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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Le Monde : « Peu de pesticides dans la campagne présidentielle », peu de jugeote dans la cervelle

18 Avril 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Activisme, #Pesticides, #Politique, #Perturbateurs endocriniens

Le Monde : « Peu de pesticides dans la campagne présidentielle », peu de jugeote dans la cervelle

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On peut hésiter entre l'hilarité, la tristesse, les sanglots, ou encore l'exaspération.

 

Il y a un volet agronomique, un volet démagogique et un volet politique. Aucun ne trouve grâce à nos yeux.

 

 

 

« Peu de pesticides dans la campagne présidentielle » est un article de Mmes Audrey Garric et Martine Valo dans la rubrique Planète Élection présidentielle. Mais à l'heure où nous avons écrit, il était en tête de gondole de la rubrique Planète.

 

On peut hésiter entre l'hilarité, la tristesse, les sanglots, ou encore l'exaspération.

 

Le propos :

 

« Quelle place les candidats acccordent-ils (sic) dans leur programme à l’usage des intrants chimiques par l’agriculture ? Nous avons comparé leurs projets sur ce thème. »

 

Il y a un volet agronomique, un volet démagogique et un volet politique. Aucun ne trouve grâce à nos yeux.

 

 

Le volet agronomique

 

Ouverture en fanfare :

 

« Les pesticides constituent une sorte d’addiction pour l’agriculture française, qui en consomme toujours davantage. Chaque année, les pommes subissent 35 traitements en moyenne, les vignobles de Champagne près de 20, les pommes de terre 18. »

 

Mémoire de poisson rouge ou cynisme ? Le 31 janvier 2017 (date sur la toile), Mme Garric signait avec M. Pierre Le Hir un « Les ventes de pesticides ont baissé pour la première fois en France depuis 2009 ». C'était certes avec tous les bémols nécessaires pour relativiser une évolution qui heurte tant les dogmes et partis pris de la bobo-écolosphère. Mais il y a bien eu baisse. Autant pour le « toujours davantage ».

 

Des journalistes, même du titre qui fut de référence en des temps lointains, comprendront-ils un jour que les pesticides ne sont pas une « addiction », mais une nécessité si l'on veut assurer une production en quantité et en qualité, y compris du point de vue des normes sanitaires ? Et y compris en agriculture biologique, grande utilisatrice de pesticides dans certains secteurs comme, précisément, les exemples cités ci-dessus. Ou serait-ce mission impossible que de leur expliquer ?

 

Est-ce trop leur demander que de comprendre que les agriculteurs ne sont pas des ploucs, mais des chefs d'entreprise – même si on s'obstine à les appeler des exploitants agricoles en France (hep... la FNSEA...) – formés aux aspects agronomiques (y compris sanitaires et environnementaux) et économiques de leur métier ? Qu'ils n'engagent pas de dépenses inutiles en produits phytosanitaires et en traitements ?

 

View image on Twitter Peut-on leur expliquer encore que l'utilisation des produits phytosanitaires ne dépend pas de règles conçues par exemple sur le coin d'une nappe lors du Grenelle de l'environnement qui a sacrifié l'agriculture au nucléaire, mais des conditions de culture du moment – c'est-à-dire de la pression des ravageurs, elle-même largement conditionnée par la météo ?

 

On admettra que les préjugés sont tenaces. Mais les faits son têtus. La tendance générale est à la baisse sur le long terme, contrairement à ce que Mmes Garric et Valo affirment. C'est en grande partie le résultat de la science et de la technologie : meilleures connaissances, meilleure formation, meilleurs produits (mais nous serons sans nul doute privés de néonicotinoïdes sous la pression de l'obscurantisme, de l'idéologie... et des manœuvres « politiques »), meilleur matériel.

 

(Source)

 

Sur le plus court terme, il y a eu une hausse de 2010 à 2014 suivie d'une baisse importante en 2015 (la baisse étant pour le Monde, certes imitant un ministre de l'agriculture accro à son « agroécologie » et son plan Écophyto, « un léger recul », « un résultat en trompe-l’œil »...).

