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Agriculture, alimentation, santé publique... soyons rationnels

Abeilles et néonicotinoïdes : le lecteur éclairé du Monde a toujours le bourdon !

31 Mai 2016 , Rédigé par Seppi Publié dans #Activisme, #critique de l'information, #Néonicotinoïdes

Abeilles et néonicotinoïdes : le lecteur éclairé du Monde a toujours le bourdon !

 

Jolies photos ici (mais voir le commentaire d'Eric ci-dessous)

 

Échec de la conciliation parlementaire

 

Mercredi 25 mai 2016 : la commission mixte paritaire Assemblée Nationale-Sénat a échoué à trouver un compromis sur le projet de loi « pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ». La commission s'est séparée au bout d'une heure, après avoir constaté le dissensus sur l'article 2 (le « principe de non-régression du droit de l'environnement », supprimé par les sénateurs, mais jugé « fondamental » par le président de la Commission du Développement Durable à l'Assemblée, Jean-Paul Chanteguet (PS). Les travaux se sont arrêtés à ce stade. On ne sait donc rien sur le tour que pourra prendre la loi sur les autres dispositions « en ballotage ».

 

Le texte fera l'objet d'une troisième lecture. Les optimistes espèrent une adoption d'ici la fin juillet. Les réalistes...

 

 

Le sort des néonicotinoïdes scellés ?

 

Le sort des dispositions sur les néonicotinoïdes (article 51 quaterdecies) semble scellé. Il a été quasiment dévoilé par Mme Barbara Pompili, toujours sur le Monde dans « Barbara Pompili : "Sur la biodiversité, les lobbys sont très présents" » :

 

« Sur les néonicotinoïdes, le gouvernement a désormais un message clair. Avec les ministres de l’environnement, Ségolène Royal, et de l’agriculture, Stéphane Le Foll, nous avons une position commune, défendue d’une seule voix. Elle consiste à proposer d’interdire, au plus tard en 2018, les néonicotinoïdes pour lesquels il existe des alternatives, avant une interdiction complète en 2020... »

 

L'explication est d'une candeur désarmante :

 

« ...C’est aussi une façon de pousser la recherche et le développement sur des solutions qui ne soient pas nocives pour l’environnement et la santé, tout en garantissant aux agriculteurs qu’ils seront accompagnés dans ce changement. Quand il n’y a pas d’échéance, il y a procrastination. »

 

S'imaginer qu'on puisse trouver des « solutions » en l'espace de quatre ans... En plus « qui ne soient pas nocives... ».

 

 

Il faut maintenir la pression...

 

Hasard du calendrier ou orchestration de la mise sous pression des parlementaires, le Monde publie le 27 mai 2016 « L’utilisation des insecticides "tueurs d’abeilles" est toujours en forte augmentation ». Sous la plume de qui ? Devinez... Le message clé, dès l'introduction :

 

« Les apiculteurs français en sont tout abasourdis : le moratoire européen sur certains usages des néonicotinoïdes semble jusqu’ici avoir été inopérant. Depuis sa mise en place en 2013, l’utilisation de ces insecticides, mis en cause dans l’effondrement du nombre d’abeilles et de pollinisateurs sauvages (bourdons, papillons, etc.), a même explosé. C’est le principal enseignement des statistiques obtenues, jeudi 26 mai, par l’Union nationale de l’apiculture française (UNAF), qui a saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) contre le ministère de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. »

 

Les apiculteurs... c'est l'UNAF, un auxiliaire de l'altermondialisme et de la chimiophobie, omniprésente dans les médias contrairement à d'autres associations et syndicats de l'apiculture ; les néonics, c'est dès le titre des « tueurs d'abeilles » (sans guillemets dans l'édition papier du 28 mai 2016) ; le ministère... ben, il a fallu saisir la CADA...

 

Donc,

 

« ...les tonnages des cinq principaux "tueurs d’abeilles" vendus en France (acétamipride, clothianidine, thiaméthoxame, imidaclopride, thiaclopride) sont passés de 387 tonnes, en 2013, à 508 tonnes, en 2014. Soit une augmentation de 31 % en un an, malgré le moratoire. »

 

Mis à part une déclaration anonyme du ministère de l'agriculture, la parole est largement – quasi exclusivement – donnée aux dirigeants de l'UNAF et, surprise, surprise, à « François Veillerette, porte-parole de l’association Génération futures », ainsi qu'à Mme Delphine Batho, une des porteuses de l'interdiction des néonicotinoïdes à l'Assemblée nationale.

 

On apprend tout de même au détour du texte que :

 

« Certaines molécules soumises à des restrictions par le moratoire imposé par Bruxelles en 2013 voient bien leur tonnage baisser en 2014, mais d’autres augmentent fortement. L’imidaclopride, l’une des molécules les plus toxiques pour l’abeille domestique, bondit de 36 % malgré le moratoire. »

 

Formidable tri sélectif ! On n'en saura pas plus en lisant le Monde...

