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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Bourguet et Guillemaud : la « foucartisation » de la science, par M. Philippe Stoop – et que fait l'INRA ?

24 Janvier 2017 , Rédigé par Seppi Publié dans #critique de l'information, #Activisme, #Article scientifique

Bourguet et Guillemaud : la « foucartisation » de la science, par M. Philippe Stoop – et que fait l'INRA ?

 

Glané sur la toile 118

 

 

 

De la science à la propagande, ou de la propagande à la science ?

 

Intéressante question d'œuf et de poule que nous ne ferons que poser ici : la « science » a-t-elle produit la propagande ? Ou est-ce plutôt la propagande qui a déterminé le sujet et les conditions de réalisation de la « science » ?

 

« Maïs Bt et conflits d’intérêt : de la science à la propagande », c'est le titre qu'a choisi M. Philippe Stoop sur Forumphyto pour commenter « Conflicts of Interest in GM Bt Crop Efficacy and Durability Studies » de Thomas Guillemaud, Éric Lombaert et Denis Bourguet.

 

Nous avions analysé ce même article dans trois billets dont il est utile de rappeler les titres puisqu'ils énoncent une partie de nos critiques : « Un article alter-scientifique sur les conflits d'intérêts... sans (enfin...) déclaration sur les conflits d'intérêts des auteurs ! », « Un article alter-scientifique sur les conflits d'intérêts... pour convaincre, écrivez "conflit d'intérêts" (2) ! » et « Études sur les OGM et "conflits d'intérêts" : l'exploitation médiatique ».

 

M. Stoop se penche plus particulièrement sur l'aspect statistique pour poursuivre sur des aspects plus fondamentaux de démarche scientifique et politique. Il y a un document annexe, au titre cru et cruel pour les auteurs, mais parfaitement justifié : « Le tour de passe-passe de B&G en 4 graphes ».

 

La conclusion de M. Stoop, comme la nôtre, est sans appel. Du résumé :

 

« Les auteurs déclarent avoir identifié des corrélations significatives entre l’existence de conflits d’intérêt, et la production de résultats favorables aux OGM. Un résultat que toute la presse interprète comme la preuve que les travaux financés par les semenciers sont biaisés. Mais est-ce vraiment ce que démontrent les auteurs ? Comme d’habitude, une lecture attentive de la publication dégonfle rapidement le soufflé.

 

L’intérêt scientifique de cette publication est donc nul, mais il est clair que l’objectif n’était pas scientifique, mais bel et bien de propagande.

 

Plus inquiétant encore, en soutenant cette étude, le service de presse de l’INRA participe à la diabolisation de principe des conflits d’intérêt, et soutient la campagne de dénigrement des chercheurs travaillant en partenariat avec l’industrie. »

 

 

Mais que fait la direction de l'INRA ?

Que cela reste mesuré dans la dernière phrase ! Car ce qui est en cause, au-delà du service de presse de l'INRA, c'est bien sa direction. Il est temps, à notre sens, qu'elle s'exprime sur sa politique scientifique et sur la déontologie qu'elle entend faire respecter en son sein.

 

 

 

Fig 3A1 et 3A2 : effet des conflits d’intérêt sur la probabilité de résultats favorables (présentation honnête)

Quand on s’affranchit du biais créé par le caractère intrinsèquement favorable des études sur l’efficacité, on constate que la différence entre études « avec ou sans COI » n’est en réalité que de +27 % pour les études sur l’efficacité, et +33% pour la durabilité, et n’est significative pour aucun des deux thèmes (voir fig 3d de B, L et G).

 

 

L'analyse ne pouvait que déboucher sur ce qui, en fait, n'est plus une « instrumentalisation » de l'article alterscientifique. C'est sous le titre : « Une nouvelle étape de la "Foucartisation" de la science » :

 

« L’intérêt scientifique de cette publication est donc nul, mais il est clair que ce n’était pas l’objectif. Présentés sans les explications nécessaires, les chiffres calculés peuvent facilement donner l’impression aux profanes que les semenciers truquent leurs résultats. Il ne s’agit donc pas ici de science, mais bel et bien de propagande. Bien entendu, B&G ne formulent pas leur conclusion de façon aussi abrupte, et mettent en fin de leur article les réserves minimales que l’on attend d’un scientifique. Pas besoin d’en faire plus, ils savent que les journalistes se chargeront de faire le reste du travail. Des chercheurs comme B&G n’attendent plus la consécration suprême d’une publication dans Nature ou Science, mais d’une citation par S. Foucart dans la rubrique Environnement du Monde. Comme on pouvait s’y attendre, celui-ci a assuré la traduction grand public avec sa finesse habituelle : "La recherche sur les OGM est minée par les conflits d’intérêts", suivi sur ce thème par la plupart des médias qui ont rendu compte de l’article. »