 

(Source)

 

 

On attend avec impatience les commentaires du Monde sur l'utilisation des produits phytosanitaires en 2016, année catastrophique sur le plan du climat, des productions agricoles et des revenus des agriculteurs.

 

 

Le volet démagogique
Tous unis contre les pesticides ?

 

Les auteurs poursuivent :

 

« Riverains, médecins, toxicologues, apiculteurs, femmes enceintes, gourmets… nombre d’électeurs sont aujourd’hui mobilisés contre l’omniprésence de ces produits chimiques dans notre environnement. Ils viennent d’être rejoints par les 310 000 familles de la Fédération des conseils de parents d’élèves, lors de la Semaine pour les alternatives aux pesticides qui a eu lieu du 20 au 30 mars. »

 

Joli catalogue à la Prévert. « ...mobilisés... » ? Pas quand il s'agit « de ces produits chimiques » utilisés comme biocides pour éloigner au niveau domestique mouches, moustiques, poux, puces, tiques, cafards, punaises de lit...

 

Et, pour la FCPE, on admirera la rhétorique journalistique : il serait étonnant que les 310.000 familles aient fait le geste de s'associer à la semaine financée par le commerce et l'industrie du bio : Biocoop, Botanic, Bjorg, Bonneterre et compagnie, Ecocert, Lea Nature et Moulin Marion... C'est même tellement étonnant que le site de la FCPE ne pipe mot sur cette adhésion à un événementiel qui ne cadre pas vraiment avec ses objectifs.

 

20170126_flyer_concours_dessin_spap_12-hd Il faut aller sur la page Facebook de la FCPE – ou encore sur le site de Générations Futures – pour apprendre que « [d]ans le cadre de la Semaine pour les alternatives aux pesticides, Générations Futures, en partenariat avec la FCPE et Kokopelli, organise un concours de dessin dans les écoles primaires. » Mais organiser un événement est-il synonyme de « rejoindre » ? Est-ce suffisant pour être dans la liste des « partenaires » de l'événement ?

 

Se pose aussi la question de savoir comment les auteures de l'article ont eu cette « information ». La réponse est connue : le Monde est depuis longtemps une caisse de résonance pour Générations Futures.

 

En tout cas, on attend encore du Monde qu'il informe ses lecteurs sur la charte qui vient d'être signée dans le Limousin. Ah ! On me dit que ce genre d'information sur une cohabitation apaisée entre riverains et agriculteurs ne fait pas partie du projet éditorial du journal...

 

 

L'agriculture « productiviste »

Il y a aussi un intertitre « Agriculture productiviste ». Il faut bien, pour les auteures, aller dans le sens des convictions d'un lectorat essentiellement de bobos : ils sont bien nourris et peuvent cracher dans la soupe mise à la disposition de la population française (et d'autres) par cette agriculture que l'on s'acharne à dénigrer avec ce mot « productiviste ».

 

 

Le méchant glyphosate

 

View image on Twitter Et il eût été étonnant que l'on n'évoquât point le glyphosate... C'est à propos de M. Fillon :

 

« Enfin le candidat attend toujours qu’on lui démontre la dangerosité du glyphosate, malgré le classement de cette molécule herbicide, la plus utilisée dans le monde, comme cancérogène probable par l’Organisation mondiale de la santé et de nombreuses alertes de la part des scientifiques. »

 

Attribuer le classement du glyphosate en « cancérogène probable » à l'OMS plutôt qu'au CIRC relève, depuis le temps qu'on en parle, de la volonté délibérée de désinformer.

 

Il est tout aussi démagogique d'évoquer une dangerosité en lien avec ce classement – dans la même catégorie que, par exemple, la viande rouge (la charcuterie étant cancérogène certain), les rayons ultraviolets A, B et C (autrement dit, le soleil), le métier de coiffeur et le travail posté.

 

Il y a aussi « de nombreuses alertes de la part des scientifiques ». Quels scientifiques, à part les militants du style... pas de noms... ? Démagogie aussi que ce silence pesant sur toutes les agences d'évaluation qui se sont exprimées sur le sujet et ont conclu à une absence de risques en utilisation normale (y compris notre ANSES nationale).

