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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Comment des ONG opposées à l'agriculture moderne répandent la désinformation sur les OGM en Afrique

21 Juillet 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Isaac Ongu, #Afrique, #Activisme, #OGM

Comment des ONG opposées à l'agriculture moderne répandent la désinformation sur les OGM en Afrique

 

Isaac Ongu*

Comment des ONG opposées à l'agriculture moderne répandent la désinformation sur les OGM en Afrique

L'Afrique fait l'objet d'attaques. Mais qui en est l'auteur et qui en sont les victimes ?

 

Selon Henk Hobbelink, agronome néerlandais et fondateur de GRAIN une entité à but non lucratif qui milite contre les biotechnologies végétales et les techniques agricoles modernes, la menace, c'est Big Ag, avec ses OGM comme arme de choix. Hobbelink, selon le site de GRAIN, « soutient la lutte des paysans et des mouvements sociaux pour renforcer le contrôle des communautés sur des systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité » [1].

 

Hobbelink a fait une tournée en Ouganda et dans d'autres pays africains pour tenter d'étouffer un soutien croissant parmi les agriculteurs pour les bananiers génétiquement modifiés pour résister au flétrissement du bananier, lequel dévaste les plantations. Son message : les pays qui cultivent des OGM, les États-Unis en particulier, n'osent pas les utiliser comme aliments pour les humains, mais les consacrent exclusivement à l'alimentation animale – ce qui est un mensonge.

 

 

Le États-Unis cultivent une douzaine de plantes génétiquement modifiées, y compris le maïs sucré, le soja, la betterave à sucre et le papayer, qui sont toutes destinées, exclusivement ou en partie, à la consommation humaine.

 

Mais les déclarations fallacieuses de Hobbelink n'ont pas empêché les médias locaux, qui ont beaucoup publié sur son voyage, de le présenter comme un expert agricole international. Il a fait cette « révélation » auprès des petits exploitants agricoles dans le Masaka rural, où le flétrissement bactérien du bananier a dévasté la plupart des plantations. Il y avait donc là un expert auto-proclamé, sans aucune solution concrète à une catastrophe qui s'étend, disant aux paysans désespérés que la variété transgénique résistante que les scientifiques locaux ont mis au point pour les aider ne vaut pas mieux que les aliments pour animaux.

 

 

Hobbelink, qui dirige son ONG depuis l'Espagne, n'a pas reconnu l'acceptation des OGM par l'Espagne. Celle-ci est le premier pays européen à avoir cultivé des plantes génétiquement modifiées et reste le plus grand producteur de la région, avec environ 20 pour cent de sa production de maïs en GM, sans que cela soulève beaucoup de questions du point de vue des consommateurs et de l'environnement. Le maïs espagnol est utilisé tant dans la production alimentaire que pour l'alimentation animale, comme aux États-Unis et dans d'autres pays.

 

Hobbelink et son groupe, après avoir tenu leurs briefings diabolisant les OGM, ont annoncé une offre de 2,7 millions de dollars en subventions pour ce qu'il appelle les « systèmes alimentaires viables, les droits économiques des petits agriculteurs et de leurs communautés et l'atténuation des changements climatiques grâce l'agriculture à faibles intrants et écologique » [2]. Cette offre, a-t-il dit, est ouverte uniquement aux organisations qui sont prêtes à diaboliser les OGM au niveau local.

 

Frottez-vous les yeux !

 

Quelques informations sur GRAIN

 

GRAIN, qui signifie Genetic Resources Action International, a été fondé comme une coalition d'agences européennes de développement dans les années 1980 avec pour mission première de « résister à la Révolution verte capitaliste » Aujourd'hui, il prétend être « une petite organisation internationale qui soutient la lutte des paysans et des mouvements sociaux pour renforcer le contrôle des communautés sur des systèmes alimentaires fondés sur la biodiversité ». GRAIN opère en Afrique, en Asie et en Amérique latine avec des groupes politiques et syndicaux paysans et agricoles opposés aux OGM et à l'agriculture conventionnelle et « industrielle », tout en faisant la promotion de l'agriculture biologique et des alternatives « agro-écologiques ».

 

Cela remonte à 2001 : GRAIN a établi un partenariat avec de nombreux groupes anti-OGM, notamment MASIPAG, basé aux Philippines, qui s'opposent aux biotechnologies végétales et aux efforts pour développer des cultures enrichies en vitamines, telles que le Riz Doré. Ils ont déclaré conjointement leur opposition aux efforts de la « soi-disant "révolution verte" » déployés par l'Institut International de Recherche sur le Riz pour engager la riziculture dans une « reprise par la chimie » grâce au « remplacement des variétés paysannes par des semences qui exigent des apports extérieurs coûteux tels comme les pesticides, les engrais de synthèse... et des systèmes de crédit coercitifs... » La coalition dirigée par GRAIN et MASIPAG a affirmé que « le riz qui est génétiquement modifié pour résister aux herbicides ou produire les toxines Bt va conduire à des niveaux de pesticides plus élevés, pour ne pas mentionner les perturbations écologiques... » Ils ont appelé les gouvernements à interdire toutes les formes de génie génétique appliqué au riz et à d'autres plantes alimentaires, même celles qui améliorent la nutrition ou permettent de combattre les maladies des plantes, et à interdire tous les brevets sur le matériel génétique.

