la nature, le contenu, de ses travaux.

 

Le lecteur du Monde est prié de se laisser abuser... D'ailleurs,

 

« Vérification faite, il a d’ailleurs déclaré ce conflit d’intérêts à plusieurs reprises. D’abord dans l’article qu’il a cosigné en août 2016 dans le Journal of Epidemiology and Community Health, avec une centaine d’autres scientifiques, pour défendre l’avis du CIRC. La même déclaration figure dans une lettre adressée fin mai à la Commission européenne. Enfin, lors de son audition du 11 octobre au Parlement européen, il a fait état de sa collaboration avec les avocats des plaignants en préambule à sa présentation. »

 

Sauf... sauf qu'il y a plein d'autres cas dans lesquels cette activité n'a pas été déclarée ! Ne prenons qu'un seul exemple : la lettre du 27 novembre 2015 adressée au Commissaire à la Santé Vytenis Andriukaitis ne fait pas état de son activité de conseil scientifique pour les avocats de plaignants états-uniens. Cette lettre est d'autant plus significative que M. Portier l'a fait cosigner par plus de 90 autres scientifiques à qui il a également caché la nature vénale et intéressée de ses activités et de la démarche entreprise auprès de la Commission Européenne.

 

 

 

 

M. Portier a du reste admis avoir travaillé comme consultant pour les avocats de plaignants pendant toute la durée pendant laquelle il a été en contact avec les instances politiques et d'évaluation. Il eût été difficile et surtout imprudent de nier.La lettre dont fait état le Monde des deux Stéphane – du 28 mai 2017 au Président de la Commission Européenne Jean-Claude Juncker – est aussi instructive. M. Portier ne pouvait plus cacher ses activités occultes de consultant, ayant produit peu de temps auparavant son rapport d'expert pour le compte des avocats de plaignants. Et d'une ! Il écrit :

 

« Les opinions exprimées ici et les analyses faites à l'appui de ces opinions sont uniquement les miennes et ont été conduites sans rémunération. En ma capacité de consultant privé, je suis un témoin expert pour un cabinet d'avocats US impliqué dans des litiges sur le glyphosate. »

 

Et d'autre ! Voilà une sorte de démenti de conflit d'intérêts qui est en quelque sorte « avalé » par les auteurs du Monde qui nous abreuvent constamment de conflits d'intérêts allégués de certains personnages au motif qu'ils ont été employés des années auparavant par une entreprise. Bienheureux ce M. Portier qui, d'un trait de plume arrive à se dédoubler et à se défaire d'un conflit d'intérêts fichtrement actuel. Ici, c'est Dr Jekyll qui s'exprime... Non, ce n'est pas Mr. Hide.

 

Et bienheureux ce journal dont une partie non négligeable reste de qualité et qui peut se transformer sans vergogne en Mr. Hyde de la désinformation.

 

 

 

 

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