 

Quant au candidat Fillon, l'assertion est invérifiable ; nous n'avons rien trouvé sur la toile, ce qui la rend très suspecte. Là encore, qui peut croire que M. Fillon ne sait pas où en sont les choses ? Mais là, on aborde le volet politique. Et on est dans le registre de la malveillance.

 

 

Le volet politique

Les auteures étaient censées nous informer de la place des « intrants chimiques » de l’agriculture dans les programmes des candidats.

 

Mais elles se sont limitées à cinq candidats, ignorant superbement les autres. La démocratie est bien servie par notre journal anciennement de référence... Et elles se sont limitées aux pesticides de synthèse, avec une mention – évidemment – des perturbateurs endocriniens.

 

Nous ne nous appesantirons pas sur les programmes des uns et des autres. À l'évidence, il y a des postures dont on sait – dont ils savent – qu'elles sont démagogiques, irréalistes et intenables. Les programmes sont à peine esquissés dans un article à l'évidence bâclé. De toute manière, il n'y aura qu'un élu, et ce serait faire preuve d'une singulière étroitesse d'esprit que de se décider dans l'isoloir en fonction des déclarations sur les pesticides et l'agriculture biologique.

 

 

M. Hamon prône selon le Monde « ...l’interdiction progressive des pesticides en commençant par les plus dangereux » et veut interdire les perturbateurs endocriniens « au nom du principe de précaution ». Interdiction progressive signifie bien interdiction de tous les pesticides à terme. Sait-il que même l'agriculture biologique ne peut se passer de pesticides ? Qu'elle a demandé une dérogation de 120 jours pour le Neemazal-T/S, un dérivé du margousier (neem) connu pour être un perturbateur endocrinien ? Sait-il que le cannabis, qu'il veut légaliser, est un puissant perturbateur endocrinien avec des effets multiples sur le système hormonal ? Belle cohérence !

 

Mais ajoutons encore qu'interdire « les perturbateurs endocriniens », c'est aussi interdire une foule de produits naturels (y compris d'aliments) et de médicaments (y compris la pilule et les hormones de substitution pour la ménopause).

 

 

Pour M. Mélenchon, il est dit qu'il « promet lui aussi de développer cette filière [le bio] et même d’"engager une réforme agraire", en proscrivant les intrants chimiques, en favorisant les circuits courts et en stoppant les projets de "fermes usines" géantes. » Proscrire « les intrants chimiques » ? Y compris les engrais azotés de synthèse (utilisés par l'agriculture biologique après conversion en engrais organiques dans les fermes conventionnelles, par exemple, in fine, sous forme de sang séché ou de corne broyée) ?

 

Notons – ce que n'ont pas fait les auteures de l'article du Monde – que M. Mélenchon déclare ceci sous « Pour une agriculture écologique et paysanne » (cela évoque « la terre qui ne ment pas...) :

 

« Développer l'agriculture biologique, proscrire les pesticides chimiques, instaurer une agriculture diversifiée et écologique (polyculture-élevage, etc.) et promouvoir les arbres fruitiers dans les espaces publics »

 

Et sous « Sauver l'écosystème et la biodiversité » :

 

« Refuser les OGM, bannir les pesticides nuisibles en commençant par une interdiction immédiate des plus dangereux (glyphosate, néonicotinoïdes, etc.) »

 

Cohérence interne ?

 

 

 

Les auteures du Monde retiennent notamment ceci :

 

« Dans son projet, Emmanuel Macron promet un investissement de 5 milliards d’euros pour moderniser les exploitations agricoles et souhaite séparer les activités de conseil aux agriculteurs de la vente de pesticides. La mesure peut sembler technique, mais elle est réclamée de longue date par les experts. »

 

Quels « experts » ? En fait, il s'agit d'une marotte de Mme Corinne Lepage, qui a rejoint l'écurie de M. Macron, ayant senti que le foin y était plutôt de bonne qualité, et de quelques autres.

