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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

La Déclaration de Bruxelles sur l'éthique et les principes pour l'élaboration des politiques en matière de science et de société

11 Mars 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #Divers

La Déclaration de Bruxelles sur l'éthique et les principes pour l'élaboration des politiques en matière de science et de société

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Euroscientist a publié le 17 février 2017 une « Déclaration de Bruxelles sur l'éthique et les principes pour l'élaboration des politiques en matière de science et de société ».

 

En anglais : « The Brussels declaration on ethics & principles for science & society policy-making », une formulation détestable qui aligne les mots sans indiquer avec plus de précision les relations entre eux.

 

Ce document est le fruit d'une série de cinq consultations de haut niveau qui se sont déroulées entre 2012 et 2016 et qui ont porté sur « l'élaboration de politiques fondées sur des preuves v. l'élaboration de preuves fondées sur des politiques biaisées ». Plus de 300 personnes de 35 pays et de divers milieux – universitaires, chercheurs, conseillers scientifiques, journalistes, représentants de milieux économiques, un membre de Médecins sans Frontières... – ont participé à ces consultations.

 

 

Le contexte

 

Sur son site, Euroscientist explique notamment :

 

« La publication de la nouvelle Déclaration de Bruxelles vient à point nommé. Le manque actuel d'engagement du public et d'acceptation de décisions fondées sur des faits est flagrant. Nous sommes entrés dans ce que certains appellent l'ère "post-factuelle" de la démocratie – en particulier après le vote sur le Brexit et la victoire de Trump dans les élections américaines. Une époque où une grande partie du public adhère à des rhétoriques populistes et accepte l'autorité des célébrités. Une ère où l'information est encadrée par des algorithmes et des militants politiques. L'Internet a changé les rapports entre les gens et l'information. Ils sont souvent déconnectés de la science et n'attribuent pas de valeur à ses preuves.

 

Les mécanismes de l'élaboration des politiques doivent manifestement être revus afin de s'assurer que les personnes qui travaillent à l'interface entre la science, la société et les politiques publiques tiennent dûment compte des preuves scientifiques. En particulier, nous devons remodeler la pratique et l'éthique entourant la façon d'élaborer les nouvelles politiques.

 

À l'heure actuelle, presque toutes les décisions politiques sont fondées sur des preuves fournies par des experts. Des questions se posent souvent en raison du manque de réponses satisfaisantes aux questions telles que: qui sont les experts ? Comment sont-ils choisis ? Et quelle est la véracité de leurs conseils ? La vérité est que de nombreuses décisions politiques sont motivées par des craintes et des supputations. C'est une conséquence directe du sentiment qu'ont les gens que la science et la politique les ont abandonnés. Et la plupart des élus ont peur de faire des vagues. »

 

Les travaux ont abouti à l'élaboration de 20 recommandations. Il s'agit de favoriser des prises de décisions fondées sur les faits et de promouvoir des approches ascendantes, celles-ci devant remplacer les décisions imposées par le sommet.

 

« Nous croyons que nous ne devons pas renoncer à défendre "ce qu'il convient de faire" lorsque les preuves scientifiques sont claires. Nous devons donner plus de pouvoir à la science et, en fait, aux acteurs de la société pour qu'ils se lèvent, crient et, au besoin, disent aux autres de se taire. Le problème est que cela ne se produit pas assez souvent. »

 

 

Les 20 recommandations

 

Voici les 20 recommandations. Chacune est brièvement expliquée et commentée dans le document (cela donne tout de même un document un peu volumineux).

 

 

Les 20 principes de la Déclaration de Bruxelles

 

Section 1 : science et politique – une relation cruciale

 

1. La science est un pilier fondamental des sociétés basées sur la connaissance

2. La science peut aider à fournir la base factuelle pour les politiques publiques

3. Une politique publique saine est cruciale pour l'orientation et les priorités de la science

4. Le dialogue entre science et politique n'est jamais simple

 

Section 2 : ce que nous attendons de la communauté scientifique

 

5. L'intégrité de la science doit être claire et l'intégrité des scientifiques fournissant les avis doit être irréprochable

6. Il faudrait inclure toute la gamme des disciplines scientifiques ; en particulier, les sciences sociales peuvent jouer un rôle clé dans l'amélioration de la façon dont le public peut réagir ou s'adapter