 

GRAIN prétend être une organisation « de la base ». Son budget annuel est de plus d'un million de dollars [3], les contributeurs majeurs étant le gouvernement de Barcelone, OXFAM et de nombreuses fondations technophobes des USA. En Afrique le partenariat majeur de GRAIN a été noué avec l'Alliance pour la souveraineté alimentaire en Afrique (AFSA). Participent à sa campagne mondiale anti-OGM : BIOTHAI (Biodiversity Action Thailand, précédemment Thai Network on Community Rights and Biodiversity), CEDAC (Cambodian Center for the Study and Development of Agriculture/ Centre d’Etude et de Développement Agricole Cambodgien – qui commercialise du riz bio), HEKS (Swiss Interchurch Aid Group, opérant au Cambodge), KMP (parti politique extrémiste philippin), Pesticide Action Network-PAN Indonesia and Philippines, Philippine Greens (parti politique « vert »), UBINIG (Unnayan Bikalper Nitinirdharoni Gobeshona, les Policy Research for Development Alternatives au Bangladesh. Ces efforts ont été appuyés par l'Institute for Agriculture and Trade Policy (IATP), une ONG anti-OGM ayant son siège aux États-Unis.

 

 

Des OGM « dangereux et inutiles »

 

GRAIN, en partenariat avec l'AFSA, a aussi fait campagne contre le projet de loi ougandais sur la biotechnologie et la biosécurité, affirmant que les intérêts des « agriculteurs ordinaires » de l'Ouganda sont ignorés.

 

« Nous croyons que les pratiques agro-écologiques comme l'agriculture biologique, la conservation des sols et le jardinage biodiversifié sont des solutions à l'insécurité alimentaire, la pauvreté rurale et la dégradation de l'environnement, et non pas l'introduction d'OGM », a déclaré Bridget Mugambe, de l'AFSA. « Il [le projet de loi] devrait être retiré et reformulé. Nous avons vraiment besoin d'une loi qui ne privera pas nos agriculteurs de leur droit de produire de la nourriture sur la base de l'agroécologie », a ajouté Mme Mugambe.

 

Frottez-vous les yeux (bis) !

 

 

En Ouganda et dans la plupart des régions d'Afrique, la nature de la culture détermine si elle est cultivée sur un mode biologique [de fait] ou non. Les principales cultures de base de l'Ouganda comme les bananiers et le manioc sont presque toujours produites sur le mode biologique. Dans quelques cas, les agriculteurs utilisent des insecticides comme le carbofuran pour lutter contre les nématodes. Grâce au génie génétique, les scientifiques ougandais du Programme National de la Banane ont mis au point des bananiers qui sont résistants à la fois aux nématodes et au charançon du bananier, mais ils restent inutilisés en raison de l'opposition de GRAIN et d'autres groupes. Les agriculteurs ne seraient pourtant pas obligés d'utiliser des quantités importantes de pesticides inorganiques s'ils étaient approuvés et cultivés. Les militants anti-OGM, qui se prétendent écologistes, sont aveugles face aux possibilités du génie génétique, lequel pourrait réellement contribuer à leur objectif de non-utilisation ou de réduction de l'utilisation de produits chimiques.

 

Certains agriculteurs qui cultivent sans pesticides ni engrais organiques – des productions biologiques de fait – le font parce qu'ils ne peuvent pas se payer les intrants. Souvent, leurs rendements sont désastreusement bas, car leur production est détruite par les ravageurs. Pourtant, leurs produits sont vendus sur un marché ougandais qui ne fait pas de distinction entre les produits biologiques et conventionnels, les rendements étant beaucoup plus élevés pour ces derniers.

 

L'Ouganda s'est aventuré dans la production de coton biologique il y a quelques années, mais les agriculteurs ont été durement touchés par les faibles rendements obtenus couplés avec des promesses de prix élevés qui ne se sont jamais matérialisées. La plupart des agriculteurs ont abandonné le coton biologique pour d'autres cultures comme le tournesol. Récemment, l'Organisation du Coton a été fortement critiquée car l'Ouganda, autrefois connu pour sa production de coton, a commencé à importer du coton pour sa petite industrie textile. Alors que le mouvement du bio profite de cette situation dans les pays développés, des petits pays comme l'Ouganda, dont les marchés ne font pas de différence entre bio et non-bio, sont rabaissés à jamais au niveau de la subsistance en ayant adopté un mode de production bio exclusif. Il pourrait être rentable pour les agriculteurs européens ou américains de produire en bio parce qu'ils obtiendraient des prix plus élevés pour leurs produits. Mais il est immoral d'exploiter les agriculteurs pauvres d'Afrique pour qu'ils sous-produisent en restant pauvres, pour le plus grand profit des intermédiaires délivrant la certification bio et leurs maîtres du monde du bio. L'adoption du cotonnier Bt génétiquement modifié permettrait de réduire considérablement le coût des intrants et entraînerait une forte réduction de l'utilisation des pesticides – et éviterait à l'Ouganda d'importer du coton.