 

M. Macron a aussi écrit dans son programme :

 

« Nous placerons la France en tête du combat contre les perturbateurs endocriniens et les pesticides ».

 

Une belle déclaration d'intention, pleine de promesses mais en fait vide d'engagements, que les auteures de l'article du Monde ont omis de signaler.

 

 

Les auteures de l'article du Monde notent à juste titre que Mme Le Pen « ne mentionne ni bio ni pesticides dans ses 144 engagements ». Pourquoi est-il question de bio ici ? Serait-ce parce que les auteures voguent aussi sur l'illusion d'un bio qui n'utiliserait pas de pesticides ?

 

Elles ajoutent :

 

« La candidate du Front national en glisse toutefois un mot en décembre, lors de sa « convention écologie ». Elle célèbre alors le monde paysan « à échelle humaine » qui s’oppose au « modèle productiviste ». Mais dans le même temps, il arrive à son parti de défendre une agriculture productiviste devant le Parlement européen. »

 

Franchement, c'est mesquin ! Et cela illustre aussi le parti pris des auteures : sus à l'agriculture qui nous nourrit !

 

 

 

Selon les auteures de l'article du Monde, M. Fillon

 

« ...promet d’abroger par ordonnance tout ce qui pourrait engendrer des distorsions de concurrence sur les marchés, comme l’objectif de réduire de moitié les produits phytosanitaires d’ici à 2025. »

 

C'est curieux ! Sous la plume de MM. Gary Dagorn, Stéphane Foucart et Pierre Le Hir, dans « Les candidats n’ont pas chiffré précisément la sortie du nucléaire », on nous apprend ceci :

 

« François Fillon, en annonçant une division par deux du recours aux pesticides d’ici 2025, ne fait que reprendre les objectifs du plan Ecophyto II, qui a pris la suite du premier plan, lequel a échoué. »

 

Elles écrivent aussi :

 

« L’engagement vaut aussi vis-à-vis de l’interdiction des insecticides néonicotinoïdes en 2018, des neurotoxiques qui déciment les abeilles, même si M. Fillon indique dans son programme qu’il faut "protéger les pollinisateurs". »

 

Les candidats ont été interrogés par l'UNAF. Voici ce qu'a écrit M. Fillon :

 

« Confronté à la multitude de normes nationales et européennes, je me suis engagé à une clarification par la ferme application des normes européennes en la matière. Des mesures nationales complémentaires seront prises si ces normes ne permettent pas de protéger l'abeille efficacement.

 

Je suis également vigilant contre les déclarations démagogiques dans ce domaine. Nous devons avoir conscience que la simple interdiction des néonicotinoïdes ne sera pas une garantie suffisante. Les solutions de remplacement sont parfois plus néfastes que les précédentes et la protection des abeilles ne relève pas du simple principe de précaution. C'est un impératif absolu pour tous les être vivants (sic) sur cette planète, y compris les hommes. »

 

Pour le glyphosate, voir ci-dessus.

 

 

Conclusion

Résultat de recherche d'images pour "décodex" Un article outrageusement bâclé et, surtout, biaisé.

 

Allô! Non mais, allô quoi ! Le Monde ! Décodex !

 

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Z
Attribuer le classement du glyphosate en « cancérogène probable » à l'OMS plutôt qu'au CIRC relève, depuis le temps qu'on en parle, de la volonté délibérée de désinformer.<br /> >>> D’autant plus que l’OMS ‘ et le JMPR) a désavoué les conclusions du CIRC !<br /> <br /> Il y a aussi « de nombreuses alertes de la part des scientifiques ». Quels scientifiques, à part les militants du style... pas de noms... ?<br /> <br /> >>> Il s’agit probablement des scientifiques tels que Veillerette, Séraliini, Bourguignon, etc…
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour votre commentaire.<br /> <br /> Volonté de désinformer ? Vu le niveau intellectuel de l'article, le rasoir d'Ockham me donne une autre réponse : l'immonde bêtise.<br /> <br /> Idem pour les « nombreuses alertes ».<br />
T
Moi en tout cas, je vote Seppi !!! Merci pour le décryptage.
Répondre
S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour le merci !