7. Les scientifiques doivent apprendre à utiliser les canaux de communication établis pour fournir des conseils stratégiques de manière plus efficace, être moins distants et peut-être moins arrogants

8. Les scientifiques doivent écouter les critiques et y répondre

 

Section 3 : ce que nous attendons de la communauté responsable de la formulation des politiques

 

9. Les décideurs politiques doivent écouter, consulter et être tenus responsables

10. L'examen éthique de l'impact des décisions politiques est crucial

11. Les décideurs politiques doivent mettre la science en demeure de produire des résultats issus des investissements publics

12. Les décideurs politiques devraient être prêts à justifier les décisions, en particulier lorsqu'ils s'écartent des conseils scientifiques indépendants

13. Les décideurs politiques devraient reconnaître le risque de partialité et d'intérêts particuliers contraires au consensus scientifique

 

Section 4 : ce que nous attendons du public, des médias, de l'industrie et des groupes d'intérêts

 

14. Le public joue un rôle essentiel en exerçant une influence sur les politiques et doit être inclus dans le processus décisionnel

15. L'industrie est un investisseur dans la production de connaissances et la science et a parfaitement le droit d'être entendue

16. De même, les groupes d'intérêts ont parfaitement le droit de faire entendre leur voix en tant que gardiens du bien commun ou d'intérêts sectoriels légitimes

17. Les avis issus de n'importe quelle source et contribuant à l'élaboration des politiques doivent reconnaître l'existence possible d'un biais

 

Section 5 : ce qui doit changer : comment le conseil scientifique et une plus grande inclusivité doivent être combinés plus efficacement

 

18. Le conseil scientifique doit être davantage impliqué à toutes les étapes du processus d'élaboration des politiques

19. L'élaboration des politiques doit apprendre à faire face à la vitesse du développement scientifique et inclure davantage de prévoyance et d'anticipation des politiques

20. L'investissement de la société dans les sciences exigera toujours une définition des priorités ; néanmoins, les progrès de la santé publique méritent une attention particulière

     

     

    Quelques explications

     

    Et voici ce qu'écrivent les auteurs pour les recommandations 14 et seq.

     

     

    14. Le public joue un rôle essentiel en exerçant une influence sur les politiques et doit être inclus dans le processus décisionnel

     

    Le public joue un rôle essentiel dans la détermination des positions que prendront les décideurs politiques. À moins que la science ne comprenne son droit au « rien pour nous, alors sans nous », il n'y aura pas =d'équilibre réel entre tous les côtés de l'équation. Les décideurs politiques sont, dans l'ensemble, élus et peu d'entre eux prendront une position pour appuyer ce que la preuve scientifique nous dit si cela signifie aller à l'encontre de l'opinion de leur électorat. L'émergence des réseaux sociaux joue ici un rôle important. Car tandis que les nouveaux médias se prêtent à l'expression d'émotions fortes, cela ne facilite guère l'explication minutieuse d'un résultat de recherche ou d'une plate-forme politique par les décideurs élus. La capacité des médias traditionnels à expliquer les tenants et les aboutissants de la formulation de politiques scientifiques [science-policy-making] moins tangibles est également limitée, surtout lorsque le consensus scientifique peut ne pas exister.

     

    Dans ce contexte, les scientifiques doivent apprendre à trouver des moyens transparents et des canaux pour faire entendre leur voix. La communauté scientifique doit affûter son message et dialoguer avec le public. Pour sa part, le public doit mieux comprendre que les problèmes sociétaux ne sont pas nécessairement résolus par la science. L'accroissement de la culture scientifique est pertinent à cet égard. La démocratie est servie au mieux lorsque les citoyens sont à l'aise avec la science et, par extension, la politique scientifique. Toutefois, si le public en général et les acteurs de la société civile ne sont pas inclus dans la prise de décision par l'establishment scientifique et politique, les conséquences seront extrêmement préjudiciables.