 

 

Public Sénat, lui, informe... enfin essaie

 

Public Sénat a sans nul doute repris le flambeau avec « Néonicotinoïdes : les abeilles ont toujours le bourdon ». Mais à la différence du Monde de M. Foucart, M. Simon Barbarit a ouvert sa focale :

 

« Axel Decourtye, Ecotoxicologue directeur scientifique et technique de l'ITSAP-Institut de l'abeille met lui en évidence que les chiffres publiés par l’UNAF concernent 5 néonicotinoïdes dont deux qui ne sont pas concernés par le moratoire : l’acétamipride et le thiaclopride. "Il est difficile, avec ces données, de savoir si l’augmentation du volume des néonicotinoïdes est dû au fait que des agriculteurs ne respectent pas la réglementation pour les 3 qui sont concernés par le moratoire ou que ce sont les deux substances qui ne sont pas soumises à une limitation qui sont de plus en plus utilisées. Il faudrait faire une étude, culture par culture". »

 

M. Decourtye ne nous donne donc pas la réponse détaillée, faute de l'avoir lui-même. Mais il nous suggère qu'il est fort possible qu'il y ait un loup dans cette communication de l'UNAF complaisamment relayée par le Monde.

 

 

L'UNAF donne des chiffres et dévoile l'enfumage

 

 

C'est bien ce qui ressort du communiqué de presse de l'UNAF.

 

Abeilles et néonicotinoïdes : le lecteur éclairé du Monde a toujours le bourdon !

Reprenons le texte du Monde :

 

« ...L’imidaclopride bondit de 36 % malgré le moratoire. »

 

C'est exact (enfin presque, les règles de l'arrondi...). Mais comme le « moratoire » ne concerne que certains usages... voir M. Decourtye.

 

« Certaines molécules soumises à des restrictions par le moratoire imposé par Bruxelles en 2013 voient bien leur tonnage baisser en 2014... »

 

Ces molécules, ce sont la clothianidine et le thiaméthoxame. Et cela baisse... modestement... de... 77 %. Mais il ne fallait pas donner le chiffre, pour ne pas gâcher la mauvaise impression conférée par les 37 % d'augmentation de l'imidaclopride.

 

« ...mais d’autres augmentent fortement ...»

 

En fait, ce n'est qu'un seul : l'imidaclopride. Car « d'autres » doit être lu dans le contexte de la phrase : « soumises à des restrictions par le moratoire... ».

 

Et, au fait, pour la question de la coïncidence ou de l'orchestration, l'UNAF donne la réponse :

 

« Nous comptons fermement sur nos parlementaires pour entendre ce message et réintroduire l’interdiction des néonicotinoïdes lors de la 3ème lecture de la loi biodiversité. »

 

 

Les lobbys de Mme Pompili

 

Priée d'expliquer le « retard » (les guillemets sont du Monde), Mme Pompili explique :

 

http://idata.over-blog.com/3/12/74/12/Tintin-Sapristi.jpg

« Le Sénat est majoritairement composé d’élus du monde rural. Des lobbys que l’on connaît bien ont été très présents : celui de la chasse, dont les représentants donnent à l’avance aux sénateurs une grille d’amendements à voter ou à ne pas voter, celui de l’agriculture ou, du moins, de l’agriculture intensive… Les industriels de l’agrochimie ne sont pas en reste. Chacun a bien sûr le droit d’expliquer et de défendre ses positions. Mais le rôle des parlementaires est de s’extraire de ces pressions parfois très fortes pour servir l’intérêt général. »

 

C'est bizarre... cette liste est très sélective... pas de lobby promouvant, par exemple, l'interdiction des néonics ?

 

Enfin, le Sénat étant « majoritairement composé d’élus du monde rural » on comprend pourquoi le dernier mot doit revenir à l'Assemblée nationale...

 

 

 

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S
Conférence "PERTURBATEURS ENDOCRININENS et information", le 14/06<br /> Certains lecteurs peuvent etre interessés par cette conference : <br /> "La vulnérabilité de la régulation : le cas emblématique des perturbateurs endocrininens"<br /> mardi 14 juin 2016, de 12h30 à 14h00.<br /> IDDRI, 4, rue de Chevreuse 75006 Paris <br /> http://www.iddri.org/Projets/Seminaire-Developpement-durable-et-economie-de-l-environnement/La-vulnerabilite-de-la-regulation-le-cas-emblematique-des-perturbateurs-endocrininens
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E
La photo de bourdon n'est pas celle de Bombus pascuorum. C'est un bourdon du groupe terrestris ( Bombus terrestris, Bombus lucorum, Bombus hortorum) tous avec une bande jaune sur le thorax et le "cul" blanc. Pour être sûr il faut extraire les génitalia et les déterminer sous bino.
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S
Bonjour,<br /> <br /> Merci pour le commentaire. J'ai ajouté un avertissement dans la légende.