 

Frottez-vous les yeux (ter) !

 

 

Lutter contre les craintes hypothétiques avec des faits scientifiques

 

L'Alliance mondiale de l'Université Cornell pour la Science a été accusée par certains militants anti-OGM de former des propagandistes pro-OGM.

 

Ce n'est pas le cas.

 

En Ouganda, les boursiers Cornell, sous l'égide de l'Alliance Ougandaise pour la Science, sont allés dans la région même où Hobbelink et son groupe avaient répandu la peur. Dans ce qui semble être une « bataille pour les agriculteurs de base », ils ont fait savoir aux habitants comment le génie génétique a permis de conférer une « protection » à leurs variétés autochtones et comment la réglementation sur la biosécurité contribuerait à protéger les petits agriculteurs, tout en encourageant l'innovation. Les informations fournies par l'Alliance Ougandaise pour la Science incluaient des données économiques sur les pertes dues aux principales maladies des cultures.

 

 

Plus de 10 millions d'Ougandais consomment du manioc comme leur principale source de glucides. La maladie de la striure brune du manioc provoque pas moins de 24,2 millions $ de dommages par an. Une autre culture menacée est la banane, consommée par plus de 13 millions d'Ougandais comme leur principale source de glucides. Les bananes contribuent jusqu'à 22 pour cent des recettes agricoles du pays. La perte de rendement estimée, en raison du flétrissement bactérien du bananier, est de 299,6 millions $.

 

Les deux maladies, flétrissement bactérien du bananier et maladie de la striure brune du manioc, qui ravagent les fermes de l'Ouganda sont une menace pour la sécurité alimentaire nationale, et aussi régionale car l'Ouganda a été un important fournisseur de produits alimentaires pour les pays voisins, en particulier le Sud-Soudan, qui n'ont pas eu le temps de développer leur systèmes agricoles en raison des longues guerres. Les méthodes conventionnelles n'ont pas eu de succès significatif dans la réponse à ces défis. Grâce au génie génétique, les scientifiques locaux, en collaboration avec leurs homologues régionaux et mondiaux, ont été en mesure de produire des variétés qui offrent une résistance absolue à ces maladies.

 

Dans cette bataille pour la base où les habitants sont bombardés d'informations divergentes, les agriculteurs devront prendre leur décision sur la base d'affirmations hypothétiques de dangers formulées par des groupes comme les Amis de la Terre, ou sur la base des avantages très réels documentés par des groupes scientifiques comme l'Alliance pour la Science. Ou bien ils seront convaincus que le génie génétique permettra de protéger leurs variétés indigènes, comme l'affirme l'Alliance, ou bien ils succomberont à la thèse que les OGM « élimineront nos variétés savoureuses, autochtones et naturelles, héritées de nos ancêtres » comme le prétendent GRAIN et d'autres groupes anti-OGM. Ce choix déterminera la disponibilité de nourriture, ou la pénurie, pour les populations africaines actuelles et futures.

 

__________________

 

* Isaac Ongu est un agriculteur. Il écrit sur la science et promeut les actions politiques fondées sur la science pour relever les défis agricoles en Afrique. Suivez Isaac sur twitter @onguisaac.

 

Source : https://www.geneticliteracyproject.org/2016/07/14/anti-modern-farming-agroecology-ngos-spread-gmo-misinformation-africa/

 

Frottez-vous les yeux (quater) !

 

Mes notes

 

[1]  Comme le dit une commentatrice sur le site de GLP c'est l'agriculture... de subsistance.

 

[2]  Il est difficile d'interpréter cette phrase ! Ambiguïté de l'auteur de la déclaration ou de l'auteur par suite d'une mauvaise compréhension du public ? Selon le site de l'Agroécology Fund, ce chiffre correspond plutôt aux subventions accordées depuis 2012. Pour les subventions de 2016, voir ici.

 

[3]  Ce seraient environ 700.000 euros selon le site de Grain. Il y est précisé :

 

« Nous tentons actuellement de diversifier notre base de soutien financier et acceptons avec reconnaissance toutes les propositions de collaboration. »

 

Le budget de 2001 était de 900.000 euros.

 

Nous avons retrouvé un tableau récapitulatif des subventions accordées à GRAIN de 1997 à 2002. Ce n'est certes pas récent, mais cela donne une idée des sources. Des gouvernements, ainsi que des organisations charitables, se disant généreux envers les pays en développement financent en fait leur maintien dans un état de sous-développement !

 

 

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