     

     

    15. L'industrie est un investisseur dans la production de connaissances et la science et a parfaitement le droit d'être entendue

     

    L'industrie ne doit pas être court-circuitée quand il s'agit de l'élaboration des politiques. En tant que plus grand investisseur dans la production de connaissances, de technologie et de science, elle a parfaitement le droit de faire entendre sa voix. En effet, la société et le processus d'élaboration des politiques bénéficient grandement de la participation d'experts de l'industrie. Cela est particulièrement vrai quand il s'agit de nouvelles technologies émergentes, lorsque ce sont les experts de l'industrie et du milieu universitaire qui ont d'une manière générale la compréhension la plus profonde et l'approche la plus réfléchie de la façon dont nous devrions procéder. Néanmoins, l'industrie est trop souvent perçue comme souffrant de conflits d'intérêts fatals et ses opinions sont donc rejetées. En fait, les conflits d'intérêts commerciaux se traitent assez facilement lorsqu'ils sont correctement déclarés et que la relation entre la science et la commercialisation est explicitée. En revanche, les conflits d'intérêts idéologiques, personnels ou universitaires sont beaucoup plus difficiles à détecter ou à traiter.

     

    L'industrie, pour sa part, doit faire mieux pour faire connaître ses méthodes de recherche, ses résultats et ses intérêts, et s'exprimer davantage lorsque ses concurrents ou son secteur se comportent de façon inappropriée. De même, l'industrie devrait s'exprimer davantage lorsqu'on lui refuse l'accès à une prise de décision politique importante ou lorsque sa recherche scientifique est mal évaluée ou rejetée. Pourtant, les entreprises sont trop souvent contraintes par leur propre nature concurrentielle, secrète et hiérarchique. Des porte-parole, et non des scientifiques, sont déployés pour dialoguer avec la société. Si on veut instaurer une plus grande confiance, l'industrie devrait habiliter ses scientifiques à parler. Cela contribuera à une situation où la recherche industrielle sera vue comme étant soutenue par une intégrité et une qualité inhérentes. Surtout, l'industrie devrait éviter une mentalité de "champ de bataille" ainsi que la promotion de la désinformation publique destinée à brouiller l'image scientifique lorsque les concurrents ou les décideurs semblent aller dans une direction indésirable.

     

       

      16. De même, les groupes d'intérêts ont parfaitement le droit de faire entendre leur voix en tant que gardiens du bien commun ou d'intérêts sectoriels légitimes

       

      De même, les groupes d'intérêts ont parfaitement le droit de faire entendre leur voix en tant que gardiens du bien commun ou d'intérêts sectoriels légitimes : les groupes d'intérêts sont des rouages essentiels dans le processus d'élaboration des politiques. Les ONG et les groupes de base légitimes représentent des citoyens concernés. En même temps, les décideurs doivent être conscients du fait que les groupes d'intérêts ne sont pas nécessairement les défenseurs du bien commun ou les promoteurs d'une science robuste. Pour cette raison, ceux-ci doivent être transparents, responsables, et comptables de l'information et de la désinformation qu'ils diffusent. Lorsque les groupes d'intérêt ont bien compris, les scientifiques et les responsables de la formulation des politiques devraient le reconnaître. Lorsqu'ils font manifestement erreur, ceux-ci devraient apprendre à lever les bras et contribuer à démanteler les mythes publics sur la science que ceux-là ont contribué à créer.

         

         

        17. Les avis issus de n'importe quelle source et contribuant à l'élaboration des politiques doivent reconnaître l'existence possible d'un biais

         

        La transparence est essentielle pour les conseils scientifiques en matière de politique. Les avis émanant de n'importe quelle source doivent donc reconnaître tout biais possible (y compris tout financement pouvant avoir influencé les conseils). Les scientifiques soutenus par le gouvernement, les universités, l'industrie ou les groupes d'intérêts particuliers, y compris les institutions mondiales, doivent déclarer ce soutien. Les sources de financement doivent être ouvertement déclarées, ainsi que les divers rôles ou associations, passés et présents, de ceux qui prodiguent des conseils. Il n'est pas acceptable qu'un conseil soit appelé un « apport » quand il est bienvenu, et « lobbying » quand il ne l'est pas. L'influence des décideurs est inscrite dans la société, mais cela ne doit pas être réservé à quelques privilégiés. La majorité des parties prenantes, sinon toutes, doivent avoir une chance égale d'exercer une influence. Il est essentiel que le lobbying soit transparent et responsable, et qu'il évite toute suspicion qu'il exerce une influence indue ou même trompeuse sur la prise de décision.

         

         

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