« Perturbateurs endocriniens : où sont les marchands de doute ? » de M. Philippe Stoop sur Forumphyto
Glané sur la toile 110
La réglisse est un puissant perturbateur endocrinien. La glycyrrhizine, présente dans la racine, influence l’hormone corticosurrénale qui régule les minéraux et les fluides dans le sang et plusieurs organes. Elle peut entraîner une hypertension. Les boissons anisées en contiennent et sont de ce fait déconseillées aux hypertendus. Faut-il appliquer le « principe de précaution » dévoyé et les interdire ?
La fin de semaine a dû être studieuse pour M. Philippe Stoop qui nous livre un formidable « Perturbateurs endocriniens : où sont les marchands de doute ? » sur Forumphyto ; cela se rapporte au « Perturbateurs endocriniens : halte à la manipulation de la science », cette déclaration publiée dans le Monde du 29 novembre 2016.
Cette analyse détaillée aborde une série de questions scientifiques, et ce, bien plus en détail que notre « Perturbateurs endocriniens : le scandale de scientifiques se livrant à la diffamation collective » ; elle livre aussi bon nombre de liens intéressants. Son constat n'en est pas moins charitable que le nôtre. En résumé :
« Il est tout à fait normal que des chercheurs expriment, si nécessaire, leur désaccord sur des décisions politiques concernant leur discipline. Mais leur manifeste se contente en fait de reprendre les approximations et la rhétorique complotiste des ONG environnementalistes, sans y ajouter aucun argument scientifique, ni aucune démonstration des manipulations qu’ils prétendent dénoncer. Il donne donc une triste image du monde scientifique, d’autant plus que l’on trouve parmi les signataires une proportion alarmante d’auteurs de publications déjà épinglées dans ForumPhyto… »
Nous pouvons rassurer en partie l'auteur : le manifeste donne une triste image de ses signataires. Et si le monde scientifique, le vrai, voulait se donner la peine de protester, ce serait encore pire pour ces tristes sires et dames.
L'auteur s'est beaucoup attaché à souligner qu'il y avait des questionnements légitimes, et nous ne saurions que le suivre sur ce terrain, sauf...
Sauf que la question de la définition des perturbateurs endocriniens a occupé la scène politique et bureaucratique depuis de nombreuses années au niveau de l'Union européenne ; ainsi, la proposition de la Commission européenne (communication au parlement européen et au Conseil ; projet de règlement délégué dans le cadre de la législation sur les biocides ; même projet dans le cadre de la législation sur les produits phytopharmaceutiques) représente le distillat de nombreuses opinions exprimées par toutes les parties prenantes – y compris par celles qui ont pour fond de commerce la contestation de notre modèle de société fondé (en partie) sur la technologie et de nos institutions.
M. Stoop souligne à juste titre qu'il y a des points qui méritent débat – quant à savoir si ce débat doit être « citoyen »... – mais ce débat a eu lieu et, au bout du compte, une instance doit trancher. Ce seront en définitive les États membres. La mouvance activiste qui s'est exprimée dans la déclaration dont le premier signataire est M. Andreas Kortenkamp a eu tout le loisir de peser sur le processus de décision – M. Kortenkamp est de plus l'auteur principal d'un rapport sur l'état des connaissances sur les perturbateurs endocriniens commandé par la Commission.
Cela ne prive certes pas M. Kortenkamp et ses co-signataires du droit de peser encore sur le processus de décision. Mais le fait est que la méthode employée est indigente, tant sur le plan de la science dont ils se prévalent que de la citoyenneté.
M. Stoop conclut aussi sur un autre plan :
« Il faut donc être clair : ce document [la déclaration] est certes signé par des chercheurs, mais il n’exprime aucun avis scientifique. Ce qui est en jeu n’est pas seulement l’explication des débats scientifiques auprès des citoyens. C’est aussi l’orientation future des travaux de recherche, sur les sujets sensibles politiquement. »
On peut franchir une étape de plus : c'est l'orientation future de notre société.