 

Dans sa conclusion, M. Stoop pose la question qui exige une réponse :

 

« On se demande donc si le service de presse INRA a bien pris la mesure des implications de la figure 3D de la boule puante de B&G, qui insinue que les chercheurs orientent leurs résultats en fonction des intérêts de leurs partenaires industriels : une attaque en règle contre les chercheurs qui se démènent pour monter des projets de valeur profitant non seulement à la recherche publique, mais aussi au monde agricole. Et la direction de l’INRA, qu’en pense-t-elle ? Il serait grand temps qu’elle sorte de sa réserve, et précise clairement si les publications de Bourguet et Guillemaud correspondent bien à ses nouveaux standards de qualité et d’intégrité scientifique. »

 

Oui, il serait grand temps...

 

 

Horizon 2020, vous connaissez ?

Horizon 2020, c'est le programme-cadre de l'UE pour la recherche et l'innovation (en bref, par exemple, ici et ici). Les projets de recherche européens encouragent, voire imposent, les partenariats public-privé en matière de recherche et développement. Et ce n'est que bon sens, à moins de considérer la recherche comme une activité purement intellectuelle.

 

Au-delà du cas particulier que constitue l'alterscience – la « science » à but socio-politique – de MM. Bourguet et Guillemaud, il nous semble que le temps est venu pour la direction de l'INRA de s'exprimer clairement sur sa vision de la science et de la technologie, et de ses relations avec le monde économique ; et ce, d'autant plus qu'un nouveau PDG vient de prendre ses fonctions.

 

Il est du reste plutôt inquiétant de voir que la coopération avec les milieux économiques est absente du communiqué de presse sur la stratégie globale de l'INRA à l'horizon 2025.

 

Plus prosaïquement, l'INRA a-t-elle l'intention de participer à des consortia européens associant recherche publique et recherche privée ? Et, si oui, est-elle disposée à accepter que des voix s'élèvent en son sein – des voix qui se prévalent de l'autorité de l'INRA – pour dénigrer, ou produire de quoi permettre à d'autres de dénigrer, les résultats de la recherche sur des bases spécieuses ?

 

 

Et pendant ce temps, dans le Monde...

 

« Foucartisation de la science » est plus qu'une trouvaille sémantique.

 

Le 23 janvier 2017, M. Stéphane Foucart publiait dans le Monde « Ces lubies vertes qui coûtent "plus cher pour le portefeuille" », avec en chapô :

 

« A mesure que les connaissances progressent, les scientifiques parviennent à chiffrer de mieux en mieux les coûts cachés des pollutions diverses. »

 

Le propos en une phrase : l'inaction coûte bien plus cher que l'action. Et quels sont les exemples cités ?

 

Afficher l'image d'origine

 

« Une synthèse de la littérature, publiée en mars 2016 dans Sustainable Agriculture Reviews par Denis Bourguet et Thomas Guillemaud, chercheurs à l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), mettait ainsi en cause le bénéfice économique des produits phytosanitaires, une fois intégrées leurs externalités (dégâts sur la biodiversité, sur la ressource en eau, sur la santé, etc.). »

 

Cette « synthèse de la littérature », nous l'avons analysée dans « Pesticides: Economic nonsense? ». Sur Forumphyto, c'était « Coûts-Bénéfices des pesticides : une mauvaise plaisanterie de l’INRA ? », avec une suite, puis « Coûts-Bénéfices des pesticides : suites sur le Web ».

 

M. Foucart ne pouvait pourtant pas ignorer que cette « synthèse de la littérature » – au demeurant fort « synthétique » puisqu'elle repose sur 61 articles, mais seulement 30 séries de données – n'a aucune valeur scientifique. Elle est même ridicule quand on sait, par exemple, qu'elle comptabilise en « coût caché » le surcoût des aliments bio achetés par des consommateurs effrayés par les pesticides.

 

 

On peut faire la même observation s'agissant de la deuxième étude mentionnée par M. Foucart, dont M. Stoop a analysé une partie des incongruités ici.

 

« Foucartisation de la science » ? Comment appeler l'« information » qui n'hésite pas à invoquer de l'alterscience, voire de la science-poubelle ?

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